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La mort de David Whittom, une réflexion sur les commotions cérébrales
- Mis à jour: 29 mars 2018
Par Rénald Boisvert
Depuis le temps que je veux aborder la délicate question des commotions cérébrales, je ne pouvais pas choisir de pire moment que maintenant pour le faire. Ai-je suffisamment d’objectivité? Il aurait peut-être été préférable que j’attende un peu. Et puis non! Je fonce!
J’ai connu David Whittom le guerrier, mais aussi la personne pour avoir discuté à quelques reprises avec lui. En apprenant son décès, je me suis rappelé un trait de personnalité que je crois avoir décelé chez David dès les rangs amateurs. Aussi, depuis quelques jours, sans cesse tournait dans ma tête le mot «adrénaline». J’ai donc décidé de lire et réfléchir sur le sujet.
L’adénaline, l’hormone du stress
Lorsque le cerveau détecte une source de stress, il achemine dans l’organisme un message nerveux qui parvient jusqu’aux glandes dont la sécrétion libère l’adrénaline. Cette réaction permet alors de mobiliser tout l’organisme (le rythme cardiaque augmente, le cerveau et les muscles reçoivent plus d’oxygène, les pupilles se dilatent pour augmenter la vigilance, etc…)
En principe, l’adrénaline est une hormone fabriquée par l’organisme pour lui permettre de réagir en situation d’urgence (ex : menace, danger, affrontement, fuite, etc…). Pour la majorité des gens, cette réaction au stress provoque des sensations désagréables alors que pour une minorité de personnes, l’adrénaline procure au contraire des émotions stimulantes et même euphorisantes. On a noté que ces personnes, en l’absence d’adrénaline, se sentaient désœuvrées, abattues et même agitées ou irritées. Comme pour une drogue!
Il n’est donc pas étonnant que des études scientifiques proposent comme hypothèse que certains sports à risque soient considérés comme une dépendance. Par exemple, en Suisse, on aurait recensé au cours des dernières années environ 300 000 accidents de sport par an, dont 160 à 200 avec issue mortelle. En Suisse! Ce n’est donc pas une affaire strictement réservée à la boxe.
En fait, ce n’est même pas une question de sport. Ce serait plutôt une question de personnalité. D’ailleurs, si l’on se réfère à divers types d’excès (vitesse sur les routes, baignade dangereuse, combat en dépit de commotions cérébrales répétées), l’explication est la même. Et vous avez peut-être vous-même entendu cette explication de la bouche des accros de l’adrénaline : «j’ai besoin de ça pour me sentir vivant».
Un trop grand vide à combler
David Whittom avait pour passion la boxe. Celle-ci l’apaisait. C’était comme si une rage bouillonnait en dedans de lui, cette sorte de rage qu’il faut assouvir à tout prix, peu importe les conséquences. Ce qui est certain, c’est que David était pleinement conscient des risques qu’il courait en prolongeant la boxe au delà de ce qui était souhaitable. Mais rien ne pouvait le dissuader de continuer à boxer.
Au moment où j’ai appris le décès de David, j’ai ressenti comme un pincement au cœur. Ce fichu combat était prenable. Il pouvait remporter un titre. D’ailleurs, il était en avance selon la carte des juges au moment où l’arbitre a mis fin au combat. Il est pour moi évident que David n’aurait jamais laissé passer cette occasion, avec ou sans son équipe.
J’ai pensé à l’entraîneur, François Duguay. Il était pour David beaucoup plus qu’un entraîneur. Je me suis imaginé à sa place pendant toutes ces années où il a été dans son coin. Comme François, j’aurais refusé d’accompagner David dans les combats où il ne s’était pas bien préparé. Est-ce que je l’aurais accompagné jusqu’à la fin? J’ai discuté de cette question avec les entraîneurs autour de moi.
Pour Marc Rouisse, la réponse est simple : « avec ou sans François Duguay, David Whittom aurait pris le combat. Mais François était l’entraîneur qui connaissait le mieux David. Il aurait arrêté le combat si David avait été en difficulté au cours des premiers rounds. Un autre entraîneur, peut-être pas! Dans les circonstances, François Duguay était le bon entraîneur… »
Je me range derrière Marc Rouisse et tous ceux avec qui je me suis entretenu. François était l’ami de David. Il ne pouvait pas l’abandonner alors qu’ils s’étaient tous deux entendus pour effectuer un dernier tour de piste. On n’abandonne pas un ami!
L’adrénaline, le point de départ d’une réflexion sur les commotions cérébrales
Le besoin d’adrénaline existe sur un continuum de comportements, du plus anodin au plus pathologique, de la simple dépendance tout à fait réversible à la perte de contrôle de soi. Reconnaître le rôle de l’adrénaline comme étant un facteur qui détermine l’être humain est d’autant plus important que la recherche de sensations ne se limite pas à la prise de risque physique, mais peut s’étendre à des formes variables de dépendance (ex : risques financiers, jeux de hasard).
Lorsqu’il est question des commotions cérébrales, toute la place est généralement donnée aux conséquences sur le cerveau. On occulte alors la question de savoir ce qui pousse les sportifs à s’exposer à des risques. Pourtant, n’est-il pas manifeste que la recherche de sensations fortes fait partie de la problématique entourant les commotions cérébrales?
L’adrénaline est aussi appelée : « l’hormone guerrière ». Elle est cependant considérée comme une arme à double tranchant. Alors que l’adrénaline mobilise tout l’organisme pour combattre ou fuir une situation menaçante, en revanche, elle entraîne dans certains cas un sentiment d’euphorie pouvant être pathologique. Dans le cas des boxeurs, ne doit-on pas considérer une telle dépendance comme toute autre dépendance?
Conclusion
Les commotions cérébrales demeurent un sujet chaud. Les conséquences sont trop lourdes pour prendre ce sujet à la légère. Mais à quoi bon vouloir apporter des solutions à ce problème si on persiste à le traiter de façon incomplète? La question du besoin d’adrénaline, notamment lorsque ce dernier prend la forme d’une dépendance pathologique, semble échapper à une analyse globale et rigoureuse des commotions cérébrales.
Par conséquent, il ne suffit pas de simplement «condamner» les sports comportant une haut risque de commotions cérébrales. Un tel jugement est stérile et superficiel. Pour s’attaquer au problème des commotions cérébrales, ne faut-il pas aller au cœur de l’être humain, au plus profond de ce qui le pousse à se mettre en danger? S’il existe des solutions à ce problème, ne doit-on pas commencer par adopter un point de vue qui n’écarte aucun de ses éléments de réponse?
andre kid millette
29 mars 2018 at 18 h 35 min
UN texte qui vaut vraiment le temps de relire. Merveilleux Monsieur Boisvert!
Rénald Boisvert
31 mars 2018 at 0 h 07 min
Merci M. Kid Millette. Venant de vous, ce commentaire m’est particulièrement précieux…