Boxe québécoise pour tous les amateurs francophones – 12rounds.ca

Retour sur la carrière d’Hercules Kyvelos

Par Jean-Luc Autret, avec la collaboration de Benoît Dussault

Il y a quatorze ans, Hercules Kyvelos a surpris bien des gens en récoltant une victoire lors de la finale d’un gala à Atlantic City alors qu’il avait renvoyé son gérant et entraîneur Russ Anber quelques mois auparavant et qu’il n’avait pas de promoteur. Nous profitons de cet anniversaire pour vous présenter un bilan de la carrière de celui qui a été l’une des vedettes de la boxe québécoise au début du millénaire.

Un long parcours de dix ans chez les amateurs

De descendance grecque et originaire de Parc Extension à Montréal, Hercules Kyvelos a commencé à pratiquer la boxe avec le légendaire Russ Anber à l’âge de 11 ans. Il est devenu champion canadien amateur en 1995 alors qu’il n’était âgé que  de19 ans. En mars de la même année, il participe aux Jeux Panaméricains qui se déroulent en Argentine. Il en revient avec une médaille de bronze.

Un an plus tard, il poursuit sa progression sur la scène internationale en participant aux qualifications olympiques. Après deux victoires décisives, Kyvelos a une vive douleur à l’épaule et il doit oublier l’idée d’affronter un certain Daniel Santos, que nous reverrons à Montréal en 2008. Même sans affronter le Porto-Ricain en finale, Kyvelos se mérite son billet pour les Jeux d’Atlanta, il est alors le premier québécois à obtenir sa qualification. Après les olympiques, il démontrera aussi son talent lors du tournoi Copenhague Cup au Danemark alors qu’il s’inclinera face à l’Ukrainien Sergei Dzinziruk.

«Mon plus grand accomplissement chez les amateurs fut ma participation aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996. Malheureusement, je me suis fait littéralement voler contre un Tunisien. Je garde aussi un très bon souvenir des boxe off de 1996 alors que j’ai dû vaincre à deux reprises Walt Fleaming pour être le no 1 canadien à 67 kilos», se rappelle celui qui  a accumulé une fiche de 95-25 chez les amateurs.

Ses liens avec InterBox

Devenu professionnel en mai 1997, Hercules Kyvelos choisit de s’associer au promoteur américain Art Pellulo de Banner Promotions. «J’ai fait un premier combat à Montréal, puis je me suis associé à une agence de promotion de Philadelphie qui s’occupait aussi de mon ami Otis Grant. J’ai fait quelques combats là-bas et les choses allaient très bien. Les gens d’InterBox m’ont fait plein de promesses pour revenir boxer à Montréal. Mon gérant et entraîneur, Russ Anber, et moi pensions que ce serait plus facile de boxer à la maison. J’ai donc laissé Art Pellulo pour revenir chez nous à Montréal», se souvient l’ancien boxeur.

Bien qu’il ait eu le privilège de faire deux finales pour le groupe InterBox, ceux-ci ne lui ont jamais fait d’offres formelles pour qu’il se joigne officiellement à leur organisation. «J’étais populaire, j’ai fait la finale deux fois au Centre Molson. Par contre, même si je boxais sur leurs cartes, je n’étais pas officiellement lié à InterBox. C’est pour cela que tout le monde pensait que j’étais sous contrat avec eux. InterBox me parlait toujours de contrat, les paroles étaient belles et les chiffres intéressants, mais l’offre écrite n’est jamais venue. Pourtant, les amateurs m’aimaient bien, je suis un gars de la place qui parle français, anglais et grec. J’avais une excellente fiche de 19-0 dont 10 KO, j’étais champion canadien et je faisais vendre beaucoup de billets», relate celui qui recevra finalement une offre d’InterBox en 2002.

L’accident de voiture d’Otis Grant

En juin 1999, Kyvelos voit la mort de proche alors qu’il est sur la route avec son collègue et ami Otis Grant. L’accident aura de graves répercussions sur la carrière de Grant, il a notamment cinq côtes de fracturées, un poumon de perforé et une omoplate de brisée. Malgré l’annonce des médecins de la fin de sa carrière, «Magic» Grant remontera dans le ring en 2003 et il enchaînera sept victoires consécutives.

