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Lemieux-Stevens : Rénald Boisvert répond à nos questions
- Mis à jour: 7 mars 2017
Par Jean-Luc Autret
En vue de Lemieux-Stevens, les entraîneurs Rénald Boisvert aujourd’hui, et François Duguay demain, répondent à nos nombreuses questions techniques pour nous apporter un point de vue différent à ce combat.
12 Rounds : Ce duel se discute depuis longtemps, est-ce que le travail d’un entraîneur est véritablement facilité quand son boxeur est hautement motivé par son prochain défi?
Rénald Boisvert : Motiver le boxeur fait partie du travail de l’entraîneur. Ainsi, lorsqu’un boxeur est motivé par son prochain combat, le travail de l’entraîneur s’en trouve énormément facilité. La motivation donne un regain d’énergie à ce boxeur et l’entraîneur n’a pas besoin de le motiver. Par contre, certains boxeurs peuvent être tellement motivés qu’ils vont vouloir en faire trop. Il y a alors danger de surentraînement. Par ailleurs, d’autres boxeurs peuvent être très motivés, mais trop confiants. L’entraîneur doit donc demeuré perspicace pour éviter d’éventuelles dérives.
12 Rounds : La situation de Stevens a changé depuis ses deux derniers combats avec un nouvel entraîneur (John David Jackson) et une nouvelle équipe. À quel point l’équipe de Lemieux doit-elle faire abstraction du parcours de Stevens avant mai 2016?
Rénald Boisvert : Je ne crois pas que l’équipe de David Lemieux va faire abstraction de cette longue période de temps qui a bâti Curtis Stevens. John David Jackson n’a pas pu apporter d’énormes changements dans un temps aussi court. De plus, Stevens n’est plus un jeune boxeur capable de modifier son style. Il est ce genre de boxeur plutôt unidimensionnel. Par ailleurs, certains petits ajustements seront sûrement apportés, notamment pour contrer le crochet de David, par exemple pivoter du coté opposé. Également, Jackson pourrait demander à Stevens de contre-attaquer vigoureusement lorsque David lance sa droite, vu qu’il lui arrive d’être en déséquilibre dans ces moments.
12 Rounds : Dans le même sens, considérant le changement d’entraîneur de Stevens, est-ce utile de comparer les performances des deux boxeurs contre Golovkin et N’Dam?
Rénald Boisvert : Contre Golovkin, Stevens est demeuré assez statique et lorsqu’il a tenté d’échanger à l’intérieur, cela a été extrêmement difficile pour lui. Quant à David, c’est plutôt la »distance » qu’il n’a pu contrôler. Il n’y a donc dans ces cas rien de concluant. Mais contre N’Dam, le coté très statique de Stevens est apparu marquant. Il a éprouvé beaucoup de mal à couper le ring. À ce niveau, sans disposer d’un excellent jeu de pieds, David est plus habile que Curtis Stevens quant à se déplacer efficacement. Ceci procure un certain avantage pour David afin de lui permettre d’utiliser au besoin les »in and out ».
12 Rounds : Tout comme Curtis Stevens, David Lemieux s’est fait touché à de nombreuses reprises face à Golovkin il y a un an et demi. Après un tel combat, croyez-vous qu’un boxeur doit avoir quelques défis de moindre envergure pour se rebâtir?
Rénald Boisvert : En principe, je dirais oui. Mais c’est une question d’ordre psychologique. Certains boxeurs ont besoin de rebâtir leur confiance. D’autres n’en ont pas besoin. Mais un promoteur ou un entraîneur peut vouloir ne courir aucun risque et donner un ou deux combats de moindre envergure avant de le retourner dans un combat d’importance. Mais il ne faut jamais présumer que c’est nécessaire pour tous les boxeurs. Certains peuvent reprendre aussitôt avec la même confiance inébranlable.
12 Rounds : À l’époque, Hopkins et De la Hoya ont reproché au clan Lemieux de ne pas avoir de plan clair ou de stratégies pour Golovkin. En avez-vous une stratégie à suggérer pour affronter Stevens?
Rénald Boisvert : D’abord, relativement à ce reproche de Hopkins et De La Hoya, je me demande si ces deux grands personnages de la boxe avaient bien réfléchi à la question. Peut-être étaient-ils aveuglés par la possibilité (plutôt irréaliste) que David remporte ce combat. Ce n’est donc pas parce que Hopkins et De la Hoya n’ont pas vu de stratégies qu’il n’y en avait aucune. En fait, ils auraient dû se rendre compte que la stratégie n’a tout simplement pas fonctionné. Tout le mérite revenait à Golovkin. Par contre, c’est très différent lorsqu’il s’agit d’affronter Stevens qui n’a pas cette qualité (comme Golovkin) de contrôler parfaitement la distance. Ainsi, David pourra s’amener à l’intérieur et ressortir à son gré. Il aura l’opportunité de dicter l’allure du combat. Il s’agira ainsi pour lui de mettre de la pression tout en ne s’acharnant pas sur de trop longues combinaisons de manière à éviter une fatigue prématurée. Choisir ses coups et surprendre Stevens devraient très bien fonctionner pour David.
12 Rounds : Dans le sens inverse, quel approche favoriserez-vous si vous étiez l’entraîneur qui prépare son boxeur pour affronter David Lemieux?
