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Pierre Bernier : Un passionné du noble art
- Mis à jour: 14 décembre 2017
Par Simon Traversy
Lorsqu’on entend l’appellation « annonceur maison » lorsqu’il est question de boxe, Michael Buffer de HBO et son célèbre slogan « Let’s get ready to rumble! » est fort probablement la première chose qui nous vient à l’esprit. Et puis il y a également Jimmy Lennon Jr. qui a suivi dans les traces de son paternel pour devenir la voix officielle du réseau Showtime, soit la grande rivale de HBO. Au cours des années, ces deux hommes ont laissé leur marque respective dans le monde de la boxe, ce qui leur a valu leurs places au Temple de la renommée de la boxe située à Canastota aux États-Unis. Il y a toutefois une étoile montante qui les talonne de près et c’est un «p’tit gars de chez nous» : Pierre Bernier. Il est la voix officielle d’Eye of the Tiger Management et il a présenté plusieurs galas autant dans la métropole qu’à l’étranger.
Toutefois, avant de vous partager l’entrevue, j’aimerais bien apporter une petite anecdote afin d’illustrer à quel point Pierre Bernier est un chic type.
Comme la plupart des gens ambitieux et surtout, en période de transition au niveau professionnel, j’ai un emploi du temps assez chargé merci. Cela veut dire concrètement que je dois parfois couper les coins ronds, faire avec ce que j’ai en main, et passer ainsi mes entrevues non seulement au téléphone, mais également au travail. Pas évident en effet. D’ordre général, j’arrive à m’en tirer, mais pas toujours. À tout moment, je peux être dérangé, surtout lorsque je suis en charge, ce qui était le cas ce jour-là.
C’est «l’fun» le karma quand même: ça l’avait été mort et «archi-plate» toute la journée, mais bien évidemment, à peine quelques minutes après avoir commencé l’entretien avec Pierre, ça n’arrêtait plus. Il faut aussi dire que ça n’a jamais l’air très, très «winner» quand t’es obligé de raccrocher la ligne au nez de ton invité, surtout quand c’est toi qui a non seulement demandé à faire l’entrevue, mais qui, a en plus, a choisi la date et l’heure. En temps normal, je me serais attendu à recevoir des soupirs d’exaspération suivi de quelques petits jabs au sujet de mon assiduité. Toutefois, ça n’a pas été le cas, bien au contraire. Pierre s’est montré à la fois très compréhensif et accommodant. Il m’a dit de le recontacter plus tard en soirée selon ma convenance.
Évidemment, je l’ai rappelé sur mon heure de pause, soit bien entendu l’heure du souper (un samedi soir en plus question de pousser ma «luck»). Et est-ce que ça l’a dérangé pour autant? Pas une miette. Bref, de la grande classe pure et dure du début à la fin. Alors sans plus tarder, dans le coin neutre : vêtu d’un tuxedo blanc, d’un nœud papillon, d’un micro, et d’une coiffure immaculée nous rappelant les belles années de John Travolta tiré tout droit du film Brillantine, je vous présente : Pierre Bernier!
Q: Comment as-tu commencé ta merveilleuse aventure dans le monde de la boxe à titre d’annonceur maison?
Pierre Bernier : Mon premier gala était au club Soda, pour Alexandre Choko, il y environ une quinzaine d’années. Toutefois, je dois mon présent succès en grande partie à Stéphan Larouche, l’ancien entraîneur de Lucian Bute et l’actuel entraîneur de Batyr Jukembayev. Alors qu’il œuvrait auprès d’Interbox, il a vu quelque chose en moi et m’a ainsi convaincu de tenter ma chance à titre d’annonceur maison pour un gala de boxe organisé à Drummondville. Il m’a dit que si tout allait bien, je présenterais la prochaine carte de boxe qui devait avoir lieu au centre Bell. Je présente aujourd’hui environ une vingtaine de galas par année, ce qui est très respectable.
