Boxe québécoise pour tous les amateurs francophones – 12rounds.ca

Le jab parfait existe-t-il ?

Par Rénald Boisvert

Le jab a décidément la cote auprès des entraîneurs de boxe, et avec raison. C’est ce coup de poing qui ouvre la voie à tous les autres. Au point de vue stratégique, le jab est l’initiateur de la plupart des actions dans le ring. Mais encore faut-il qu’il soit exécuté correctement.

Ainsi, lorsque les choses ne vont pas bien pour un boxeur, on dira qu’il n’utilise pas suffisamment son jab. Si, au contraire, le boxeur l’utilise à profusion, mais que la situation ne s’améliore pas, alors ce seront les aspects techniques de ce jab que l’on interrogera. C’est comme si l’efficacité du jab n’avait pour seule limite que la qualité avec laquelle il est exécuté. J’y reviens donc. Le jab parfait existe-t-il vraiment?

À la recherche de la technique parfaite

Les entraîneurs vous diront que le jab doit reposer sur une technique implacable. Par exemple, il importe que le jab soit exécuté en suivant une ligne droite pour ensuite immédiatement revenir par le même chemin à la position de base. Ceci signifie que le boxeur ne laissera pas tomber son bras après avoir exécuté le jab. Également, on insiste alors pour que l’épaule du coté du jab se soit déplacée de manière à protéger la mâchoire. Toujours avec la même conviction, les entraîneurs ne manqueront pas de rappeler que la main opposée doit demeurer haute, en position de garde, pour contrecarrer la riposte de l’adversaire. Bien sûr, tout ceci n’est qu’une partie seulement des aspects techniques que les entraîneurs enseignent lors de l’apprentissage du jab.

Par ailleurs, même s’il est indéniable qu’une excellente technique s’avère un avantage déterminant pour un pugiliste, la question demeure : suffit-il que le jab soit exécuté conformément aux enseignements techniques pour que l’on puisse parler de jab parfait? Plusieurs entraîneurs sont de cette opinion. Selon eux, le boxeur qui s’est rendu vulnérable en exécutant un jab a forcément commis une erreur technique en le lançant. Une telle affirmation suppose que l’on croit en l’existence d’un jab parfait. Or, n’y a-t-il pas lieu de mettre en doute cette croyance?

Le jab parfait serait-il un mythe ?

Pour ma part, un boxeur a beau exécuter un jab selon une technique irréprochable, qu’il ne se met pas pour autant à l’abri de certaines ripostes de l’adversaire. Quoique particulièrement efficace, le jab a aussi ses faiblesses. Et elles ne sont pas que techniques. Pour mieux saisir ce point de vue, je vous réfère à la vidéo qui suit :

Posted by COACH El Mostafa Lyousfi on Monday, April 16, 2018

Au tout début de la vidéo, Juan Manuel Marquez exécute une droite par dessus l’épaule de Juan Diaz. En observant attentivement cette manœuvre – ce que le ralenti montre avec plus de précision – vous pouvez constater que le jab de Diaz est pourtant exécuté correctement au point de vue technique. Or, la protection que ce jab confère habituellement à un boxeur s’avère ici complètement inefficace vu le type de riposte emprunté par Marquez, celle-ci étant appliquée simultanément et selon une trajectoire de haut en bas.

Dans la vidéo, un peu plus loin, vous avez certainement reconnu Floyd Mayweather Jr exécuter lui-aussi ce type de riposte (over hand right). En s’avançant de la sorte à l’intérieur de la garde de l’adversaire, non seulement Mayweather neutralise le jab de Marquez en l’esquivant, mais touche violemment la cible par la même occasion.

Ensuite, la vidéo montre Anthony Joshua en train d’exécuter cette fois-ci en riposte au jab un crochet de gauche. Dans ce cas, si l’adversaire avait tenu sa garde haute, il aurait pu bloquer le crochet. Ainsi, il y a une erreur technique évidente dans l’exécution de ce jab. Mais pour notre propos, allons plutôt dans la dernière portion de la vidéo : Mayweather y déjoue le jab de Diego Corrales en exécutant un uppercut du gauche à la place de l’éternel crochet. Dans ce cas, la garde haute ne peut rien contre l’uppercut. En un mot, Mayweather confond l’adversaire.

Le pire ennemi du jab

Même en adoptant la meilleure des techniques, en exécutant un jab, le boxeur demeure vulnérable à certains égards. Mais quel est donc le pire ennemi du jab? Est-ce l’overhand right? Est-ce l’uppercut? Non, pas du tout. Je suis plutôt d’avis que son pire ennemi est la croyance en l’existence d’un jab parfait. Cette croyance détourne l’entraîneur (et le boxeur) de la recherche de solutions véritables.

Ici, il est bon de faire intervenir la notion de piège, de trappe. Ceci signifie que le boxeur peut très bien grâce à son jab contrôler l’action dans le ring, mais soudainement, voir son jab se transformer en guet-apens. À un moment où il s’y attend le moins, ce boxeur se trouve alors piégé par son propre jab et incapable de se sortir d’affaire.

