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Artur Beterbiev-GYM, le différend face à la justice

Yvon Michel et Artur Beterbiev

Par Jean-Luc Autret

Suite aux révélations du site Dans les coulisses, en lien avec le recours en cour supérieure d’Arthur Beterbiev contre son promoteur le Groupe Yvon Michel, nous avons pris connaissance de la réaction du vétéran promoteur montréalais et nous nous sommes entretenus avec l’avocat de l’ancien champion du monde amateur, Me Karim Renno. Voici un bilan complet de la situation actuelle.

Un malaise qui perdure

Depuis de nombreux mois, bien des observateurs de la boxe savent qu’Artur Beterbiev est insatisfait de sa situation. Aujourd’hui, on comprend beaucoup mieux pourquoi GYM a tenu a organisé un combat avec l’Argentin Isidro Prieto le 23 décembre à Gatineau sans l’appui de Premier Boxing Champions.

En février dernier, nous avons eu un exemple bien concret du malaise entre le boxeur et le promoteur lorsque Jean-Paul Chartrand a raconté qu’Yvon Michel mettait en doute faisabilité du duel Beterbiev-Barrera aux États-Unis à cause qu’il est musulman. Le boxeur réagit sur Instagram en disant que les propos de son promoteur sont inappropriés et irresponsables.

En mars dernier, Jeremy Filosa du 98,5 a publié un article intitulé « Yvon Michel pourrait-il perdre Arthur Beterbiev ? ». En résumé, on y raconte qu’en date du 20 mars le boxeur n’avait toujours pas touché l’ensemble de sa bourse de son combat de décembre, qu’il considère que son contrat est échu et que GYM cherche à vendre son contrat de promotion à un autre promoteur. À l’époque, Yvon Michel réagit sur twitter en démentant avec virulence. Il y a quelques heures, Yvon Michel est revenu en écrivant : « En mars, je dois avouer que tu avais + d’infos que moi! 🙂 »

De plus, GYM nous a promis en décembre l’arrivée d’un poids lourd de grand talent en provenance de l’Azerbaijan, il a même été présenté aux spectateurs du Casino de Montréal le 30 mars dernier. Le géant Arslanbek Makhmudov a accumulé une fiche 11-3 dans la World Serie Boxing, il est un ami personnel d’Arthur et celui-ci devait être son gérant. À ce jour, Makhmudov n’a toujours pas signé de contrat avec GYM bien qu’il s’entraîne quotidiennement sous la supervision de Marc Ramsay depuis plusieurs mois.

Non-respect du contrat à répétition

Membre du Groupe Yvon Michel depuis le 8 juin 2013, Artur Beterbiev est insatisfait de son entente avec GYM pour deux raisons bien précises : le non-respect du nombre de combats par année et le non-respect du délai du paiement de ses bourses.

Le contrat signé entre les deux parties prévoyait 6 combats à sa première année, 5 duels à sa seconde année et 4 combats à sa troisième année. Une année d’option pouvait s’appliquait si Beterbiev était classé dans l’un des tops 10 mondiaux au courant de sa 3e année. Et enfin, une cinquième année boni s’appliquait s’il se battait en championnat du monde au courant de sa quatrième année.

En 2013-2014, Arthur est monté sur le ring à quatre reprises, il a aisément vaincu les Christian Cruz, Rayco Saunders, Billy Bailey et Gabriel Lecrosnier, et ce, en seulement sept mois. Beterbiev est absent du ring du 19 janvier au 22 août 2014, lorsqu’il se mesure à Alvarado Enriquez. Ce qui est le premier combat de sa deuxième année de contrat.

Par la suite, la carrière prend de l’essor à vitesse grand V. Suite à une mésentente entre Jean Pascal et GYM, Artur en profite pour affronter Tavoris Cloud et il lui passe le KO au 2e round. Puis, il fait de même avec Jeff Page Jr et Gabriel Campillo avant la fin de sa deuxième année de contrat. Le 12 juin 2015, il se rend à Chicago pour affronter Alexander Johnson. C’est après ce combat que l’ancien Olympien doit s’éloigner du ring pendant douze mois à cause d’une blessure à une épaule. Le 4 juin 2016 devant maigre foule au Centre Bell, il ne fait qu’une bouchée de Ezaquiel Maderma.

Donc, rendu dans sa première année d’option, Arthur affronte uniquement Isidro Prieto, soit le 23 décembre dernier. Enfin le 4 juin prochain, la quatrième année se terminera et il est clair qu’Arthur n’aura pas livré de combat de championnat du monde dans les douze derniers mois.

