Entretien avec John Scully

Par Erik Yelemanov

Ceux qui suivent nos boxeurs locaux sur les réseaux sociaux ont pu dernièrement apercevoir, à l’entraînement avec Artur Beterbiev, un visage peut-être étranger, celui de John Scully. Qui est-il?

John Scully est un boxeur professionnel américain retraité qui évoluait dans la catégorie des mi-lourds, ayant compilé une fiche de 38-11-0 (21 K.-O.). Celui qu’on surnomme The Iceman s’est entre autres incliné face à l’Allemand Henry Maske en championnat du monde en mai 1996 et il a croisé les gants avec Michael Nunn dans un combat mémorable cinq mois plus tôt lors du premier combat impliquant le titre NABO.

Durant sa carrière, Scully a servi de partenaire d’entraînement à Roy Jones Jr., James Toney, Mike McCallum et Vinny Pazienza. Ayant pris sa retraite en 2001, Scully est aujourd’hui un entraîneur et un analyste de boxe réputé, ayant agi comme analyste sur les ondes d’ESPN, de Nuno-TV et de bien d’autres. Ne se gênant pas pour donner son avis sur les réseaux sociaux, il est bien apprécié des amateurs de boxe.

The Iceman a entraîné quatre champions du monde: l’ex-championne WIBF des poids légers Liz Mueller, l’ex-champion WBA super-mi-moyen Jose Antonio Rivera, l’ex-champion des super-coqs IBO  Mike Oliver et le plus connu de tous, l’ex- champion WBC et The Ring des mi-lourds,  « Bad » Chad Dawson, que Scully a entraîné chez les amateurs et au début de sa carrière professionnelle, avant de revenir l’entraîner pour quelques combats incluant la plus grande victoire en carrière de Dawson, face à Bernard Hopkins, mais aussi lors de sa défaite face à Andre Ward.

Nous avons eu la chance de nous entrenir avec celui qui a entre autres été porteur lors des funérailles du légendaire boxeur Willie Pep.

Bonjour, John, comment vas-tu? Que fais-tu de bon ces jours-ci?

Je suis occupé avec ma famille et la boxe. Je suis à mon gym à Hartford au Connecticut presque tous les jours. Je suis en train d’organiser un gala de boxe amateur pour le mois de mai.

Peux-tu nous parler de ton plus beau souvenir en tant qu’entraîneur?

Il y a eu beaucoup de beaux moments. J’ai été dans le coin pour quatre victoires en championnat du monde et chacune d’elle a été spéciale et importante pour moi. Mais mon plus beau souvenir reste un combat ayant eu lieu en 2005, j’étais entraîneur  de Lawrence Clay-Bey, qui a  représenté les É.-U. aux Olympiques de 1996. À l’époque, il était déjà âgé de 40 ans et travaillait comme gardien de prison de nuit et sa carrière tirait à sa fin. Il était opposé à Dere Bryant dans un combat difficile sur les ondes d’ESPN. Nous étions à un point dans le combat où il était épuisé, ayant tout donné au 7ème round pour essayer de passer le knockout à son adversaire.

Il est arrivé dans le coin complètement épuisé physiquement et mentalement, et voulait abandonner, mais je ne l’ai pas laissé faire. Ce qui est arrivé pendant les trois rounds suivants était tellement incroyable que même Joe Tessitore, l’annonceur d’ESPN, m’a appelé et laissé un long message vocal le lendemain matin en me confiant que l’interaction entre Lawrence et moi dans le coin était le plus beau moment dont il avait été témoin lors de sa carrière à la télévision. Lawrence était extrêmement fatigué et était prêt à abandonner, mais il a fini par continuer et conclure le combat tellement en force que les juges lui ont accordé un verdict nul. Lawrence a fini la tête haute et c’était certainement mon plus beau moment comment entraîneur.

Parles-tu encore à Chad Dawson?

Je ne lui ai littéralement pas parlé depuis son combat contre Andre Ward en 2012… tant mieux pour moi.