Dans ces cas, ce n’est pas la technique avec laquelle le jab est exécuté qui est en cause, mais plutôt l’habilité à prévenir les guet-apens. Au lieu que l’esprit du boxeur soit alors absorbé par la technique d’exécution de son jab, il doit notamment exécuter ce jab en faisant preuve de vigilance. La question qui se pose maintenant : comment amène-t-on le boxeur à développer une plus grande vigilance?

Un entraînement approprié

La question de la vigilance pour un boxeur met en cause ses aptitudes mentales et plus particulièrement, le niveau de son attention et de sa concentration. Il doit donc en repousser les limites. Comme pour les aspects physiques, le type d’entraînement le plus efficace concernant la vigilance est celui qui se rapproche le plus de la compétition. Le sparring (combat d’entraînement) s’avère donc, du moins en principe, la meilleure préparation à cet égard. Par contre, vu la pression que sous-tend le sparring, il est possible que le boxeur ait de la difficulté à développer sa capacité de vigilance dans ces conditions. Le cas échéant, il sera approprié pour ce boxeur de s’en tenir, tout d’abord, à un entraînement de type dirigé, lequel a l’avantage de ne pas être préjudiciable physiquement.

C’est ici que l’entraînement aux pads prend toute son importance. Au départ, l’entraînement se déroule selon un mode «scénarisé» dans le but que l’athlète comprenne ce qu’il a précisément à faire. Par exemple, vous constaterez dans la vidéo qui suit que le boxeur fait l’apprentissage de différentes façons de ne pas tomber dans les pièges d’un adversaire : feindre le jab de manière à provoquer l’overhand, exécuter le jab en effectuant simultanément un pas de coté (step side) afin de s’éloigner de la main droite de l’adversaire, bloquer l’overhand en utilisant l’autre main, la main droite.

Le boxeur feinte le jab lorsqu’il anticipe l’overhand de l’adversaire :

Video jab 2

Posted by Jean-Luc Autret on Friday, May 4, 2018

Le boxeur exécute un pas de coté tout en jabbant :

Video jab 3

Posted by Jean-Luc Autret on Friday, May 4, 2018

Le boxeur, tout en jabbant, utilise l’autre main afin de bloquer l’overhand :

vidéo jab 4

Posted by Jean-Luc Autret on Friday, May 4, 2018

Par ailleurs, il ne faut pas s’attarder trop longtemps sur cette étape (scénarisée), compte tenu que l’objectif n’est pas ici de développer une quelconque technique, mais bien d’accroître la vigilance du boxeur. D’ailleurs, s’attarder trop longtemps sur la mécanique d’un mouvement risque de freiner, sinon pétrifier l’évolution de l’athlète au plan mental. C’est pourquoi il convient plutôt ici d’emprunter aux méthodes d’entraînement aléatoire (et à la prise de décision). Si vous le jugez utile, n’hésitez pas à consulter les articles publiés sur 12rounds.ca qui traitent de ces méthodes d’entraînement.

Ainsi, dans les vidéos qui suivent, nos deux jeunes boxeurs vont, au cours d’un même exercice, varier ces diverses manières de solutionner l’overhand right. Comme conséquence, il appert que plus il y a de variations, plus il devient difficile pour l’adversaire de prévoir le bon moment de tendre ses pièges. Non seulement le boxeur donne alors un certain caractère imprévisible à sa façon de boxer (aléatoire), mais il développe à la fois sa capacité de prise de décision. Ici, la vitesse de réaction peut paraître primordiale; mais en fait, ce qui importe encore plus, c’est la lecture que le boxeur va développer, en tout premier lieu, concernant les intentions et les gestes de son adversaire. C’est cette lecture qui va lui permettre de prendre les bonnes décisions.

Video jab 5

Posted by Jean-Luc Autret on Friday, May 4, 2018

Video jab 6

Posted by Jean-Luc Autret on Friday, May 4, 2018

Conclusion

Différentes tactiques peuvent être utilisées pour tenter de déjouer l’overhand right ainsi que l’uppercut. Par exemple, varier les coups à la tête et au corps s’avère l’une de ces tactiques assez efficaces. Par ailleurs, lorsque l’adversaire maîtrise particulièrement bien l’overhand et l’uppercut, cela peut ne pas suffire. Notre boxeur doit alors être en mesure de voir venir les situations où l’adversaire tente de le piéger; il doit en reconnaître les signes avant-coureurs. En un mot : demeurer vigilant. Ceci met en jeu non pas tant la technique du boxeur que sa capacité d’attention, c’est-à-dire de bien lire l’adversaire et de prendre les bonnes décisions. Tout se passe dans une fraction de seconde. Mais la capacité d’adaptation de l’athlète est grande. Pour certains boxeurs, elle est même phénoménale…

One Comment

  1. zztop

    2 décembre 2018 at 11 h 43 min

    Très bonne article.Merci.
    Dommage que les liens des vidéos sont HS.

Laissez un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *