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La défensive, faut-il la valoriser ?

Note de la rédaction : En rappel, nous publions aujourd’hui avec plaisir un texte de notre collaborateur Rénald Boisvert. Ce texte a été initialement publié en 2017, mais il demeure toujours aussi intéressant et pertinent. Bonne lecture !

Par Rénald Boisvert

«Défensive ne rime pas avec spectacle!» C’est ce genre de réaction que le présent article pourrait déclencher chez plusieurs amateurs de boxe. En effet, il faut bien avouer qu’une défensive «étanche» est souvent associée à de l’anti-boxe. Or, tout en étant d’accord avec l’affirmation voulant que la qualité du spectacle ne doit jamais être compromise par un quelconque type de défensive, il convient ici d’apporter certaines nuances; car ce ne sont pas toutes les sortes de défensives qui font ombrage au spectacle. Bien au contraire, certaines d’entre elles vont même l’enrichir. Aussi, c’est dans cette perspective que je compte aborder le présent article.

Ceci dit, la question qui se pose ensuite est de savoir ce qu’est une excellente défensive de ce point de vue. Aussi, dans le présent article, je me propose d’identifier les principes de base qui vont garantir tant les aspects spectaculaires que sécuritaires d’une défensive. Puis, dans un prochain article, je tenterai alors de dégager une approche pédagogique ayant pour but d’en faciliter l’apprentissage chez les jeunes boxeurs. Sur ce sujet, il y a beaucoup à dire.

Mais d’abord, je tiens à relever l’existence d’une méprise fort répandue en ce qui concerne la défensive. Je réfère ici à ces boxeurs réputés pour leurs exploits offensifs, mais dont les qualités défensives sont injustement ignorées. En particulier, l’un d’eux me paraît se démarquer à ce niveau et ce, au point où la qualité de sa défensive pourrait même servir de modèle pour nos jeunes boxeurs.

Roberto Duran

Parmi les boxeurs qui ont monté de catégorie de poids au cours de leur carrière, Roberto Duran m’apparaît comme étant l’un des plus marquants. À 27 ans, il était encore champion des poids légers. À cet âge, ayant déjà complété pour l’essentiel sa maturation physiologique, Duran débutait donc tardivement son ascension à travers les divisions de poids. Ne doit-on pas prendre en considération ce fait lorsque vient le temps de comparer les meilleurs boxeurs de tous les temps?

Malgré tout, chez Roberto Duran, ce désavantage au niveau du poids était largement compensé par ses qualités offensives dont la fougue a contribué à créer son immense popularité. Mais derrière les aspects bouillants et explosifs de ce bagarreur, se dissimulait une défensive tout aussi prodigieuse. En effet, plus que tout autre boxeur porté sur l’attaque, Roberto Duran disposait d’une défensive que je qualifie ici de «complète» et de «multifonctionnelle». Si on la compare à celle d’autres grands boxeurs comme Mike Tyson et Muhammad Ali, dont les qualités défensives étaient très efficaces, mais unidimensionnelles, celui qu’on surnommait «le boxeur aux mains de pierre» possédait quant à lui une défensive beaucoup plus étendue au plan technique.

On se surprendra peut-être que mon choix se soit porté sur Roberto Duran dans le but de proposer un modèle à suivre. Ce choix a quelque chose de provocateur. Vu que Duran demeure l’un des boxeurs les plus offensifs de tous les temps, comment peut-il se retrouver également parmi les plus grands au niveau défensif? Bien sûr, d’autres boxeurs pourraient également servir de modèle. Mais très peu de pugilistes peuvent autant que Roberto Duran combiner «spectacle» et «défensive multifonctionnelle». En le préférant à tout autre grand pugiliste, je voulais souligner le fait que ces deux facettes de la boxe ne devaient pas être considérées comme étant irréconciliables.

Aussi, au plan technique, il vaut la peine d’observer méticuleusement ce boxeur originaire du Panama pour découvrir chez lui une défensive marquée par ses aspects hautement méthodiques et astucieux. Pour bien en saisir toute l’étendue et la profondeur, je vous invite donc à regarder la portion «défensive» de la vidéo qui suit :

Voyons maintenant ce que signifie une excellente défensive, c’est à dire une défensive dont les caractéristiques techniques assurent le maximum de sécurité pour les boxeurs sans en compromettre les aspects spectaculaires.

Au niveau technique

À la base de tout développement, je suis d’avis que les jeunes boxeurs devraient posséder une certaine maîtrise de l’ensemble des formes de défensive, puis reconnaître le fait que l’efficacité de chacune d’elles est toute relative. Aussi, je trouve cela dommage lorsqu’un jeune pugiliste se limite à l’apprentissage d’un seul type de défensive. C’est comme si le recours à ce seul moyen de défense pouvait suffire en toutes situations. Selon ce point de vue, certains vont donner toute l’importance aux esquives (ce sont les plus présomptueux), alors qu’à l’autre bout du spectre, d’autres vont plutôt opter pour la défensive bouclier (ce sont les moins ambitieux). Tandis que les esquives apparaissent spectaculaires, mais risquées, il en est tout autrement pour la défensive bouclier (les deux mains et avant-bras couvrant toute la figure), laquelle s’avère sécurisante, mais terne et rebutante.

Pour ma part, aucune forme de défensive en particulier ne peut à elle-seule résoudre adéquatement tous les problèmes posés par une attaque de qualité. Par conséquent, je suis plutôt en faveur d’une approche multifonctionnelle, selon laquelle non pas une, mais l’ensemble des diverses sortes de défensive demeurent disponibles et adaptables suivant les circonstances d’un combat. Dans cette optique, utiliser le bon moyen de défense est certainement d’ordre stratégique; mais ceci dit, il ne faut pas en négliger les aspects techniques. Pour ce faire, le jeune boxeur doit déployer les mêmes efforts afin de maîtriser les moyens de défense que ceux qu’il a accomplis en vue de développer l’attaque. Quant à l’entraîneur, son rôle auprès du boxeur se résume pour l’essentiel à assurer cette diversité d’apprentissage. Hélas! Sur ce point, en tant que directeur de stage pour Boxe-Québec, je constate que peu d’entraîneurs enseignent l’attaque et la défensive avec le même soin.

Un coffret à outils bien garni

De façon générale, il est reconnu qu’à moyenne et longue portée, un boxeur a intérêt à privilégier les esquives et les parades, alors qu’à courte distance, il doit faire preuve d’une plus grande prudence en utilisant également, sinon davantage les blocages.

Cependant, il faut garder à l’esprit cette autre règle de base selon laquelle il convient de diversifier la défensive. Ainsi, «varier» les moyens de défense est aussi essentiel qu’utiliser un grand nombre d’enchaînements offensifs. En d’autres mots, le boxeur ne doit pas être plus prévisible en défensive qu’il ne l’est en attaque. Non seulement il convient de considérer les différentes sortes de défensive en fonction du rôle que chacune d’elles peut remplir selon les circonstances, mais aussi en fonction de leur interchangeabilité. L’objectif étant de profiter de l’effet de surprise, l’adversaire ne doit pas pouvoir anticiper ce qui l’attend.

Par conséquent, attention aux gestes répétitifs! Par exemple, la défensive «bouclier» devrait être restreinte aux situations où le boxeur veut se donner un répit, soit pour reprendre son souffle, soit parce qu’il est en difficulté. Ce boxeur pourrait également l’utiliser afin de tendre un piège; ce qui importe dans tous les cas, c’est que le recours à ce type de défensive demeure limité. À défaut, ce serait la qualité du spectacle qui en souffrirait le plus. Mais en fait, aucun jeune boxeur ne devrait adopter un mode répétitif en défensive et risquer de se laisser prendre à son propre piège. Dans ce cas, ce serait également l’efficacité qui serait menacée.

Enfin, puisqu’il est question à la fois d’efficacité et de spectacle, je crois que l’entraîneur a pour rôle d’apprécier la valeur des différents moyens de défense en fonction des opportunités de contre-attaque que ceux-ci sont susceptibles de créer tout au long d’un combat. Ainsi, dans le but de suivre la progression d’un jeune athlète, je suggérerais aux entraîneurs de comptabiliser lors des séances de sparring le nombre de fois où cet athlète a saisi l’occasion de contre-attaquer par rapport au nombre de fois où il en a été incapable. L’objectif recherché est ici d’améliorer graduellement ce ratio impliquant le lien entre la défensive et la contre-attaque.

Or, je m’empresse ici d’ajouter que ce ratio pourrait encore davantage s’améliorer chez le jeune athlète qui parviendrait à varier les divers moyens de défense. De cette manière, il augmenterait les opportunités de prendre au dépourvu ses partenaires d’entraînement tout en réduisant les occasions où il se rendrait lui-même prévisible. D’ailleurs, je crois que l’une des bonnes façons d’amener le jeune boxeur à considérer l’importance de l’amovibilité des moyens de défense est qu’il s’en convainque par lui-même. Mais encore faut-il d’abord que l’entraîneur y croie!

Conclusion

Tout compte fait, il demeure que l’apprentissage d’une défensive multifonctionnelle doit passer par la valorisation de celle-ci. Car trop souvent, le jeune athlète voudra imiter un boxeur vedette dont la défensive en apparence exemplaire s’avère dans les faits inapplicable aux débutants. Qu’il s’agisse par exemple de Floyd Mayweather Jr ou encore de Roberto Duran, peu importe, il m’apparaît tout à fait naturel qu’un boxeur modèle soit une source d’inspiration et un objectif à atteindre pour ce jeune boxeur. Mais de là à l’imiter sans nuance, il y a un gouffre encore trop grand qui le sépare du «maestro».

Par conséquent, il est du devoir de l’entraîneur de tout essayer pour amener les athlètes, du moins au début de leur apprentissage, à suivre une progression qui soit adaptée à leur stade de développement. Poursuivant cet objectif, je souhaite d’ailleurs apporter ma propre contribution. Ainsi, dans un prochain article, je suggérerai une approche pédagogique visant à simplifier l’apprentissage de la défensive chez les jeunes boxeurs. Notamment, je compte alors proposer un «ordre d’enseignement» des divers moyens de défense. Or, cette proposition risque de choquer et même d’en éclabousser quelques uns. Mais comme l’enjeu n’est pas négligeable, j’irai de l’avant…

2 Comments

  1. Normand

    21 juillet 2017 at 8 h 18 min

    Kudo! Merci Rénald

  2. Pingback: Pour une défensive méthodique : une marche à la fois

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