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L’accrochage, une plaie qui ronge la boxe
- Mis à jour: 31 mai 2018
Par Rénald Boisvert
Dans un combat de boxe, accrocher l’adversaire est interdit. Alors comment se fait-il que cette faute soit tolérée par la grande majorité des arbitres? Bien sûr, il y a des avertissements. Mais ce ne sont en réalité que de vains simulacres qui donnent rarement lieu à de réelles sanctions. Est-ce là une forme d’hypocrisie? Ou tout simplement, une quelconque velléité?
Dans son combat contre Onolunose, Francis Lafrenière a dû composer avec la frustration d’être sans cesse accroché. Une frustration partagée par ses fans! La question qui se pose : l’accrochage a-t-il eu un effet sur l’issue du combat?
Je vais m’efforcer ici d’être pragmatique. Si je dénonce l’accrochage avec autant de vigueur, ce n’est pas seulement pour en soulever les effets négatifs sur l’issue des combats et sur la qualité du spectacle. C’est plus que cela. Il y va de l’évolution même de nos jeunes boxeurs. Et oui, déjà dans les rangs amateurs, l’accrochage s’est installé comme quelque chose de banal. Pourtant, cet état de fait s’avère grandement préjudiciable au développement de nos jeunes talents. Voyons cela plus en détail.
Pourquoi l’arbitre doit-il sévir ?
Imaginez que l’arbitre adopte un comportement sévère à l’égard des jeunes boxeurs amateurs. Dès la première occasion où l’un des pugilistes tenterait de retenir l’adversaire, l’arbitre indiquerait alors au fautif qu’il ne tolérera plus cette infraction. S’il y a récidive, sans attendre, l’officiel sévirait en indiquant au boxeur qu’un point lui est enlevé. À cette occasion, l’arbitre rappellerait au jeune boxeur que trois récidives entraîneront automatiquement sa disqualification. C’est comme ça que l’arbitrage devrait se dérouler.
À prime abord, une telle pression de l’arbitrage sur le jeune boxeur peut paraître exagérée. Mais en fait, cette pression obligerait les contrevenants à s’adapter. Je vous assure que l’éventualité (réelle) que le jeune athlète soit disqualifié l’amènerait à modifier son comportement. Au lieu d’accrocher, celui-ci développerait d’autres manières de se tirer d’embarras. Cela pourrait être le jeu de jambes que le pugiliste améliorerait pour éviter l’accrochage. Il pourrait également développer sa boxe à courte portée. Dans tous les cas, il suffit de faire confiance aux qualités d’adaptation de nos jeunes boxeurs.
Chez les amateurs, un affrontement ne dure pas plus que trois rounds. Malgré cela, certains boxeurs vont combattre sans une préparation adéquate. C’est l’une des causes expliquant l’accrochage. Ce qui est dommage, c’est que cela peut devenir pour ceux-ci une mauvaise habitude. Ces boxeurs vont alors se priver eux-mêmes de développer de nouveaux outils de travail. C’est tellement plus simple d’accrocher!
Mais l’accrochage peut aussi être stratégique. Cela se résume à : frapper et retenir. Ce stratagème est souvent efficace, mais injuste pour l’adversaire dont les qualités pugilistiques se trouvent radicalement étouffées. Par ailleurs, il en sera tout autrement pour le boxeur-guerrier. En réponse à l’accrochage, celui-ci réagira violemment pour se dégager. Peut-on reprocher à ce jeune guerrier d’utiliser tous les moyens nécessaires pour se défaire de l’emprise? Souvent, la situation dégénérera. Mais comment ne pas comprendre la frustration du combattant qui se voit de la sorte immobilisé par l’obstruction, répétons-le illégale, d’un adversaire agissant en toute impunité?
En somme, l’accrochage s’avère néfaste pour tous les jeunes boxeurs, y compris pour ceux qui l’utilisent. Sans en être toujours conscients, ces athlètes se trouvent à renoncer à leur propre développement. Ils s’enlisent alors dans une sorte d’accoutumance qui gangrène leur apprentissage et celui des boxeurs qu’ils affrontent.
Par ailleurs, exceptionnellement, il existe certaines situations où accrocher l’adversaire est justifié, notamment pour des raisons de sécurité. Dans ces cas, l’arbitre doit s’abstenir de sévir à l’encontre de l’accrochage et faire preuve de vigilance afin de reconnaître les situations où l’un des boxeurs est en danger.
La discrétion de l’arbitre
Un combat de boxe, même amateur, peut tourner au cauchemar pour l’un des pugilistes. Dans l’espace d’un instant, ce boxeur devient alors vulnérable et n’a pas d’autre choix que d’accrocher pour éviter de trop grands sévices. Dans un tel cas, l’arbitre va séparer les boxeurs tout en fixant du regard celui qui paraît en difficulté. En boxe amateur, l’arbitre pourra donner un compte de huit à ce boxeur sans par ailleurs enlever un point. C’est qu’un compte de huit n’octroie aucun point en boxe amateur (ni même lors d’une chute au plancher contrairement à la boxe professionnelle).
