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Steven Butler et Simon Kean : Mes deux coups de gueules

Par Simon Traversy

Ça peut sembler à la fois un peu simpliste et évident à dire, mais il y a trois raisons pour lesquelles je démontre de l’intérêt pour un boxeur en particulier : 1) Il doit être talentueux, 2) Il doit être spectaculaire, 3) Il doit avoir le potentiel pour devenir champion du monde. Lors de mes deux articles précédents, je vous ai fait part de mes coups de cœur au sujet du dernier gala opposant la tête d’affiche Yves Ulysse fils à Steve Claggett. Dans cet article, je ferai un volte-face pour vous faire part de mes coups de gueule, soit les combats ayant impliqué Steven Butler et Simon Kean.

L’énigme Butler : le doute plane toujours

Depuis sa défaite par arrêt de l’arbitre lors du gala du 28 janvier dernier au Centre Bell, plusieurs interrogations ont fait surface au sujet du talent et de la valeur marchande de Steven Butler. Certaines de ses interrogations furent justifiées tandis que d’autres furent carrément impertinentes, voire gratuitement méchantes. Il a aussi été également question de son entourage douteux. Afin de rassurer tout le monde, le clan Butler a invoqué certains problèmes de santé qui auraient nuit à sa performance, des problèmes qui, selon Butler lui-même, ont été réglés depuis plusieurs mois.

Steven Butler IBFDepuis qu’il est débarqué sur la scène locale, Steven Butler a rapidement attiré l’attention. D’une part, c’est un «p’tit gars» de Saint-Michel, et d’une autre, il s’entraîne au Club de Boxe Champion, l’un des gymnases de boxe les plus connus à Montréal, mais surtout l’un des «gyms» avec le plus d’histoire et de vécu. Mais ce n’est pas tout : Steven Butler était, jusqu’à tout récemment, toujours invaincu et surtout, il a fait le saut chez les professionnels à un très jeune âge. De plus, il peut boxer et il peut définitivement cogner (boxeur + cogneur= boxeur-cogneur…je sais, je sais : il m’arrive parfois de m’épater moi-même).

À l’heure actuelle, Butler a cumulé déjà 22 combats et il n’a que …22 ans. Donc son jeune âge combiné avec son excellente fiche professionnelle ainsi que l’expérience professionnelle qu’il a déjà sous la cravate constituent de loin le point de vente le plus intéressant chez lui. Après avoir vaincu le Bosniaque Sladjan Janjanin (22-1-17 KO) par KO technique le 12 mars 2016, Butler a mis la main sur le titre IBF junior des 154 livres. À partir de là, il devenait de plus en plus plausible de croire que Butler deviendrait éventuellement un champion du monde à part entière et donc, la machine «marketing» s’est mise en branle, et c’est ainsi que Butler allait désormais nous être  «vendu».

Butler rebondi

Le 17 juin dernier, Butler avait passé le KO à Damian Mieliewczyk (10-4-0, 7 KO) , une performance impressionnante qui semblait avoir dissipé tous doutes dans l’esprit de plusieurs fans et experts au sujet de sa défaite contre Brandon Cook six mois plus tôt. Rappellons que Mieliewczyk avait fait la limite avec Francis Lafrenière et Sébastien Bouchard en 2016.

L’expérimenté Ortiz

On dit dans la boxe comme dans la vie qu’il ne faut jamais sous-estimer personne, encore moins un routier expérimenté qui en a vu d’autres. Vendredi soir dernier, Steven Butler affrontait le Mexicain Silverio Ortiz ( 36-21-0, 17 KO) âgé de 34 ans. Ortiz est ce genre de routier à la fiche trompeuse : sur papier on serait tenté à pouffer de rire en la lisant, mais en pratique, c’est une toute autre histoire. Parlez-en au meilleur et plus connu des routiers à l’heure actuelle, soit Darnell Boone (23-24-4, 12KO) qui, malgré ses 24 défaites, a néanmoins passé le KO à Adonis Stevenson (sa seule et unique défaite), a perdu par décision partagé contre Sergey Kovalev et a envoyé l’bon Andre Ward au tapis, face première en plus de ça. Tous des champions ou des ex-champions et Boone s’est frotté à eux lors de leurs meilleures années. Personnellement, je crains deux types d’homme : celui qui croit en lui et celui qui croit n’avoir rien à perdre.

Ortiz est un routier certes, mais aguerri qui n’était certainement pas venu à Montréal uniquement pour collecter un chèque de paye. Ortiz a d’ailleurs réussi à coincer Butler à plusieurs reprises dans un coin ou dans les câbles pour le ruer de coups. Lorsque Butler travaillait derrière son jab, il demeurait en parfait contrôle du combat. Mais du moment qu’il cessait de l’utiliser, cela donnait carte blanche à Ortiz pour rentrer «dans l’tas».