Q: Outre ton emploi à titre d’annonceur maison, as-tu un autre job?
Pierre Bernier : J’ai toujours travaillé pour le gouvernemental; auparavant je travaillais au niveau municipal et présentement je travaille au niveau fédéral. J’ai 53 ans aujourd’hui et je prévois prendre ma retraite d’ici environ 6 ans afin de me consacrer entièrement à ma carrière d’annonceur maison.
Q: Être devant les projecteurs au centre d’une aréna à présenter un combat très attendu doit être un sentiment inoubliable en plus d’être la source de plusieurs sensations fortes: ressens-tu toujours ces mêmes sensations fortes après tant d’années derrière le micro?
Pierre Bernier : Pour ce qui est des projecteurs et tout le tralala, on finit par s’habituer avec le temps, quitte à ne plus les voir du tout. Mais de présenter un boxeur, surtout un boxeur que je n’ai jamais eu la chance de presenter auparavant, alors ça, je dois dire que c’est un méchant «thrill». C’est encore plus excitant quand t’annonces à la fois un boxeur que t’aimes et que tu as suivi depuis le tout début de sa carrière. David Lemieux est un bon exemple de cette réalité.
Q: Comment as-tu eu la piqûre de la boxe?
Pierre Bernier : Ma mère. Ma mère a toujours été une fan finie de boxe. Par «fan finie», je ne parle pas ici seulement des gros combats tant entendu tels que «The Rumble in the Jungle» ou «The Thrilla in Manila»; sa passion allait pas mal plus loin que ça. Ma mère allait même jusqu’à m’amener au centre Paul Sauvé pour assister à des combats opposant des boxeurs locaux tels que Fernand Marcotte, Eddie Melo et j’en passe. Mon père a eu son mot à dire également. Pour mes 16 ans, il m’a amené voir le combat opposant Roberto Duran à mon boxeur favori, Sugar Ray Leonard, un combat qui a eu lieu au Stade olympique, le 26 juin 1980. Mon père n’avait même pas les moyens de s’acheter un billet pour lui-même, donc il a attendu dans la voiture pendant que j’assistais à un des meilleurs combats de toute l’histoire de la boxe professionnelle. Écoute, je n’étais qu’un «ti-cul» de 16 ans entrain de regarder non seulement un méga combat, mais également son idole de jeunesse en pleine action au Stade olympique, «chez lui», dans sa ville natale. Inutile de dire que ce fut un fait marquant dans ma vie et l’un de mes plus précieux souvenirs.
Bernier observe attentivement des gradins le duel Duran-Leonard au Stade olympique
Q: Certaines personnes croient au destin, d’autres non; avec une telle influence parentale, crois-tu que tu étais destiné à œuvrer dans le monde de la boxe?
Pierre Bernier : Je serais porté à te dire oui, car alors que je revenais à la maison, ma mère étais accompagnée d’une cartemancienne (ma mère était un peu ésotérique sur les bords). Écoute j’avais, quoi, 10-12 ans à l’époque et la fameuse «JoJo Savard» de ma mère décide de lire les lignes de ma main. Grosso modo, elle a dit qu’elle m’avait vu dans une grande salle, plus précisément au centre du spectacle, entouré de projecteurs et de gens qui criaient à tue-tête. J’ai évidemment pris le tout avec un grain de sel, mais l’ironie dans tout ça est que quelque 40 années plus tard, tout ce qu’elle a dit s’est avéré vrai.
Q: Bon, tu travailles dans le monde de la boxe à titre d’annonceur maison, tu es un fan de boxe, mais as-tu déjà boxé?
Pierre Bernier : Plus jeune, je m’entraînais au Club de Boxe Olympique qui était situé sur l’avenue du Parc au coin de Bernard, mais disons juste que je n’étais pas voué à un avenir très prometteur dans cette catégorie (rire). D’ailleurs, lorsque la cartemancienne de ma mère a lu les lignes de ma main, je suis pratiquement parti à rire, car je croyais vraiment qu’elle faisait allusion à une carrière de boxeur professionnel. Je me suis dit: « Eh boy, elle m’a clairement jamais vu boxer pour dire ça, elle lâ. »
Q: Pratiquement chaque athlète à son idole, en tant qu’annonceur maison, as-tu également la tienne?
