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Eleider Alvarez contre Andy Gardiner: quelles seront les clés stratégiques et techniques du combat?

Par Martin Achard

Suite au désistement de Thomas Oosthuizen, l’adversaire originellement prévu pour Eleider Alvarez (13-0-0, 8 K.O.) le 18 janvier, le Groupe Yvon Michel a finalement retenu la semaine dernière la candidature du natif de Winnipeg Andy Gardiner (10-0-0, 6 K.O.) comme adversaire de remplacement. Ce choix a fait le bonheur de plusieurs amateurs, qui ont ouvertement manifesté leur appui à Gardiner sur les médias sociaux, pour trois principales raisons:

1) Les deux boxeurs sont jeunes, ambitieux, complètement dédiés à leur sport et actifs sur la scène québécoise. Or rien de mieux pour susciter l’intérêt et convertir de nouveaux amateurs de sport à la boxe qu’un combat entre deux «jeunes loups» locaux.

2) Dès l’annonce du désistement d’Oosthuizen, Gardiner (qui était déjà en camp d’entraînement pour un combat au début de février) s’est porté volontaire et a fait explicitement connaître son grand intérêt pour l’affrontement. Quoi qu’il advienne le 18 janvier, personne ne pourra donc remettre en question son degré de motivation et la qualité de son effort ou de sa préparation.

3) Le mélange des styles respectifs des deux combattants est idéal et donne presque toujours de bons combats. Alvarez est en effet, à la base, un boxeur classique, qui peut s’imposer dans le ring grâce à ses qualités techniques, alors que Gardiner possède toutes les caractéristiques d’un «pressure fighter». Il avance constamment et cherche à se battre à courte distance, en plus de frapper abondamment au corps et de tenter de dicter le rythme du combat en déployant un niveau d’énergie supérieur à son adversaire. Or plusieurs des plus grands duels de l’histoire de la boxe ont fait intervenir une confrontation entre ces deux styles, par exemple la célèbre trilogie de combats entre Muhammad Ali et Joe Frazier, ou le premier affrontement entre Julio Cesar Chavez Sr. et Meldrick Taylor.

Cela étant, quelles seront les clés de la victoire pour chacun des deux combattants? Les déterminants stratégiques et techniques d’un affrontement entre boxeur classique et «pressure fighter» ont l’avantage d’être clairs et bien définis, pour le bénéfice des amateurs qui voudront analyser et comprendre le déroulement du combat le 18 janvier. Les voici donc. Mes explications sont un peu plus fournies en ce qui concerne le «pressure fighter», car sa tâche s’avère, à certains égards, plus complexe; mais lorsqu’elle est bien exécutée, elle peut mener à de beaux succès, et ce, même contre des boxeurs extrêmement talentueux.

Alvarez, le boxeur classique, devra:

– Garder Gardiner le plus loin possible de lui et stopper son mouvement vers l’avant, en utilisant un jab lancé avec une certaine puissance, de même que de longues droites. En principe, le Colombien possède tous les outils pour appliquer cette stratégie, surtout qu’il possède naturellement une excellente force de frappe. Mais on se rappellera qu’à son dernier combat, contre Edison Miranda, il a fait fi des conseils répétés de son entraîneur, Marc Ramsay, et a laissé Miranda entrer à l’intérieur à plusieurs reprises, probablement parce qu’il avait envie, ce soir-là, d’échanger au corps-à-corps. Lors de ces échanges en position rapprochée, Alvarez a certes obtenu sa part de succès, mais d’un pur point de vue stratégique, il aurait prévalu plus aisément en gardant le combat à distance, tout comme il aura intérêt à le faire contre Gardiner.

– Ne pas laisser Gardiner le bousculer et le faire reculer. Il sera important pour Alvarez de demeurer le plus possible au centre du ring, et d’éviter de se faire acculer dans un coin ou dans les câbles, une position qui permettrait à Gardiner de laisser libre cours en attaque à son plus grand talent: bombarder son adversaire de crochets.

– Privilégier des déplacements latéraux ou circulaires, suivis immédiatement d’une frappe, s’il doit absolument se mouvoir pour éviter les charges de Gardiner, particulièrement si ce dernier a réussi à réduire la distance et se trouve déjà à l’intérieur.

Gardiner, le «pressure fighter», devra quant à lui :

– Lancer beaucoup de jabs lorsqu’il est à longue distance. Même si Gardiner ne possède sans doute pas un aussi bon direct de la main avant qu’Alvarez, il empêchera ce dernier de toucher trop facilement la cible avec son jab en utilisant lui-même cette arme, ne serait-ce que pour tenir son adversaire occupé en défensive et l’empêcher de trop prendre ses aises en attaque. Autrement dit, l’utilisation du jab permettra à Gardiner de limiter la domination d’Alvarez à longue portée, et de multiplier les occasions pour lui d’entrer à l’intérieur.

– Chercher à s’approcher en bougeant le plus possible la tête, de façon à complètement esquiver les coups de «Storm» qui, s’ils le touchent (même sur les gants par exemple), vont interrompre au moins momentanément son mouvement vers l’avant. Gardiner donne quelques beaux exemples d’esquives dans la vidéo ci-dessous, qui est particulièrement intéressante, car elle est tirée d’une séance de sparring entre lui et Alvarez.

Mais, selon moi, il devra faire une utilisation encore plus systématique et constante de techniques d’esquives samedi soir s’il veut non pas seulement survivre contre le talentueux Colombien, mais remporter des rounds, particulièrement en début de combat. Garder les mains hautes et privilégier avant tout la technique du «bouclier» – comme on voit Gardiner le faire à plusieurs reprises dans la vidéo –  ne suffiront pas pour atteindre cet objectif. Une approche à la Joe Frazier, dont Gardiner maîtrise certains éléments (voir sur ce point la fin de cet article), sera à privilégier.

– Lancer énormément de coups, dont beaucoup au corps, dès qu’il se retrouve à moyenne ou à courte distance. Il sera essentiel pour Gardiner de ne pas attendre le moment idéal pour frapper et de ne pas chercher à atteindre la cible parfaite (par exemple, le menton). Même des coups de puissance moyenne ou faible sur la poitrine, l’abdomen, les épaules ou les avant-bras gêneront les mouvements d’Alvarez en attaque et rendront beaucoup plus difficile pour lui d’accrocher afin de se tirer d’embarras en corps-en-corps. Forcer Alvarez à subir l’impact d’une grande quantité de coups au corps causera aussi de la fatigue chez lui, éventuellement.

– «Couper le ring», c’est-à-dire bloquer le chemin d’Alvarez, lorsque ce dernier se déplace vers sa gauche ou sa droite, par des déplacements latéraux et vers l’avant. Si Gardiner se contente de suivre Alvarez dans le ring, sans chercher à entraver son chemin, il ne pourra jamais l’acculer dans un coin ou dans les câbles, comme il a intérêt à le faire.

Je souhaite aux amateurs de bien apprécier le combat Alvarez-Gardiner samedi, qui possède tout le potentiel pour être l’un des plus enlevants de la soirée!

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