Dans un tel cas, l’arbitre exerce son pouvoir (discrétionnaire) aux fins de juger de la capacité ou de l’incapacité du boxeur à se défendre adéquatement. L’arbitre a alors pour objectif de protéger le boxeur amateur. Mais il ne doit pas détourner l’exercice de ce pouvoir en agissant avec mollesse. Il faut se rendre à l’évidence : accrocher équivaut à refuser de combattre. Dans de tels cas, l’arbitre ne devrait pas négliger «sans raison» de sévir.
Bien sûr, il y a bien d’autres occasions où l’arbitre peut utiliser sa discrétion afin de s’abstenir de sanctionner l’accrochage. Par exemple, dans certains cas, ce sont les bras des boxeurs qui se sont emmêlés lors d’un échange corps-à-corps. À d’autres moments, un seul bras est coincé par l’adversaire. Si ce n’est pas intentionnel, alors l’arbitre intervient, mais sans sanctionner. Si au contraire, le geste est intentionnel, l’arbitre doit en principe sévir.
Cependant, chez les professionnels, je dois dire que j’aime bien l’attitude d’un certain nombre d’arbitres face à ces situations où un boxeur coince intentionnellement l’un des bras de l’adversaire : tout en intervenant à l’endroit du fautif, ces arbitres laissent l’adversaire répliquer avec la main qui est libre afin de se défaire de l’emprise. Ce type d’arbitrage envoie un message clair au contrevenant. C’est comme si l’arbitre disait : « tu ne peux pas utiliser l’accrochage comme tactique; je vais t’empêcher d’en profiter, mais je n’empêcherai pas ton adversaire de tenter de se dégager ».
Dans la vidéo qui suit, Kovalev retient l’un des bras de Ward. Vous observerez que l’arbitre n’intervient pas pour empêcher Ward de se défaire de l’accrochage en frappant avec l’autre main (la gauche) qui est libre.
Ce type d’arbitrage peu interventionniste me semble très intéressant pour contrer l’accrochage. Mais est-il applicable en boxe amateur? Il ne l’est certainement pas dans le cas des débutants. Cependant, je crois qu’il est applicable à l’égard des boxeurs expérimentés, par exemple les seniors ayant accumulé dix combats et plus. De toutes façons, en ce qui concerne les jeunes boxeurs amateurs, l’arbitrage devrait consister à intervenir et sanctionner dans le but d’engendrer de meilleurs boxeurs amateurs.
Enfin, un dernier point! Je vais peut-être en surprendre quelques-uns en affirmant ici que le jeune boxeur doit tout de même apprendre à maîtriser les diverses techniques d’accrochage. Cela peut paraître contradictoire, mais en fait, il n’en est rien. Lorsqu’il est question de sécurité, je n’ai aucune hésitation. Bien au contraire. La priorité est toujours la protection du boxeur. Cependant, retenir et accrocher l’adversaire efficacement n’est pas aussi simple qu’il y paraît. D’ailleurs, on parle de l’art du «clinch» Un apprentissage technique s’impose donc. C’est pourquoi je recommande à tous les jeunes pugilistes de s’y mettre sérieusement.
Au cours d’un tel apprentissage, l’entraîneur doit cependant veiller à ce que la pratique d’une bonne technique d’accrochage ne se transforme pas en une mauvaise habitude de combattre. Sous la supervision éclairée de l’entraîneur, le boxeur risque moins de céder à la tentation d’accrocher par facilité.
Conclusion
Vous avez certainement compris que ce ne sont pas tous les types d’accrochage que je dénonce ici. En fait, je pointe du doigt seulement ceux qui ne sauraient être justifiés. Cependant, les types d’accrochage qui sont répréhensibles ne disparaîtront pas en criant lapin! En tant qu’entraîneurs, nous devons donc agir en première ligne pour provoquer des changements de comportement chez les boxeurs. Et c’est notamment au cours des sparrings (combats d’entraînement) où nous pouvons amener nos athlètes à diminuer le recours à l’accrochage.
Mais en plus, il faudrait bien obtenir de la part de l’arbitrage un certain resserrement des situations où l’accrochage peut être toléré. Sans cette intervention, beaucoup d’entraîneurs continueront à négliger et parfois même, favoriser l’accrochage. Il importe donc que les arbitres réalisent à quel point ils peuvent influencer la manière dont les boxeurs se comportent dans un ring de boxe. La solution au problème de l’accrochage se trouve d’abord entre leurs mains!