«Easy work», vraiment ?

Lors des commentaires d’après-match, Butler a qualifié son combat de «easy work», c’est-à-dire que, selon lui, tout était allé comme sur des roulettes, tout s’était passé comme prévu, tout avait baigné dans l’huile, et tout avait coulé comme sur le dos d’un canard. Combat facile? Pas convaincu de ça mon Steve. Contrairement aux juges, je ne lui ai pas accordé toutes les rondes. J’ai d’ailleurs trouvé qu’Ortiz s’approchait beaucoup trop facilement de lui, j’ai trouvé qu’Ortiz avait trop de faciliter à amener Butler dans les câbles ou dans le coin, et surtout, j’ai trouvé que Butler se faisait trop souvent brasser «la cage» une fois coincé.

Faire des rondes

Toujours lors de ses commentaires d’après-match Butler a invoqué que le plan de match établi par son entraîneur Rénald Boisvert consistait à faire des rondes. Faire des rondes signifie faire durer le plaisir, ou en bon français, éviter d’envoyer l’adversaire au pays des rêves trop rapidement. Le but de faire des rondes est simple : gagner de l’expérience. L’autre but est de prouver quelque chose de particulier, soit à «l’interne» (ex : entraîneur, gérant, promoteur etc.) ou à «l’externe» (ex : public, médias, commanditaires etc.). Je n’ai aucun problème à ce qu’un boxeur veuille «faire durer l’plaisir». Après tout, en tant que fans et clients payants, nous ne voulons pas nécessairement que tous les combats se terminent dans la première ronde. Toutefois, faire des rondes implique que le boxeur ayant intentionnellement levé le pied demeure en parfait contrôle du combat et ce, de A à Z. Tel est le sous-entendu. Dans un monde parfait, Butler aurait fait ses rondes de la façon suivante : Il aurait notamment dû :

  • prendre le centre du ring
  • doser (réduire) sa puissance pour limiter les chances d’un KO (ce qu’il a fait)
  • travailler derrière son jab et à l’occasion, derrière sa main arrière
  • bouger immédiatement après atteint son adversaire («stick ‘n move»)
  • empêcher Ortiz de rentrer à outrance en jabbant au corps à longue distance et en «l’emboîtant» avec des «shovel hooks» à mi-distance
  • empêcher Ortiz de l’amener à répétition dans les câbles ou dans un coin

Gare au piège

Écouter, je suis très heureux que Steven Butler ait eu l’opportunité de s’entraîner avec Saul Alvarez et Miguel Cotto, qui sera sans aucun doute admis au Temple de la Renommée une fois qu’il aurait accroché ses gants pour de bon. Il va s’en dire que c’est non seulement un souvenir inoubliable, mais une expérience incroyable qui permettra certes à Butler de prendre du galon et de peaufiner sa technique de boxe et son Q.I. du ring. De plus, c’est toujours très flatteur de se faire dire par un multiple champion du monde qu’un jour, notre tour viendra. Le piège à éviter : prendre ses adversaires pour acquis et se croire au-dessus de ses affaires.

Plus je regarde Butler aller, plus il m’a l’air de ce genre d’athlète qui est capable du meilleur comme du pire, tout dépendant de son humeur et de son état d’esprit. Le positif dans tout ça, c’est qu’il est capable du meilleur, et d’une autre, les boxeurs ayant un côté imprévisible sont très souvent de bons vendeurs.

Des lacunes récurrentes

Je n’ai peut-être pas de téléphone rouge style Batman avec un couvercle en vitre par-dessus, et je n’ai peut-être avec le numéro de Rénald Boisvert préprogrammé, mais je me suis entretenu assez souvent avec lui et je l’ai vu enseigné plus qu’assez pour savoir que les fautes commises par Butler à l’intérieur du ring ont été abordées à plus d’une reprise en camp d’entraînement. De plus, Rénald est le coach…qui forme les futurs coachs.

De plus, afin de préserver mon côté éclectique et anticonformiste, j’ai toujours refusé de prêter serment d’allégeance à un entraîneur en particulier. De toute manière, j’ai appris le style «peek-a-boo» aux États-Unis, un style à contre-courant au niveau idéologique par rapport à la boxe conventionnelle. Donc même si je le voulais, je ne pourrais m’associer pleinement avec n’importe quel entraîneur. Ceci dit, je n’hésite jamais à demander conseil lorsque j’ai une interrogation.