«Otis conduisait, j’étais assis sur le siège du passager et sa fille prenait place directement derrière moi. Nous revenions des Laurentides. Nous arrivions de rencontrer les gens d’InterBox chez Gerry Goldberg pour finaliser l’organisation d’un combat entre Otis et Éric Lucas. Lorsqu’Otis a vu la voiture foncer directement sur nous, il a viré à droite pour protéger sa fille. C’est lui qui a encaissé tout l’impact. Sa fille et moi en sommes sortis indemnes. J’ai boxé deux semaines plus tard. Quelques jours après l’accident, je suis allé au garage récupérer les effets personnels laissés dans la voiture au moment de l’accident. Quand j’ai vu ce qui restait de la voiture, un tas de ferraille, j’ai compris toute la chance que j’avais d’être encore en vie. Si Otis avait viré à gauche plutôt qu’à droite, je ne serais pas ici aujourd’hui», affirme celui qui deviendra champion canadien moins d’un an après l’accident.

La séparation d’avec Russ Anber

Tout comme David Lemieux, Hercules Kyvelos a gravi les échelons de la boxe sous la protection du chevronné entraîneur Russ Anber. Mais contrairement à Lemieux, c’est plutôt le boxeur qui mit un terme à leur relation en août 2001; il entreprendra même des recours judicaires en octobre 2002.

«Russ était à la fois mon entraîneur et mon gérant. Il est probablement un des meilleurs entraîneurs de la profession. C’est par rapport à la gérance que nous ne nous entendions plus. Russ était très protecteur, trop à mes yeux. Il ne voulait pas prendre de chances, ne voulait jamais brusquer les choses. Il ne poussait pas assez sur les promoteurs à mon goût. Il n’arrivait pas à m’obtenir de contrat en bonne et due forme. En plus, Russ traversait une période difficile au plan personnel. Il songeait même à déménager à Kansas City. Pendant cette période, j’avais demandé à Gerry Goldberg, un ami, de me représenter auprès des médias. Russ était furieux quand il l’a appris. Il se sentait trahi, il pensait que je manigançais dans son dos. De mon côté, j’avais l’impression que je n’étais plus une priorité pour Russ puisqu’il parlait de déménager au Kansas. Lui, de son côté, pensait que je voulais le remplacer par Gerry Goldberg», raconte celui qui est agent d’immeuble depuis 2007.

D’Atlantic City à l’Australie

Bien que sans attache avec InterBox, Yvon Michel l’aide à lui trouver un combat aux États-Unis. Son rival est un jeune espoir américain qui a fait la demi-finale de Leonard Dorin quelques mois auparavant. Le 2 février 2002, il est accompagné par Otis Grant, Abe Pervin et Bob Miller pour se mesurer à Johnny Molnar (19-1-1, 10 KO), un partenaire d’entraînement d’Arturo Gatti. Dominant, Kyvelos l’emporte par décision unanime (99-91, 96-93, 95-94) et il justifie pleinement ses classements mondiaux qui sont alors de 5e aspirant à la WBC et l’IBF et de 10e à la WBO.

Pour Bernard Barré, alors directeur technique chez InterBox, il s’agit de sa victoire la plus marquante. «Kyvelos a accepté ce combat sans même avoir d’entraîneur, j’ai même fait des pads avec lui avant qu’Otis nous rejoigne dans la semaine. Il a surpris son adversaire avec sa vitesse et l’explosivité de ses combinaisons. Il a justifié pleinement ses classements mondiaux et ensuite il s’est rendu en championnat du monde. Selon moi, il s’agit de la victoire la plus importante de sa carrière», affirme celui qui l’accompagnait lors du voyage dans la ville du jeu au New Jersey.

