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Pourquoi Pascal disposera de Bute aisément
- Mis à jour: 13 janvier 2014
Par François Bouchard
Ndlr : François Bouchard, qui a pendant longtemps été chroniqueur-pigiste pour plusieurs sites de boxe, en plus d’avoir collaboré au livre de Richard Cloutier, Éric Lucas – Le Gentleman de la Boxe, nous fait part ici de son pronostic concernant l’affrontement entre Jean Pascal et Lucian Bute. Sa prédiction rejoint celle publiée sur notre site la semaine dernière par Martin Achard, mais à partir d’un point de vue différent, axé davantage sur l’aspect psychologique.
Le 18 janvier sera une journée très attendue pour la communauté de boxe québécoise. Régis Lévesque se plaisait à le dire, il n’y a rien comme la boxe locale. Après plusieurs années de spéculation, Lucian Bute, le chouchou des Québécois, le bon gars au beau visage, gaucher au style classique, ex-champion mondial IBF des 168 livres avec 10 défenses en poche, affrontera Jean Pascal, la grande gueule au style imprévisible, ex-champion WBC chez les mi-lourds. Deux hommes qu’on dit être au sommet de leur art. Mais je pose la question : est-ce vraiment le cas?
En premier lieu, il y a raison de croire, d’un côté comme de l’autre, que le triomphe est chose promise. Jean Pascal est un boxeur d’une minute trente, si on en croit Stéphan Larouche, entraîneur de Bute. Si l’on met de côté leur haine mutuelle, ce dernier a sans doute raison. Pascal a développé un style unique, basé sur les explosions et une façon de toucher l’adversaire inhabituelle. Tout en puissance, il possède un jab solide qu’il n’utilise qu’avec parcimonie. Ses coups peuvent être si larges qu’il a été mis à l’écart à quelques reprises de l’arène, notamment dû à des blessures à l’épaule.
Pascal a prouvé ses capacités d’encaisseur en testant son menton contre Carl Froch, Chad Dawson et Adrian Diaconu. Dans un récent article que j’ai lu, le chroniqueur qualifiait Pascal de bagarreur, ce qui est faux à mon avis. Jean est un boxeur très intelligent, conscient de ses atouts, dur cogneur, sans quoi Bernard Hopkins n’aurait pas visité le plancher officiellement depuis son match nul contre Segundo Mercado il y a presque 20 ans. Pascal est le favori des parieurs, en fonction de ses performances récentes. Certains diront que le vieux renard Hopkins l’a quand même surclassé dans le second combat, certes. Mais peu d’adversaires ont donné autant de problèmes à Hopkins dans les dernières années que Pascal, qui l’a fait à deux reprises.
Quant à Bute, il a connu le cheminement standard du champion. Gaucher, style classique, des mains rapides, des déplacements justes, une belle allure et de la modestie en ont fait une idole et un modèle. Son opposition a graduellement augmenté lors de son ascension à la couronne IBF laissée vacante par Joe Calzaghe, et on a judicieusement choisi comme adversaire pour sa conquête du titre Alejandro Berrio, champion IBF à la mâchoire suspecte. Deux combats plus tard, il se mesure au Mexicain infatigable à la mâchoire d’acier Librado Andrade. Encore aujourd’hui, je crois que le fatidique 12e round était une erreur tactique et Marlon B. Wright a appliqué la bonne décision en obligeant Andrade à retourner dans son coin après que ce dernier eut brutalisé et envoyé au tapis un Bute complètement exténué. Lors de la revanche cependant, Bute a effacé tout doute en passant un K.-O. brutal au 4e round au Mexicain.
« Le Tombeur » totalisera 10 défenses, ajoutant à son tableau Brian Magee, Edison Miranda et Glen Johnson, entre autres. Le combat contre Johnson a été fort trompeur et a installé Bute dans une fausse zone de confiance. L’ex-partenaire d’entraînement de Lucian a passé le plus clair de son temps dans les câbles à pousser son jab et même lorsque Lucian l’avait à sa merci, Stéphan Larouche lui a ordonné de le respecter jusqu’à la fin. Je ne suis pas entraîneur mais Lucian avait la chance de faire un « statement » dans le monde de la boxe et a complètement raté sa chance ce soir-là.
Puis vint le combat contre Froch, il y a plus d’un an. Je crois encore aujourd’hui qu’il est irresponsable de perdre et de réagir de la sorte, surtout pour un champion avec 9 défenses victorieuses en poche. J’ai lu une chronique récente qui mentionnait le très bon menton de Lucian. Un boxeur qui chute mais se relève est meilleur encaisseur qu’un boxeur ébranlé qui, comme Bute, reste debout mais est incapable de répliquer. Bien encaisser c’est aussi être capable de revenir dans le combat après avoir pris un dur coup. Ce soir de mai 2012 à Nottingham, le mental de Lucian en a pris pour son grade. La preuve a été établie à son combat de retour contre Denis Grachev. Bute a semblé hésitant, craignant quelque chose qui n’est jamais arrivé. Mis à part le 12e round où le Québécois d’origine roumaine a brillé, sa performance était tout sauf convaincante. Bien qu’il avait les habiletés pour vaincre Carl Froch, il semblait battu après 2 rounds. Le grand Felix Trinidad était un bon encaisseur en fin de compte.
On le sait, une grande partie de la boxe c’est la force mentale qui fait foi de tout. Je m’attends au meilleur de Pascal, mais pour Bute, j’en doute très fortement. Pascal a la confiance et la force mentale; ses déplacements et ses explosions surprendront Bute, qui avec le temps est devenu un boxeur de coups uniques, timide et incertain. Rien ne m’a indiqué au cours des derniers mois que Bute avait cette force mentale, cette capacité à revenir alors que tout est perdu qui faisait la marque de commerce de boxeurs comme Nigel Benn, Arturo Gatti ou Evander Holyfield. J’espère de tout cœur que Bute me fera mentir mais je crois que Jean Pascal n’aura pas besoin de travailler si fort que cela pour vaincre Bute. Il va vouloir mettre la foule de son côté et ce, rapidement. La chance de Bute se trouve s’il peut étirer le combat, là où Jean est reconnu pour être moins efficace. Je doute qu’il y arrive. J’espère aussi que Jean ne lira pas trop d’articles de gérant d’estrade comme moi car sa confiance est une éponge et il devra prendre Bute très au sérieux et ne pas sous-estimer ce dernier, car même un Lucian mentalement fragile reste dangereux.
J’étais sur le point d’envoyer mon article lorsqu’un ami m’a fourni de l’inspiration sur un point. Bute me fait penser à Carey Price : idolâtré des Montréalais, un peu surestimé, sa technique et son talent sont indéniables mais le problème se situe dans la constance et sa force de caractère.
Ma prédiction? Jean Pascal par KO en 5 rounds.