Pierre Bernier : Côté boxe, Sugar Ray Leonard a toujours été mon boxeur favori tel que mentionné plus tôt. Au point de vue de ma profession en tant que telle, sans grande surprise, Michael Buffer est mon inspiration. J’ai l’ai vu à l’œuvre pour la première fois il y a une trentaine d’années et j’ai toujours trouvé qu’il avait un beau style. À mon humble avis, je trouve que Michael Buffer a apporté beaucoup de classe à la boxe professionnelle, un élément important étant donné la nature brutale du sport. J’ai donc décidé de l’étudier de près. D’ailleurs, je me suis déjà entretenu avec lui. Et alors que nous parlions de tout et de rien, Michael m’a dit que la rançon du succès dans notre profession est la visibilité; l’annonceur maison doit absolument comprendre qu’il fait partie intégrante du spectacle. J’en ai donc pris bonne note et c’est ce que je garde en tête à chaque fois que je suis sous le feu des projecteurs.
Michael Buffer le gentleman: «La visibilité est la rançon du succès»
Q: Qui peut devenir annonceur maison? Quelle(s) qualité(s) doit-on avoir afin de pratiquer ce métier?
Pierre Bernier : Au point de vue statut social ou âge, pas mal n’importe qui peut pratiquer ce métier. Cependant, comme toute profession, il y a certains pré-requis qu’on se doit d’avoir sous la cravate. D’une part, il faut posséder une bonne diction, du charisme et de la prestance, on doit également avoir une bonne prosodie (rythme, intonation), de l’aisance ou micro, on ne doit pas s’arrêter, voire figer complètement, lorsqu’on commet une erreur et surtout, il faut être passionné par ce sport. La boxe, tu dois en manger, car tu es la voix du gala. Ta passion doit donc se transmettre aux fans.
Q: Au point de vue la préparation, comment te prépares-tu pour un gala à venir? Te pratiques-tu devant le miroir? Avec un(e) ami(e)? Sous la douche? Improvises-tu?
Pierre Bernier : Eh bien, chaque annonceur maison à sa petite routine et sa propre façon de faire les choses. Je te dirais que dans mon cas, je récite mes lignes dans la voiture ou dans la chambre d’hôtel quelques heures avant le début du gala lorsque je suis à l’étranger. Je m’assure surtout de n’oublier aucun commanditaire et surtout, de respecter l’ordre dans lequel je dois les mentionner, car il y a un ordre précis à respecter. J’en fais également de même pour tous les gens impliqués. Lorsque je répète, je le fais à voix basse afin de m’assurer d’avoir la bonne intonation et le bon tempo/ crescendo. Ensuite, je prends connaissance du nom de chacun des combattants ainsi que leurs fiches. Il est primordial de savoir quand placer le point culminant (l’emphase maximale) lorsqu’on présente un pugiliste au micro pour ensuite descendre (baisser la voix) graduellement.
Q: Lorsque tu présentes un boxeur, sur quel(s) aspect(s) mets-tu le plus d’emphase?
Pierre Bernier : Depuis environ cinq ans, je mets une emphase particulière dans le but d’avoir une présentation impeccable. Je mets plus spécifiquement un accent particulier sur la prononciation, car je crois fermement que bien prononcer le nom des combattants est vital. De plus, certains pugilistes, notamment les Mexicains, ont plusieurs noms composés. Donc, outre la prononciation, je m’assure de les rencontrer avant le début du gala afin de savoir quel(s) nom(s) ils veulent que je mentionne lors de la présentation.