«Ma victoire contre Johnny Molnar a réveillé bien des gens. Il n’avait qu’une défaite en 21 combats et son avenir était très prometteur. Quand j’ai négocié le contrat avec Top Rank, c’était clair que le promoteur ne me donnait aucune chance, il cherchait un perdant. Pourtant, j’ai facilement gagné et en plus le combat était présenté à Shobox sur Showtime. Cette visibilité a été très profitable pour moi. Après cette victoire, j’ai monté mon portfolio. J’y ai mis tous les articles de journaux sur ma carrière amateur et professionnelle, des photos et plein d’autres trucs. J’ai envoyé le portfolio à tous les promoteurs: Cedric Kushner, Art Pellulo, Don King, Lou DiBella, Bob Arum, Golden Boy et même InterBox. Le téléphone s’est mis à sonner, j’ai eu des offres d’à peu près tout le monde. Art Pellulo a retiré la sienne parce qu’il croyait, comme plusieurs autres, que j’étais sous contrat avec InterBox. Il ne voulait pas se mettre dans une situation conflictuelle. La meilleure offre, et de loin, est venue de Don King. L’offre d’InterBox était intéressante, mais jamais comme celle de Don King. En plus, n’oubliez pas qu’à cette époque, l’argent américain valait 30% de plus que l’argent canadien. Même au pair, l’offre de King était de beaucoup supérieure à toutes les autres».

Stratégique, le Montréalais n’a pas seulement choisi King à cause de l’argent. Le célèbre promoteur est aussi responsable de la destinée de Cory Spinks, qui devient champion IBF en mars 2003, et de Ricardo Mayorga, qui est champion WBA et WBC en 2002-2003, avant de perdre face à Spinks.

En plus de recevoir des appels de promoteurs, Kyvelos a attiré l’attention de Kostya Tszyu, alors triple champion du monde (IBF, WBA et WBC) chez les 140 livres. L’Australien d’origine russe l’engage comme partenaire d’entraînement, ils passeront six semaines en Australie, plus deux autres à Las Vegas à l’approche du combat de Tszyu le 18 mai face au Ghanéen Ben Tackie. Même que le Montréalais passe proche d’être impliqué dans la sous-carte dans un combat face à Oba Carr, mais l’offre est un peu trop timide et le projet avorte.

Les blessures apparaissent

Finalement, Kyvelos peut enfin remonter sur le ring le 6 juin 2003 lors d’un gala en Floride. Coincidence, Kevin Bizier s’est battu l’automne dernier dans le même casino, appartenant à une réserve amérindienne. Bien qu’il n’apprendra l’identité de son rival que deux semaines avant le combat, Kyvelos est prêt à affronter n’importe qui.

Don King joue un peu dans le dos de Kyvelos et il lui lance comme défi l’ancien champion du monde Ener Julio, un Colombien. Celui qui a vaincu Randall Bailey pour devenir champion de la WBO n’est pas de taille et il visite le plancher au deuxième round. Au terme des dix échanges, les juges accordent leur faveur à Kyvelos (99-90, 98-91, 97-92).

«Plusieurs mois plus tôt, j’avais reçu un pouce dans l’œil à l’entraînement qui avait causé un décollement de la rétine. J’ai toujours réussi à obtenir les certificats médicaux des commissions athlétiques en trichant et en mentant au médecin. Avec le temps, une cataracte s’était formée sur l’œil gauche. Après mon combat contre Julio, la cataracte était si opaque que je ne voyais plus du tout. L’ophtalmologiste m’a fortement recommandé de me faire opérer immédiatement, mais il m’a aussi dit que ma carrière serait terminée après l’opération. Devant mon refus, il m’a fait promettre de ne pas attendre plus d’un an avant de me faire opérer. J’avais donc encore seulement un an de boxe devant moi. C’est aussi à cette époque que j’ai découvert que quelque chose d’autre n’allait pas. J’avais une maladie chronique musculaire qui m’empêchait de m’entraîner comme avant. Je n’avais jamais d’énergie, j’étais toujours fatigué», explique Kyvelos.

En championnat du monde face à Margarito

Pour la plupart des boxeurs l’objectif no 1 est de se battre en championnat du monde et bien sûr de l’emporter. Évidemment, Hercules avait le même objectif mais ses graves problèmes de santé le forcent à prendre des risques et à jouer le tout pour le tout le 31 janvier 2004 à Phoenix en Arizona.