Rénald Boisvert : Curtis Steven aurait intérêt à former une sorte de barricade avec ses bras dans le but de se munir d’une garde étanche et de ne pas laisser passer les coups puissants de David. Ainsi, Stevens doit attendre le bon moment pour contre-attaquer. La patience sera donc cruciale pour Stevens au cours de la première partie du combat pour espérer prendre avantage ensuite d’une éventuelle baisse de régime de la part de David.
12 Rounds : Un camp d’entraînement comprend de nombreux rounds de sparring. Considérant que l’on affronte un cogneur, comment gère-t-on les séances d’entraînement pour éviter que notre boxeur se fasse frapper fréquemment?
Rénald Boisvert : Pour un entraîneur, affronter un cogneur demande de faire quelques petites adaptations dans le camp d’entraînement. D’abord, il faut savoir dans quel contexte le boxeur cogne le plus, et dans quelle situation sa force de frappe peut être réduite. Souvent c’est le cas lorsque le cogneur se retrouve sur les talons, c’est à dire dans une position où il n’est pas confortable pour exécuter ses coups. Dans le cas de Curtis Stevens, comme il est généralement large dans ses combinaisons de coups, David voudra entrer ses propres coups de poing dans les ouvertures laissées par les coups larges de Stevens. Le travail de l’entraîneur sera alors de demander à David de ne pas »se précipiter », de choisir ses coups. Ici, il faut savoir que le blocage d’un coup de poing, si ce blocage est bien exécuté, n’est pas différent que le coup provienne d’un cogneur ou non; par ailleurs, si on n’a pas vu venir ce coup, alors là, l’impact pourra être extrêmement dommageable dans le cas d’un cogneur.
12 Rounds : David Lemieux a souvent eu de la difficulté à faire la limite à 160 livres, croyez-vous qu’il va passer bientôt chez les super-moyens?
Rénald Boisvert : Je ne suis pas dans les secrets des dieux. Mais c’est certain que l’option de passer chez les super-moyens a été envisagée (ou le sera bientôt). Par ailleurs, je suis certain que l’équipe de David examine soigneusement toutes les options. Lorsqu’un boxeur a de la difficulté à faire le poids, mais qu’il tient à faire partie de cette catégorie, alors les sacrifices sont grands et le risque d’affaiblissement guette le boxeur. S’il choisit de monter de catégorie de poids, alors la question sera de savoir si le boxeur transportera le même niveau de puissance, de vitesse et d’explosivité. Plusieurs boxeurs ont perdu ces trois caractéristiques en montant de catégorie.
12 Rounds : Ces deux boxeurs sont reconnus pour être des cogneurs, outre les coups de puissance, qu’est-ce que l’on doit surveiller?
Rénald Boisvert : La puissance est une chose; l’habileté à appliquer la puissance est autre chose. Alors que l’une est trompeuse, la deuxième ne ment pas. Ainsi, le boxeur qui possède la puissance seule (sans être accompagnée d’habiletés) ne peut compter que sur la possibilité d’un »lucky punch ». Pour ce qui est de David Lemieux, son crochet de gauche est court et appliqué sans prévenir. Son habileté à lancer ce coup dépasse de loin celle de la plupart des boxeurs, incluant Curtis Stevens. De plus, David aura de la facilité à s’approcher de Stevens; mais il devra quand même gérer la distance pour doser ses attaques et éviter une fatigue prématurée. Car Stevens pourrait appliquer une défensive fermée dans le but d’épuiser David et d’attendre les occasions de répliquer.
12 Rounds : Malgré que Stevens soit plus petit, sa portée est supérieur d’un pouce et demi. Est-ce que cet aspect est important à considérer dans un duel de cogneurs?
Rénald Boisvert : Je ne crois pas que la portée soit un élément à considérer dans ce combat, compte tenu que chacun a l’habitude de combattre à l’intérieur. Comme ce ne sont pas de jeunes boxeurs, je ne m’attends pas à ce que l’un d’eux apporte un changement dans sa façon de combattre.
12 Rounds : Est-ce possible de croire que ce combat se rende à la limite?
Rénald Boisvert : Ce serait très étonnant, mais pas impossible. Si ces boxeurs traversait le huitième round, ils pourraient voir leur force de frappe diminuée. Et lorsque les cogneurs viennent à penser qu’ils ne parviendront pas au knockout, alors il arrive qu’ils renoncent à prendre plus de risque. Par ailleurs, je peux affirmer avec certitude que dans la première partie du combat, David et Curtis Stevens vont tout tenter pour parvenir au knockout.
12 Rounds : À quoi doit-on s’attendre comme combat?
Rénald Boisvert : Je pense qu’on doit s’attendre à un début de combat où chacun voudra tester les qualités mentales de l’adversaire. Un combat entre deux cogneurs est souvent une bataille de coq. Mais au fur et à mesure que le combat avancera, Curtis Stevens devrait se résoudre à devenir plus patient et opportuniste. Tant qu’à David, l’objectif premier sera d’y aller pour le ko. Mais au delà d’une certaine limite, David devrait gérer ses énergies dans le but d’en économiser pour le cas où le combat s’étirait quelque peu. Car il se peut que les occasions de knockout se présente également en milieu de combat.
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