 Quelle est ton opinion sur l’état actuel de la boxe?

Je crois que les gens sont fous lorsqu’ils disent que la boxe est sur le point de mourir et que les arts martiaux mixtes sont en train de prendre le dessus. Je n’ai pas la même vision des choses. Nous avons récemment eu droit au plus gros combat en termes de recettes financières de l’histoire de l’humanité. Il y a plus de boxeurs millionnaires en ce moment qu’il n’y en a jamais eus. Cet intérêt pour la boxe et cet argent doivent bien venir de quelque part.

Cependant, je ne suis pas admirateur de toutes ces ridicules ceintures de champion. Je trouve qu’avoir plus d’un champion par organisation par catégorie de poids est stupide au-delà de toute expression. J’adore la boxe et je respecte l’idée des championnats du monde, mais j’ai vraiment des problèmes avec le fait qu’aujourd’hui, la signification d’un « championnat du monde » est sévèrement diluée. Si jamais la boxe meurt, ça sera à cause de l’avarice et de la stupidité des organisations de boxe.

Qui selon toi va remplacer Floyd Mayweather et Manny Pacquiao?

Je ne sais pas s’il y a quelqu’un qui va atteindre le niveau d’argent qu’ils génèrent, mais en termes de talent et de popularité, je crois que celui qui va finir au sommet des mi-moyens actuels va être le premier en lice pour les remplacer. Il y a beaucoup de talent et de bons combats à faire chez les 147 livres. Si Bradley réussit à battre Pacquiao, ça va peut-être le propulser devant les autres, mais je crois qu’entre Danny Garcia, Keith Thurman, Shawn porter, Errol Spence Jr. et d’autres, celui qui réussit à perdre le moins de plumes va finir au sommet.

En Andre Ward et Sergey Kovalev nous avons aussi des gars qui feraient des bons candidats pour le numéro un livre pour livre, et même chose avec Lomachenko et Rigondeaux. Disons qu’il y a beaucoup de possibilités avec la retraite de Floyd.

L’an passé, tu as entraîné pour un court laps de temps un boxeur bien connu chez nous, Lucian Bute. Que peux-tu nous dire de cette période?

J’ai bien aimé travailler avec Lucian. Nous avons bien travaillé à Orlando en Floride et un peu à Las Vegas. Son équipe m’a demandé de l’entraîner, j’ai accepté et tout semblait parfait. Mais pour être honnête, je n’ai aucune idée de ce qui est arrivé. Je n’ai plus eu aucune nouvelle de son gérant. J’ai lu sur le web qu’il avait un combat qui allait avoir lieu au Canada et c’est tout. Je n’ai jamais reçu d’appel et je n’ai jamais demandé d’explications.

Après plusieurs années en boxe, je m’attends presque toujours à me faire traiter de la sorte par certaines personnes du milieu. C’est simplement comme ça dans le monde de la boxe. Il faut simplement aller de l’avant, c’est ma vision des choses.

Peux-tu nous expliquer comment tu en es venu à entraîner Artur Beterbiev et quelle est la situation actuelle?

Marc Ramsay m’a appelé un jour en me demandant si j’étais disponible pour l’aider avec Artur car il allait être occupé à entraîner ses autres boxeurs, et il voulait qu’Artur ait l’attention dont il avait besoin. J’étais à Montréal pour deux semaines, mais je suis maintenant de retour.

Est-ce que tu entraînes aussi son collègue Vislan Dalkhaev? Quelle est ton opinion sur lui?

J’ai travaillé avec les mittes d’entraînement avec lui mais je n’ai pas travaillé extensivement avec lui. Il a l’air très énergétique et j’entends beaucoup de bien sur lui. Je ne l’ai pas encore vu en sparring ou en combat.

Quelle est ton opinion sur Artur Beterbiev?

