Alain Delorme: Plus grand que nature

Par Rénald Boisvert

L’entraînement d’un boxeur professionnel n’est plus ce qu’il était! Nous ne sommes plus à l’époque où l’entraîneur de boxe s’occupait seul de sa préparation. Parmi l’entourage du boxeur, il y a de nos jours le  »préparateur physique ». Ce dernier tient une place centrale au niveau de l’entraînement du boxeur. Or, ce spécialiste de la condition physique ne risque-t-il pas d’empiéter sur les pouvoirs de l’entraîneur de boxe?

Vous ne serez peut-être pas surpris d’apprendre que plusieurs entraîneurs de boxe ressentent comme étant invasif le rôle des préparateurs physiques. Mais en fait, qui doit décider de la programmation d’entraînement du boxeur? Est-ce l’entraîneur de boxe dont l’expertise spécifique est cruciale? Ou est-ce plutôt le préparateur physique dont les connaissances physiologiques dépassent habituellement celles de l’entraîneur de boxe?

Dans le présent article, je compte examiner de près les difficultés que peut poser cette coexistence entre l’entraîneur de boxe et le préparateur physique. Ensuite, en guise de solution, je vais référer aux commentaires et recommandations de deux préparateurs physiques qui ont grandement influencé ma progression comme entraîneur de boxe. Je profite ici de l’occasion pour les en remercier.

Un problème en apparence insoluble

Au départ, tant l’entraîneur de boxe que le préparateur physique ont une bonne idée de la planification d’entraînement à appliquer; par ailleurs, dû à la spécificité des fonctions que chacun exerce auprès du boxeur, leur conception de la planification peut diverger profondément l’une de l’autre. À la limite, il est même fort possible que chacun de ces entraîneurs considère que l’autre accapare du temps et des énergies de l’athlète de façon excessive. Ainsi, sans que ce soit dit ouvertement, les deux se disputent dans un tel cas la priorité de la programmation d’entraînement.

Alors que l’entraîneur de boxe souhaite améliorer les qualités physiques du boxeur en même temps que le développement des aspects techniques et stratégiques, pour sa part le préparateur physique se voue à un type de développement qui se limite généralement à son domaine d’expertise. Il n’est donc pas étonnant que des conflits surgissent dans les cas où il y a absence ou insuffisance de communication entre ces entraîneurs.

Mais pour que la communication puisse exister, ne faut-il pas d’abord que chacun reconnaisse l’expertise de l’autre? Pour ma part, mes premières leçons sur la préparation physique, je les ai reçues d’un jeune homme qui étudiait alors en maîtrise à l’université de Montréal. Comme il était en contact avec des professeurs émérites, j’ai eu la chance d’obtenir beaucoup de réponses à mes questions.

Merci Éric Arseneau

Il y a environ une dizaine d’années, ma passion pour l’entraînement était attisée par les suggestions et commentaires de ce brillant étudiant de maîtrise. En effet, lui-même boxeur amateur, Éric Arseneau me proposait alors différents types d’exercices destinés à améliorer les qualités athlétiques et physiques des boxeurs. C’est ainsi que nous avons débuté un travail d’équipe intégrant entraînement de boxe et préparation physique. Il faut souligner ici que la communication a été au centre de cette belle aventure qui a duré quelques années.

Notamment, Éric m’a légué l’importance d’individualiser l’entraînement d’un boxeur élite. Quels sont ses besoins? Ils ne sont pas nécessairement les mêmes que pour tous les autres. Dans le but d’améliorer la puissance, la vitesse, l’endurance, la coordination, etc.., suffit-il de procéder à des entraînements pareils pour tous? Suffit-il de pousser la machine pour que tous ces facteurs de performance se développent en même temps et de façon optimale? Bien sûr que non.

Entre Éric et moi, il y a eu ce brassage d’idée qui veut que chacun de nous a pu tirer le meilleur de l’autre. Ainsi, nous avons ensemble développé des formules d’entraînement en prenant soin de distinguer  »la qualité » et  »la quantité » des efforts fournis par les athlètes. Et surtout, dans ce cheminement, nous n’avons jamais eu peur de reconnaître nos erreurs et de rebâtir nos planifications d’entraînement.

Malheureusement pour Éric (et pour moi), la boxe ne lui a pas permis de gagner sa croûte; il a donc choisi de tenter sa chance à l’Université de Moncton où il a été aussitôt engagé en tant que préparateur physique. C’est avec beaucoup de regret que je me suis alors résolu à me passer de ce précieux collaborateur.

Alain Delorme : L’équipe avant tout!

Depuis environ cinq années, j’ai le privilège de pouvoir m’entretenir sur une base régulière avec un préparateur physique qui, au lieu de fonctionner en vase clos, favorise le travail de groupe en provoquant lui-même la tenue de réunions. En effet, Alain Delorme est doué pour tisser des liens étroits entre tous les membres d’une équipe sportive.

Ce qui caractérise également ce préparateur physique, c’est l’ouverture d’esprit dont il fait preuve, y compris lorsque les choses ne vont pas bien. Plutôt que de se déresponsabiliser, Alain Delorme se montre disposé à chercher des solutions en équipe et ceci, même s’il doit se remettre en question. Mais par dessus tout, je retiens de cet homme ses qualités de pédagogue et son insatiable curiosité.

Un pédagogue rempli d’humilité

Alain Delorme parle de sa contribution comme préparateur physique avec une grande humilité. Il n’est pas question pour lui de se mettre à l’avant-scène. Alors que plusieurs préparateurs physiques présentent leur contribution comme étant plus déterminante que celle de l’entraînement de boxe proprement dit, Alain Delorme remet les pendules à l’heure.  »La préparation physique ne peut jamais remplacer l’entraînement de boxe », dit-il avec conviction.

Mais la préparation physique ne doit pas pour autant être considérée comme étant une discipline de second ordre, selon Alain Delorme. Elle revêt au contraire dans son esprit une grande importance pour le développement du boxeur. Par ailleurs, ceci signifie que malgré toute son importance, la préparation physique ne doit pas être une discipline  »cloisonnée »; elle doit plutôt être reliée aux objectifs poursuivis en boxe en s’y associant. Or, Alain Delorme n’a justement pas une vision parcellaire de l’entraînement. Il veut au contraire tout connaître des activités de boxe pour mieux être en mesure de planifier ses propres séances d’entraînement.

Un esprit ouvert et curieux

Dans son approche, Alain Delorme reste toujours nuancé; il suggère au lieu d’imposer; il explique chacune des options plutôt que de les tenir pour acquises. En définitive, son objectif est constamment de trouver avec l’entraîneur de boxe un consensus au sujet de la planification d’entraînement.

Mais ce n’est pas tout. Alain Delorme se démarque également par sa curiosité intellectuelle. Loin d’adopter une position  »figée », il recherche au contraire de nouvelles façons d’aborder la préparation physique. Et ce qui est encore plus étonnant, c’est son souci de partager ses lectures et de justifier ses choix. En un mot, Alain Delorme  »décloisonne » le champ de ses connaissances.

Conclusion

D’accord avec le point de vue d’Alain Delorme, je considère qu’il convient par conséquent de créer des ponts entre la boxe et la préparation physique. Au lieu de les percevoir comme indépendantes l’une de l’autre, il doit plutôt exister entre ces disciplines une stratégie globale visant leur complémentarité. Un entraîneur de boxe ne devrait jamais devoir confier sans droit de regard un athlète à un préparateur physique. La communication est cependant de mise. Mais pourquoi pas? Alain Delorme a fait la démonstration que cela demeure dans les limites du possible.

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