En bref, Arthur s’est battu quatre fois en 2013-2014, quatre fois en 2014-2015, deux fois en 2015-2016 et une seule fois dans la dernière année. Donc, chaque année, le Groupe Yvon Michel n’a pas été en mesure de respecter son contrat. De plus, le promoteur d’expérience a récemment affirmé à son boxeur qu’il ne serait pas capable de lui offrir quatre combats par année dans le futur.

artur-beterbiev-champion-nabaÀ la défense du promoteur, on doit souligner qu’en affrontant Tavoris Cloud et Gabriel Campillo, GYM a offert un haut niveau d’adversité et que ça permis au boxeur d’être classé mondialement après seulement quinze mois chez les pros. Présentement, on le retrouve à l’IBF #2, WBA #3, WBO #3 la WBC #6 et The Ring #5. De plus, il est évident que si un boxeur est blessé pendant plus ou moins douze mois, c’est bien compliqué de compléter quelconque combat. Enfin, il est important de rappeler que si Beterbiev n’avait pas été blessé, c’est probablement lui et non Sullivan Barrera qui serait devenu aspirant obligatoire en décembre 2015. Bref, il se serait battu en championnat du monde dans le courant de l’année 2016.

Les problèmes de financement

Comme GYM l’a souligné hier via communiqué, Arthur Beterbiev a eu le privilège d’être présenté sur la télé américaine (lire PBC) à quatre reprises, soit sur Showtime, sur CBS, sur Spike TV et sur ESPN. Et comme on le sait bien, quand la télé américaine est là, c’est eux qui payent les frais des combats principaux.

Selon le contrat signé entre le promoteur et le boxeur, GYM doit payer la bourse en totalité à Artur dans un délai de dix jours après chaque combat. Selon les documents judiciaires, il semble que les problèmes financiers sont apparus dans la dernière année.

Suite à son combat avec Maderna le 4 juin 2016 présenté sur ESPN, Beterbiev a reçu la totalité de sa bourse deux mois plus tard. Pire, après son combat contre Prieto le 23 décembre, l’avocat de Beterbiev a dû envoyer une mise en demeure le 22 janvier dernier parce que son client n’avait reçu que 20 000 $ sur une bourse totalisant 350 000 $. Finalement, le dernier paiement a été reçu le 22 mars, soit, deux jours après la publication de l’article de Jeremy Filosa cité plus haut.

Le diable est dans les détails

Comme le dit le proverbe, souvent les conflits se compliquent à cause des petits détails. Un autre élément litigieux est le fait que le contrat entre les deux parties est d’une durée de trois ans plus deux fois une année d’option selon certains critères. Pourtant, selon l’article 169 des règlements sur les sports de combat, les contrats entre un combattant et son promoteur ne peuvent dépasser deux ans.

De plus, nous avons appris que lors de la signature du contrat en 2013, la gérante d’Artur Beterbiev à l’époque, Anna Reva, a fait ajouter au contrat une clause permettant à son boxeur de mettre un terme à l’entente si le promoteur ne respecte pas ledit contrat. Il s’agit d’un élément qui a certainement son pesant d’or aujourd’hui. Toujours concernant Anna Reva, elle a aussi entrepris des démarches en cour supérieure contre le boxeur pour bris de contrat en mai 2015. Elle lui réclame une somme de 75 000 $ et 20 % de ses bourses jusqu’au 1er janvier 2022. Ce procès est prévu pour mars 2018.

Beterbiev-Koelling aura-t-il lieu ?

Les observateurs les plus attentifs ont probablement remarqué que cette démarche judiciaire arrive immédiatement après la fin du processus imposé par l’IBF pour déterminer le promoteur qui devra présenter, dans les trois prochains mois, le combat éliminatoire entre Artur Beterbiev et l’Allemand Enrico Koelling.

Selon Me Karim Renno, il n’est pas impossible que le duel ait lieu si son client et le promoteur trouvent un terrain d’entente pour la tenue de ce combat. Mais, l’IBF est peu patiente et si il n’y a pas d’entente rapide entre les deux clans, l’organisation basée au New Jersey voudra passer au suivant, considérant que ce dossier traîne depuis l’automne dernier pour différentes raisons hors du contrôle de GYM et de Beterbiev.

Concernant Me Karim Renno, il est intéressant de mentionner qu’il est un blogueur judiciaire très bien connu. Depuis 2010, il a signé des plusieurs milliers d’articles sur le site À bon droit. Il est loin d’être un inconnu du petit monde de la boxe, il a signé plusieurs articles dans le défunt magazine de la Zone de la Boxe et Beterbiev n’est pas son unique client à avoir comme profession boxeur.

En conclusion, le clan Beterbiev considère que son contrat est présentement échu avec GYM. Curieusement, c’était exactement la même défense de David Lemieux lorsqu’il a quitté GYM au début de 2015. De son côté, le Groupe Yvon Michel considère que le contrat est toujours en force. Ils ont maintenant 14 jours pour informer la cour supérieure qui sera son avocat dans cette cause. Pour ce qui est de la tenue du procès, il faut compter facilement un an et demi de délai pour seulement savoir quand ça aura lieu.

Présentement, la priorité d’Arthur Beterbiev est de se trouver un promoteur. Selon l’entente qu’il a avec son conseiller Al Haymon, celui-ci a un droit de regard quand au choix du nouveau promoteur. En terminant, il est important de souligner que peu importe quand aura lieu ce procès, le contrat se termine en juin 2018 et si l’on considère la clause de la dernière année d’option (un combat de championnat du monde dans le courant de la 4e année) le contrat se termine dans moins de 30 jours, soit le 8 juin prochain.

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