Lemieux-Stevens : François Duguay répond à nos questions

Par Jean-Luc Autret

En vue de Lemieux-Stevens, les entraîneurs Rénald Boisvert hier, et François Duguay aujourd’hui, répondent à nos nombreuses questions techniques pour nous apporter un point de vue différent à ce combat.

12 Rounds : Ce duel se discute depuis longtemps, est-ce que le travail d’un entraîneur est véritablement facilité quand son boxeur est hautement motivé par son prochain défi?

François Duguay : Ce n’est pas nécessairement plus facile. Généralement plus ça devient émotif, plus le boxeur risque de s’éloigner du plan de match. En fait, au cœur de l’action d’un combat, c’est plus compliqué pour l’entraîneur, car il doit faire de la discipline au lieu de se concentrer sur des ajustements qui font une différence importante.

12 Rounds : La situation de Stevens a changé depuis ses deux derniers combats, avec un nouvel entraîneur (John David Jackson) et une nouvelle équipe. À quel point l’équipe de Lemieux doit-elle faire abstraction du parcours de Stevens avant mai 2016?

François Duguay : Ma première réaction est de me demander si l’on a vu de grands changements dans le style de Stevens lors de ses deux derniers combats? Pour ce qui est de John David Jackson, je doute qu’il soit un grand stratège capable de faire d’importants changements dans le cours d’un combat. Si je prends l’exemple de Kovalev-Ward, il n’a pas démontré beaucoup de leadership pour renverser la vapeur lors des moments plus difficiles pour Kovalev. Bref, je crois, Stevens sera le même que tout au long de sa carrière.   

12 Rounds : Dans le même sens, considérant le changement d’entraîneur de Stevens, est-ce utile de comparer les performances des deux boxeurs contre Golovkin et N’Dam?

François Duguay : Oui, c’est vraiment utile pour trouver des solutions au boxeur que l’on affronte. Par exemple, Stevens a su faire de meilleurs ajustements pour la distance avec Golovkin que Lemieux. Par contre, face à N’Dam l’américain a été totalement déclassé. C’est le travail des entraîneurs de décortiquer pourquoi, de comprendre comment ça s’est produit et surtout comment en tirer avantage.

12 Rounds : Tout comme Stevens, David Lemieux s’est fait toucher à de nombreuses reprises face à Golovkin il y a un an et demi. Après un tel combat, croyez-vous qu’un boxeur doit avoir quelques défis de moindre envergure pour se rebâtir?

François Duguay : Chez les poids moyens, le défi suivant Golovkin est nécessairement moins grand, peu importe qui tu as devant toi, personnellement, je crois que l’équipe de Lemieux aurait dû monnayer son titre pour quelques combats avant de se lancer face à Golovkin. On le constate maintenant, c’est compliqué pour David de trouver des adversaires de bonne qualité chez les 160 livres et d’obtenir une nouvelle chance pour un titre mondial.

12 Rounds : À l’époque, Hopkins et De la Hoya ont reproché au clan Lemieux de ne pas avoir de plan clair ou de stratégies pour Golovkin. En avez-vous une stratégie à suggérer pour affronter Stevens?

François Duguay : L’important dans un combat c’est la capacité de s’ajuster. Le jour d’un combat, mille facteurs peuvent influencer sur la performance du boxeur. Que ton boxeur sous-performe ou que ton adversaire fasse mieux que prévu, l’outil magique c’est la capacité de lancer un jab qui dérange. Pour ce qui est de David, il doit faire attention de ne pas trop dépenser d’énergie à lancer des coups de puissance. On l’a vu souvent perdre du mordant après quatre rounds par manque d’énergie.

12 Rounds : Dans le sens inverse, quelle approche favoriserez-vous si vous étiez l’entraîneur qui prépare son boxeur pour affronter David Lemieux?

François Duguay : Il sera très important pour Curtis Stevens d’être patient et de bien gérer la distance. Il doit absolument être soit très proche de lui ou assez loin pour ne pas être toucher. Plus il va passer de temps dans la zone des coups de puissance de Lemieux, moins il a de chance de l’emporter.

12 Rounds : Un camp d’entraînement comprend de nombreux rounds de sparring. Considérant que l’on affronte un cogneur, comment gère-t-on les séances d’entraînement pour éviter que notre boxeur se fasse frapper fréquemment?

François Duguay : Le plus important durant le camp est d’éviter de se faire frapper à la tête. Le boxeur doit développer sa capacité à accrocher au bon moment et à esquiver les coups. Évidemment, garder les mains hautes c’est très bon, mais si le coup ne nous touche pas c’est bien mieux.

12 Rounds : David Lemieux a souvent eu de la difficulté à faire la limite à 160 livres, croyez-vous qu’il va passer bientôt chez les super-moyens?

François Duguay : J’ai de la misère à croire que ce serait avantageux de monter à 168 livres. Considérant sa grandeur, je crois qu’il serait désavantagé souvent à cause que les boxeurs chez les super-moyens sont souvent pas mal plus grands. Il serait mieux de se concentrer chez les 160 livres et faire attention encore plus à son alimentation à l’extérieur des camps d’entraînements.  

12 Rounds : Ces deux boxeurs sont reconnus pour être des cogneurs, outre les coups de puissance, qu’est-ce que l’on doit surveiller?

François Duguay : Le jab doit faire mal et préparer les attaques de Lemieux. Stevens a prouvé contre Golovkin qu’il est capable d’avancer les mains hautes et de mettre de la pression. Pourra-t-il encaisser les coups de Lemieux?

12 Rounds : Malgré que Stevens soit plus petit, sa portée est supérieure d’un pouce et demi. Est-ce que cet aspect est important à considérer dans un duel de cogneurs?

François Duguay : Tout d’abord, la portée c’est bien relatif parce qu’il y a de nombreuses façons de calculer ça. Ces deux boxeurs gardent souvent les mains hautes au lieu de se déplacer, c’est donc plus facile de trouver sa distance avec le classique 1-2, jab-direct. Par conséquent, Stevens est avantagé, si effectivement, il a une meilleure portée.

12 Rounds : Est-ce possible de croire que ce combat se rende à la limite?

François Duguay : Certainement que ces deux boxeurs peuvent faire la limite. La grande question est de savoir à quel point ils seront en mesure de gérer leur énergie et d’éviter de dépenser beaucoup d’énergie en lançant des coups de puissance. Si on se rend à la décision, je m’attends à ce que les deux boxeurs soient très fatigués. 

12 Rounds : À quoi doit-on s’attendre comme combat?

François Duguay :  Il y a aura beaucoup d’étincelles dans les quatre-cinq premiers rounds. Je crois que Lemieux va mieux gérer la distance grâce à la puissance de son jab qui va déranger Stevens. Il devrait l’emporter par KO ou TKO au 9e round, sinon Lemieux va décrocher une décision unanime.

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  1. Pingback: Lemieux-Stevens : l'analyse de Hassan N'Dam

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