Q: On dit que chaque homme de succès trouve un moyen quelconque de laisser sa marque, quelque chose qui lui est unique. Comment, à ton avis, as-tu réussi à te démarquer de tes prédécesseurs?
Pierre Bernier : Premièrement, je te dirais sans aucune prétention que je suis fort probablement le seul annonceur maison canadien, du moins, québécois, à avoir ouvert pour HBO Boxing, Premiere Boxing Champions, Main Channel 5, Showtime et ESPN. J’ai aussi présenté un gala à l’aréna de Wembley en Angleterre opposant le poids lourd Tyson Fury à Dereck Chisora. Deuxièmement, j’ai été le premier annonceur maison à ne jamais mentionner le nombre de défaites d’un boxeur lorsque je présente sa fiche. Et la raison pour cela est simple: je ne crois aucunement que mentionner le nombre de défaites d’un boxeur soit significatif de son talent, ou représentatif de la prestation qu’il s’apprête à nous donner. Depuis que j’ai commencé à présenter les boxeurs ainsi, certains de mes confrères ont décidé d’en faire de même. Il va s’en dire que j’en suis à la fois très honoré et flatté.
Q: Quel a été ton coup de cœur, un des moments les plus marquants de ta carrière?
Pierre Bernier : Je te dirais que c’est lorsqu’Oscar de la Hoya et Bernard Hopkins m’ont tous les deux complimenté sur la qualité de mon travail lors de la même soirée. Je m’apprêtais tout juste à présenter l’événement principal opposant Hassan N’dam à David Lemieux, un combat qui a eu lieu au Centre Bell il y a 2 ans. Écoute, je suis chez moi, durant un combat de championnat du monde, et deux très gros noms du milieu de la boxe professionnelle me font ce compliment là. J’ai d’ailleurs dit à ma femme entre deux présentations que j’allais faire une crise cardiaque. Du moins, c’est ce que j’croyais à ce moment là (rires)! Tout ça pour dire que ça m’a fait tout un velours d’entendre ça, disons.
Q: Tu as mentionné plus tôt que Stéphan Larouche fut l’étincelle t’ayant amené à ton occupation actuelle, mais qui t’a amené par la suite au niveau supérieur?
Pierre Bernier : Camille Estephan sans aucun doute. Lorsqu’il m’a contacté pour me demander si je désirais devenir la voix officielle d’Eye of the Tiger Management, c’est là que j’ai su que j’étais bel et bien arrivé dans les «ligues majeures». Je me considère d’ailleurs très chanceux d’avoir la vie que j’ai et surtout, d’avoir le privilège de travailler pour lui. Camille est une très bonne personne et son «bébé», EOTTM, c’est d’abord et avant tout une famille. Quand t’aimes ce que tu fais et que les gens qui t’entourent te rendent heureux en plus de ça, tu ne vois plus ta profession comme étant un simple travail.
Alors voilà ce qui complète cet entretien avec le très chaleureux et charismatique Pierre Bernier. Pierre sera d’ailleurs en action le 16 décembre prochain à la Place Bell située à Laval. Il présentera la sous-carte du combat principal opposant le champion WBO des poids moyens Billy Joe Saunders à notre aspirant local, David Lemieux. Donc,si vous croyez avoir ce qu’il faut pour devenir annonceur maison, prenez bonne note de cette entrevue et tentez votre chance! Après tout, il n’y a qu’une façon de le savoir. C’est d’ailleurs ce que Pierre a fait!
Lors de mon prochain entretien, je vous présenterez Virginie Assaly, le bras droit du Grand Manitou d’EOTTM. Bien qu’elle travaille souvent dans l’ombre de son patron, elle lui est néanmoins d’une importance capitale lors de la réalisation d’un gala de boxe et de son bon fonctionnement. Noël approche à grands pas ainsi que le combat de championnat du monde de David Lemieux. J’espère seulement que nous serons gâtés et que nous aurons un nouveau champion local pour amorcer l’année 2018 en force.
À plus!
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