J’aime beaucoup Artur. Ce que je préfère chez lui, c’est que malgré sa longue carrière amateur et son succès chez les professionnels, il reste très ouvert à apprendre et essayer de nouvelles choses. Il est extrêmement dédié à la boxe et discipliné. C’est vraiment incroyable qu’il ait neuf combats à ce point-ci, car je crois qu’il n’y a aucun gérant dans le monde qui voudrait mettre un boxeur avec neuf combats contre Artur.

Artur est un des meilleurs boxeurs venant des programmes rigoureux de l’ex-Union soviétique. As-tu remarqué des différences dans la façon dont il s’entraîne ou se bat comparativement aux boxeurs occidentaux?

J’ai remarqué un peu de ce style russe difficile auquel je me suis frotté chez les amateurs. Mais il a adapté son style à la boxe professionnelle. Par rapport à l’entraînement, je l’ai plutôt vu faire les choses que je lui ai demandé et il s’entraîne très fort. Je le vois comme un homme qui va aller aussi loin que son esprit et son corps permettent, et selon ce que j’ai vu, il va aller très loin.

Que peux-tu nous dire de sa force de frappe et de sa force physique en général?

Avant de venir à Montréal pour l’entraîner, j’ai parlé à un de mes amis qui entraine des boxeurs amateurs et qui a « sparré » avec Artur il y a quelques années, et il m’a dit que Artur était l’être humain le plus fort qu’il n’a jamais vu.  Je suis arrivé à Montréal avec de très hautes attentes, et elles ont été comblées. Il a des jambes extrêmement fortes, et il est capable de transférer cette force dans ses coups, il est aussi capable de se positionner de façon à maximiser sa puissance. Pas besoin d’être un bon entraîneur de boxe pour le voir. N’importe qui peut regarder ses combats contre Cloud et Campillo et voir que sa puissance est réelle.

Est-ce que tu fais encore du sparring avec tes boxeurs? As-tu fait du sparring avec Artur?

J’ai « sparré » avec tous les gars que j’ai entraînés jusqu’à il y a environ un an. Je faisais du sparring très fréquemment, mais j’ai arrêté dans les 12 derniers mois. Je dois définitivement me convaincre de ne plus faire de sparring; à 48 ans et 15 ans après mon dernier combat, je ne crois pas qu’échanger des coups avec des gars comme Artur Beterbiev soit dans mon intérêt.

Où vois-tu Artur dans un an?

Je vois qu’il est sur un chemin rapide vers le sommet. Le problème avec un gars comme Artur est qu’on croit qu’il est facile pour lui de trouver des adversaires parce qu’il a seulement neuf combats et pas beaucoup de rounds, mais ceux qui connaissent la boxe savent ce dont il est question et ils ne vont jamais sacrifier leurs meilleurs boxeurs à moins de recevoir beaucoup d’argent. Un gérant qui a un boxeur de 10-0 serait viré s’il opposait son protégé à Artur. À cause de ça, je crois qu’il va très vite avoir de la très bonne compétition.

Quels sont tes plans futurs?

Comme je l’ai dit, j’organise un gala amateur à mon gym à Hartford au Connecticut en mai. J’ai aussi un boxeur qui doit se battre en Australie au milieu du mois de mai alors je le prépare pour l’occasion.

Nous avons eu droit à travers les années à des extraits de ton livre, ‘The Iceman Diaries’, quand prévois-tu le sortir?

The Iceman Diaries’ va j’espère en valoir l’attente. Ça fait 10 ans que j’écris ce livre et j’ai eu beaucoup de temps d’arrêt. Ce qui est ironique est que ce livre est à propos de toute ma carrière en boxe et ce qui me ralentit est tout ce qui se passe en lien avec celle-ci, c’est-à-dire l’entraînement, le voyage, etc. C’est beaucoup plus difficile que je ne l’avais prévu originalement. Toute cette information est dans ma tête et dans des cahiers de notes que j’ai gardés à travers les années, et la majorité du travail est fait donc je crois que ça va arriver bientôt! 

 

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