Golovkin-Canelo vu par Rénald Boisvert

Par Rénald Boisvert

Dans quelques jours se sera le grand duel entre Canelo et Triple G. Dans le but de vous offrir un éclairage différent sur ce combat très attendu nous avons posé dix questions à notre collaborateur et l’entraîneur bien connu Rénald Boisvert. Sans plus tarder, voici nos questions et ses réponses.

12 Rounds : On dit souvent qu’un boxeur est aussi bon que sa dernière performance. Comment avez-vous trouvé la prestation de Golovkin face à Daniel Jacob en mars ?

Rénald Boisvert : L’expression «un boxeur est aussi bon que sa dernière performance» est une expression assez juste, mais qu’il convient de nuancer. Cette expression cristallise la «valeur» que l’on accordera au boxeur selon la performance qu’il a livré à son dernier combat. Mais attention! Parfois le boxeur apporte à sa façon de boxer des modifications qui feront mentir les pronostics. Nous verrons bien ce qu’il en sera avec Golovkin. Lors de son combat contre Daniel Jacob, on a pu constater chez Golovkin certaines limitations, notamment pour ce qui est de ses déplacements. Pour être efficace, Golovkin avait alors besoin de s’installer avant de diriger ses attaques alors que Jacob pouvait lancer ses coups sans avertissement et en se donnant des angles. Mais ces limitations ne font pas de Golovkin un mauvais boxeur. Et surtout, il faut bien avouer que Canelo Alvarez n’a pas du tout un style similaire à celui de Daniel Jacob. Je ne crois pas que Golovkin aura besoin d’un jeu de jambe prodigieux pour s’approcher et échanger avec Alvarez.

12 Rounds : Dans le même sens, que retenez-vous de Canelo face à Chavez Jr en mai ?

Rénald Boisvert : Dans son combat contre Chavez Jr, on a vu un Canelo plutôt passif. Cela ne l’a pas empêché de dominer son adversaire sur tous les plans. Canelo aurait pu certainement arrêter Chavez Jr, mais il s’est contenté de le faire mal paraître, sans plus. D’ailleurs, contre Cotto, Alvarez n’avait pas été très actif. Je crois comprendre de tout ceci que Canelo a modifié avec les années sa façon de combattre. Vraisemblablement, il veut s’économiser. Mais ceci peut aussi vouloir dire qu’il veut adopter une attitude plus calme, patiente et cérébrale. D’ailleurs, Canelo a nettement amélioré sa défensive au cours des années. Est-il en train de modifier son style d’attaquant à celui de contre-attaquant? Ce ne serait pas étonnant! Canelo est encore jeune, c’est vrai! Mais n’oublions pas qu’il a débuté sa carrière professionnelle à l’âge de 15 ans. Il est maintenant un doyen de la boxe.

12 Rounds : Canelo et GGG se battent deux fois par année depuis quelques années. Est ce pour vous le rythme idéal pour un boxeur de l’élite?

Rénald Boisvert: La question n’est pas simple. Idéalement, pour être à son meilleur, un boxeur devrait combattre plus de deux fois par année. La progression serait assurément plus forte. Par contre, le risque de blessure serait alors beaucoup plus grand. Il faut bien comprendre qu’en limitant le nombre de combats à deux par année, ces boxeurs prolongent leur carrière tout en préservant leur santé. Jadis, les boxeurs terminaient leur carrière en très mauvais état (séquelles physiques et psychologique suite à multiples commotions cérébrales, arthrose sévère aux mains et aux épaules, douleurs chroniques dans tout le corps, etc…). Mais il y a une autre raison. De nos jours, les boxeurs sont également considérés comme étant des «entreprises». Les choix de combat deviennent donc des décisions d’affaires. Le boxeur veut ainsi rentabiliser sa carrière.

12 Rounds : L’annonce du combat s’est fait le 6 mai soit plus de 4 mois avant le duel du 16 septembre. Considérant que généralement le camp d’entraînement dure 8 semaines. Quelles genre d’activités feriez-vous faire à un boxeur pendant les 2 mois précédent le début du camp ?

Rénald Boisvert : Les entraîneurs de boxe ont l’habitude de considérer que la durée d’un camp d’entraînement est de 8 semaines. Ceci n’est pas banal. En théorie, il faut environ 8 semaines pour développer une qualité physique, par exemple l’endurance. Au bout de 8 semaines, le boxeur parvient généralement à un certain sommet (pic) de sa progression physique. Comme la préparation pour ce combat est de 4 mois. C’est comme si Canelo et Golovkin pouvait entreprendre deux camps d’entraînement de suite (8 semaines chacun). Les entraîneurs doivent alors prendre garde de ne pas surentraîner leur athlète. Deux choix se présentent pour ne pas surcharger indûment leur athlète : 1- Ils peuvent développer chez l’athlète des capacités musculaires et athlétiques distinctes pour chacun des camps. 2- Ils peuvent prévoir un repos (une transition) entre les deux camps. Par conséquent, au cours des 8 premières semaines, pour Canelo, je tenterais de lui faire prendre de la masse (maigre); l’objectif est qu’il soit plus gros sans affecter la perte de poids le jour de la pesée. Deuxièmement, je lui demanderais de consacrer plusieurs entraînements à polir sa défensive. Quant à Golovkin, je lui demanderais au cours du premier camp de miser sur sa préparation physique avec l’objectif d’augmenter sa résistance et sa stabilité et ce, même s’il excelle déjà sur ces aspects. En fait, Golovkin s’apprête à se mesurer au boxeur le plus coriace physiquement parmi tous les adversaires qui lui ont été opposés jusqu’à maintenant. Et il en est de même pour Canelo.

12 Rounds : Canelo a longtemps évité le duel en refusant de faire 160 livres, puis il accepte 164 contre Chavez. Qui sera le plus gros physiquement le 16 septembre et est-ce que ce sera un avantage important ?

Rénald Boisvert : Il est à penser que Canelo a pris tout le temps dont il avait besoin pour augmenter sa masse musculaire. On sait qu’une prise de poids précipitée ne donne pas d’aussi bons résultat qu’une prise de poids mesurée et progressive. Puis, le clan Canelo avait certainement besoin d’un certain temps pour s’assurer que la prise de poids n’avait aucune conséquence néfaste. Par exemple, en prenant du poids, Canelo a-t-il perdu de la vitesse ou non? Certains boxeurs conservent leur vitesse alors que ce n’est pas le cas pour d’autres. Les entraîneurs doivent s’en assurer. La même chose pour ce qui est de la force de frappe. En changeant de catégorie de poids, certain boxeurs gagnent en puissance alors que d’autres stagnent. Contre Chavez Jr, je suis convaincu que les réactions et les ajustements que Canelo a dû apporter notamment lors de sa préparation ont été scrutés à la loupe en prévision du combat contre Golovkin. Je présume donc que Canelo a fait le nécessaire pour être «gros et fort» au moment où il montera sur le ring. Par ailleurs, je ne pense pas que le gain de poids soit vraiment un avantage déterminant dans ce combat. Tout simplement parce que je ne crois pas qu’on assistera à un combat physique. Mais comme l’un et l’autre sont des cogneurs, la résistance (renforcement) pourrait jouer, notamment dans la deuxième moitié du combat.

12 Rounds : Côté motivation, Golovkin veut ce duel depuis longtemps. Par contre, il est rendu à 35 ans. Est-ce que son désir de vaincre aura le dessus sur l’usure de son corps ? 

Rénald Boisvert : Je ne crois pas que Golovkin ait perdu le feu sacré, c’est-à-dire ce désir de vaincre. Il semble aimer son sport et y être dédié pleinement. À 35 ans, il est très près d’être vieillissant. Par ailleurs, un boxeur ne commence pas à être vieillissant à un âge précis. À 35 ans, certains boxeurs ralentissent et deviennent même vulnérables alors que d’autres conservent intactes toutes leurs facultés pendant encore quelques années. Mais on peut observer chez un boxeur des indices de ralentissement. L’entraîneur de Golovkin est le mieux placé pour détecter s’il y a ou non de tel indices.

12 Rounds : Ces deux boxeurs sont parmi les meilleurs au monde livre pour livre. En rafale, selon vous lequel est le plus puissant ? Rapide ? Jeu de pied ? Meilleure technique ? Sens de l’adaptation? Endurance physique ? Timing ?

Rénald Boisvert : Le plus puissant? Je crois que Golovkin et Alvarez sont à égalité. Alors que les coups de Canelo m’apparaissent plus lourds, ceux de Golovkin ressemblent à des coups de fouet qui vous déchirent la peau.

Le plus rapide? Je crois que Alvarez est quelque peu plus rapide; mais comme il est un peu plus large dans ses coups, aucun des deux boxeurs ne profitera d’un avantage sur l’autre sur ce point.

Le meilleur jeu de pieds? Je dirais que Golovkin a une maîtrise légèrement supérieure au niveau de ses déplacements en offensive. Mais en défensive, il y a à mon avis un très léger avantage pour Canelo.

La meilleure technique? Golovkin me paraît posséder une technique légèrement supérieure. Il est un peu plus compact que Canelo dans ses coups.

Le sens de l’adaptation? Canelo me semble celui qui sait le mieux s’adapter aux circonstances d’un combat. Je crois qu’il est celui qui apportera les meilleurs ajustements au cours du combat.

L’endurance physique? Golovkin me semble posséder un petit avantage de ce coté. Dans son cas, l’âge ne semble pas encore le rattraper.

Le timing? Les deux boxeurs ont un excellent timing. Si je dois choisir, j’irais avec Golovkin en raison de la qualité de ses coups de poings (très compacts).

12 Rounds : Parmi ces 7 éléments le ou lesquels auront le plus de répercussions dans ce combat ?

Rénald Boisvert : Je crois que le timing et le sens de l’adaptation seront déterminants dans ce combat. Un jeu d’échec! Golovkin s’avancera prudemment à moyenne portée tout en feintant, en jabbant… Il tentera d’ouvrir la garde de Canelo. Golovkin mettra donc une certaine pression, plus mentale que physique au départ. Puis au fur et à mesure des rounds, il tentera de coincer Canelo. La question sera alors de savoir comment va réagir Canelo. Compte tenu des habiletés de Golovkin à cerner un adversaire, c’est la capacité de Canelo à s’adapter ou non à ce stratagème qui influera sur le sort de ce combat. Également, la défensive de Canelo devra être étanche et donner lieu à des contre-attaques qui vont amener Golovkin à hésiter. Certains doutent de la mâchoire de Canelo. Golovkin voudra certainement la tester.

12 Rounds : A quoi s’attendre comme duel ?

Rénald Boisvert : Ce combat devrait être particulièrement «cérébral», du moins au départ. Compte tenu de la puissance des deux boxeurs, aucun ne voudra prendre trop de risques. En principe, Golovkin devrait aborder ce combat comme il l’a fait avec David Lemieux, en s’avançant prudemment et en reculant d’un pas ou deux pour éviter les ripostes de Canelo. Il augmentera ensuite la pression après avoir évalué la situation. De son coté, Canelo doit démontrer au départ qu’il ne sera pas une proie pour Golovkin. Les premiers rounds seront certainement une espèce de joute mentale. Le gagnant de cette épreuve pourra ensuite entamer la joute physique avec confiance. En somme, si l’un des deux boxeurs réussit à s’imposer en milieu de combat, je crois qu’il va se satisfaire de filer avec la victoire – une décision unanime. Sinon, imaginons que ce soit serré, alors là, on pourrait peut-être assister à un combat enlevant.

12 Rounds : Considérant l’importance du combat, croyez-vous que les chances sont fortes que l’on assiste à un combat revanche?

Rénald Boisvert: La possibilité d’un combat revanche dépend énormément de ce que vont en penser les promoteurs et les chaînes de télédiffusion. Si ce combat entre Golokin et Canelo a soulevé les passions et qu’il suscite un intérêt pour une revanche, alors pourquoi pas!

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