Sans qu’il n’apparaisse nécessairement de nulle part, tel un fantôme, vêtu d’une tunique Jedi pendant que je me coupe les ongles d’orteil, Rénald demeure néanmoins, en quelque sorte, mon propre «Obi-Wan Kenobi» personnel, me guidant de temps à autre à travers ce vaste océan qu’est le merveilleux monde de la boxe professionnelle. C’est un excellent entraîneur, très humble (ce qui n’est pas donné à tous), instruit non seulement à la dure, mais formellement également, et c’est un homme qui possède une grande ouverture d’esprit ainsi qu’une bonne curiosité intellectuelle. Donc, le sapiophile en moi est toujours comblé à chaque entretien. Donc, ce que je peux vous confirmer, c’est que plusieurs des erreurs que j’ai remarquées chez Butler (main arrière basse, surtout lorsqu’il frappe, utilisation intermittente du jab, position trop stationnaire, etc) sont abordées par Rénald dès le premier cours d’instructeur. Alors…voilà. 

Le Grizzly : Une victoire qui donne le goût d’hiberner

Simon Kean est grand. Il est gros. Il possède le combo «chest-bras». C’est un autre «gars de chez nous». Et c’est un poids lourd qui est allez aux Olympiques. Voilà grosso modo le point de vente principal de Simon Kean.

Martine et Simon retournent à la cabane à sucre

Pour les fans finis de jambon-saucisses-bacon, vous n’aviez qu’à jeter un coup d’œil au tout dernier adversaire de Simon Kean (10-0-0, 9 KO), soit l’Américain Randy Johnson (13-2-0, 11 KO). Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que Kean s’apprêtait à affronter un adversaire de la trempe de Johnson. À l’aube de la quarantaine et ayant affronté des adversaires difficilement trouvables sur Google, il va s’en dire que Johnson était loin de représenter un défi de taille pour le Trifluvien de 28 ans. D’ailleurs, lors de leur face à face précédant le combat, on se serait cru à une rencontre père-fils.

De surcroît, l’engouement pour ce duel était loin d’être palpable, à tel point que Johnson avait l’air aussi motivé à l’idée de battre que je le suis à l’idée d’aller passer un examen de la prostate. Bref, j’ai déjà vu plus d’enthousiasme à des funérailles. Après avoir inscrit un «knockdown-éclair» (davantage une perte d’équilibre) au premier engagement, son seul moment de gloire de toute la soirée d’ailleurs, Johnson s’est rapidement fait remettre à sa place lors de la deuxième ronde, lui qui a subséquemment goûté à la médecine du Québécois. Entre le deuxième et le troisième engagement, l’Américain a indiqué à l’arbitre que sa soirée de travail était bel et bien terminée. Une victoire sans éclat qui a visiblement laissé le public sur sa faim.

La différence entre Kean et Butler

Ce qui est dommage dans tout ça, c’est que le spectacle avait été jusqu’alors très bon dans l’ensemble. La différence entre la situation de Simon Kean par rapport à celle de Steven Butler se trouve au niveau de nos attentes : bien que les deux combats nous ait laissés sur notre faim, l’incertitude qui plane toujours autour de Butler ne fait que rehausser l’intérêt général d’un combat revanche contre Brandon Cook, tandis que Kean n’a tout simplement pas ce luxe.

C’est «plate» à dire, mais il aurait presqu’été préférable que son combat soit annulé également (tout comme celui de Kim Clavel), car la foule était non seulement amorphe à l’issue du dénouement du combat, mais ce n’est pas en affrontant des boxeurs de série C que Kean s’améliorera au plan technique ou qu’il grimpera au classement général. Certains ont peut-être sauté à pieds joints sur la «bandwagon Kean» depuis déjà un bon moment, ce n’est toutefois pas encore mon cas. Oui il est sympathique et tout, mais ceci dit : ayant analysé les qualités techniques de Joe Louis et admiré les prouesses athlétiques de Muhammad Ali, il m’en faudra un peu plus avant que j’en fasse de même.

Alors voilà ce qui complète la troisième partie de mon analyse du gala Ulysse-Claggett. Steven Butler a le talent, mais il doit faire mieux s’il désire aspirer aux grands honneurs. Pour ce qui est de Simon Kean, il m’en faudra tout simplement plus de sa part pour me convaincre. Dans mon prochain article, il sera question d’un des 4 critères sur lesquels les juges se basent lorsqu’ils évaluent la performance de deux boxeurs qui s’affrontent, soit le « ring generalship» (contrôle/commande du ring). Je me baserai, bien entendu, sur le «vol à main armée» dont Yves Ulysse Jr été victime la semaine dernière. Au moins deux des trois suspects sont d’ailleurs toujours au large et auraient vraisemblablement traversés la frontière américaine.

Bonne fin de semaine!

2 Comments

  1. Bob

    4 novembre 2017 at 12 h 51 min

    Le problème avec Steven est son gérant et promoteur; qui lui meme agit en gangster et encadres surtout pas ses boxeurs.

  2. Pingback: À propos de Steven Butler : Patience, s'il vous plaît! - Boxe québécoise pour tous les amateurs de boxe francophones – 12rounds.ca

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