«Avant le combat contre Margarito, je devais me battre contre Rafael Pineda. Je n’ai pas passé les tests médicaux du Foxwoods Casino à cause de mon œil. Heureusement, le médecin du Connecticut n’a pas ébruité l’affaire. Autrement, je n’aurais pas pu me battre contre Margarito. Les promoteurs avaient planifié des combats pour unifier les trois ceintures. Le gagnant entre Corey Spinks (IBF) et Ricardo Mayorga (WBA) devait affronter le vainqueur du duel entre Antonio Margarito (WBO) et moi pour le titre mondial», relate celui qui ne termine pas debout le deuxième round.

Par la suite Margarito a été impliqué dans un énorme scandale alors qu’il avait tenté d’avoir des bandages illégaux pour affronter Shane Mosley. Kyvelos ne se pose même pas la question si le Mexicain a triché lors de leur combat. «Dans la condition où j’étais, même avec des oreillers dans les gants, Margarito aurait gagné. Le résultat aurait été le même de toute façon. J’ai fait le poids dans mon lit. Je m’entraînais à peine, je me traînais entre le gymnase et mon lit. J’étais malade, je n’avais plus d’endurance, aucune énergie. L’ophtalmologiste m’avait donné un an de boxe. Deux, trois combats sans plus. Je ne pouvais pas passer à côté de cette opportunité», affirme-t-il.

Le boxeur alors âgé de 29 ans tente de relancer sa carrière après sa première défaite. Le 4 septembre de la même année, il affronte Cosme Rivera, un «gate keeper» mexicain qui roule encore sa bosse aujourd’hui. «Les choses n’allaient pas mieux physiquement, mais je savais que même malade, je pouvais écraser Cosme Rivera. Pourtant, il m’a passé le KO au quatrième round. J’ai alors vraiment réalisé que ma condition était plus sérieuse que je ne le pensais», se souvient-il.

Une fin inévitable

L’année suivante, Hercules est finalement opéré à l’œil gauche et contrairement à l’avis de l’ophtalmologiste, il obtient le feu vert pour remonter sur le ring. Bien que sa vision soit rétablie, ses problèmes chroniques de perte d’énergie ne sont toujours pas disparus.

«Don King avait tout un plan pour me ramener dans le top 10. Ma vision était revenue et je croyais que ma santé était revenue. J’ai commencé par un petit combat de huit rounds à Albany que j’ai gagné. Dès le premier combat, je me suis rendu compte que les problèmes de santé n’étaient pas réglés. Je n’avais ni mon énergie, ni mon endurance habituelles. Don King a été très correct avec moi, il l’a toujours été d’ailleurs, me permettant de boxer à deux reprises à Montréal pour un autre promoteur, même si j’étais encore sous contrat avec lui. Le premier combat n’était pas un gros défi, et j’ai mis le gars KO au 2e round (Jeff Carpenter, 11-13). J’étais excité pour le combat suivant contre Sammy Sparkman parce que je voulais utiliser ce combat pour mesurer ma condition physique. Je savais qu’à 30 % de ma condition, je pouvais le battre. Lorsqu’il m’a battu, j’ai compris que je n’avais vraiment plus rien, que c’était bel et bien fini», relate-t-il.

Toujours dans le monde du coaching

Quelques années plus tard, les amateurs de boxe ont revu l’ancienne gloire de Parc Extension dans le coin de différents boxeurs comme Olivier Lontchi, Wayne John, Ahmad Cheiko et Baha Laham. Encore actif aujourd’hui, Hercules donne ses conseils sur le noble art au gym des frères Grant ainsi qu’au Tristar. «Je travaille présentement avec plusieurs athlètes de MMA, je les aide à améliorer leur boxe et je suis aussi l’entraîneur de Jeff Furtado, un boxeur amateur qui deviendra professionnel dans quelques mois», souligne-t-il.

Toujours un observateur attentif du noble art, Kyvelos conclut en affirmant qu’il trouve que le monde pugilistique s’est beaucoup amélioré comparativement à son époque. «C’est fantastique la boxe a beaucoup grandi. L’impact d’Al Haymon est incroyable pour les boxeurs. Il les paye bien et il n’est pas trop gourmand lorsqu’il prend sa commission. Je souhaite que ce modèle existe longtemps».

Laissez un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *