Portrait d’entraîneur : Marc Ramsay

Par Jean-Luc Autret

Amateur de boxe depuis une vingtaine d’années, j’ai le plaisir d’écrire sur le noble art depuis près de dix ans. À travers ces nombreuses années, je ne compte plus les multiples discussions que j’ai eues avec des entraîneurs. Il s’agit toujours de moments privilégiés qui me sont forts instructifs et qui m’apportent des points de vue très intéressants sur ce sport passionnant.

Dans ce sens, il me fait plaisir d’entamer une nouvelle série d’articles qui vous permettra de mieux connaître les entraîneurs de boxe d’ici. Le premier de cette longue série, se distingue par ses succès à l’international (Pascal, Lemieux, Alvarez, Beterbiev), mais aussi par sa capacité unique de travailler autant avec le Groupe Yvon Michel qu’avec les gens de Eye of The Tiger Management et d’InterBox. Vous l’aurez deviné : portrait de Marc Ramsay.

Son mentor : Abe Pervin

Originaire de Rouyn-Noranda, Marc a fait ses premiers pas au défunt club Eklo au Cap-de-la-Madelaine alors qu’il a 15 ans. Sa « carrière » de boxeur se résume à 15 combats amateurs (7-7 et un combat d’exhibition) étalés sur environ cinq ans.

Son premier entraîneur est Denis Hince, pour ceux qui l’ignorent, il s’agit du moustachu que l’on peut apercevoir dans le coin de Simon Kean. À 16 ans, Marc se retrouve pour la première fois dans un coin comme assistant à Jonquière alors qu’il accompagne le boxeur Éric Gendron entraîné par Denis Hince. En face d’eux se trouve le champion canadien Christian Gagnon, qui l’emportera, et son assistant-entraîneur de l’époque était un certain Stéphan Larouche !!!

Vers l’âge de vingt ans, après un passage dans l’Ouest canadien, Marc habite maintenant à Montréal et il s’entraîne sous la supervision du vénérable Abe Pervin. L’entraineur de l’équipe canadienne aux Olympiques de Montréal constate que le jeune homme est passionné par ce sport et l’initie progressivement au « coaching ».

« C’est vers 20 ans que j’ai commencé à entraîner, au début je boxais et j’entraînais en même temps. C’est Abe qui a remarqué ma passion pour la boxe et qui m’a dirigé vers le « coaching », puisque je n’avais pas les aptitudes pour faire une carrière de boxeur. J’ai eu le plaisir de travailler avec lui pendant cinq-six ans et encore aujourd’hui on se parle tous les mois » nous raconte celui qui est entraîneur depuis 24 ans.

Un monde en continuelle évolution

Bien que Marc Ramsay évolue depuis plus de deux générations dans le monde de la boxe, il est conscient que rien n’est à acquis. « À travers mes années chez les amateurs, j’ai connu de nombreux changements qui modifient les stratégies et les façons de boxer. Sur la scène de la boxe amateur internationale, nous sommes passés des 3 minutes de 3 rounds, de 5 minutes de 2 rounds, de 4 minutes de 3 rounds à de 4 minutes de 2 rounds, avec casques, sans casques, avec des pointages à l’ordinateur ou à la main. Nous devions quasi annuellement revoir notre approche technique », explique-t-il.

De 2000 à 2004, puis en 2010, il est entraîneur sur l’équipe nationale de Boxe Canada. Parmi les grandes compétitions auxquels il a participé, on peut nommer les Jeux du Commonwealth à deux reprises, les Jeux panaméricains, plusieurs championnats continentaux, une coupe du monde et bien sûr les Jeux d’Athènes en 2004 lors de la présence de Jean Pascal aux Olympiques.

Côté professionnel aussi, Marc Ramsay a constaté aussi bien des changements depuis une vingtaine d’années. « Quand j’ai commencé chez les pros, les boxeurs restaient beaucoup plus longtemps à l’intérieur. Aujourd’hui, les gars utilisent beaucoup plus leurs jambes, comme Lomachenko qui est sur le bout de ses pieds pendant 12 rounds », ajoute celui qui espère que ses plus grandes réalisations sont plus devant lui que derrière lui.

« Le métier d’entraîneur ne stagne jamais. Il y a toujours un jeune entraîneur qui arrive avec une nouvelle idée brillante qui change les façons de faire. Le jour que tu arrêtes d’avoir les yeux ouverts, tu es mort !!! Il y a toujours des modes, la thèse, l’antithèse et la synthèse. Par exemple, le style de Golovkin de bloquer avec la main avant c’était enseigné il y a bien des années, il le fait tellement bien que c’est revenu à la mode. Peut-être qu’un jour le style de Tyson, le peek-a-boosera de nouveau la saveur du jour. Personnellement, j’essaie de travailler le plus possible avec les forces et les habilités de mes boxeurs », reconnaît celui qui a complété la longue formation à Cuba de la Pan American Sports Organizations ainsi que le niveau 3 au niveau canadien.

Toujours le même but pour Marc Ramsay

Peu importe le boxeur, Marc Ramsay a le même objectif : l’amener jusqu’au bout, qu’il devienne champion du monde. « Le travail de développer un jeune jusqu’au plus au niveau professionnel comme je l’ai fait avec Jean Pascal demande un travail incroyable. J’ai beaucoup de respect pour ce que les entraîneurs amateurs font. Aujourd’hui, je n’ai plus la patience pour faire le parcours amateur avec un jeune. Mon plus grand plaisir maintenant c’est de prendre un boxeur comme Christian Mbilli et de le partir chez les pros en m’assurant de son développement et sa transition », affirme celui qui s’occupe actuellement d’Eleider Alvarez, Artur Beterbiev, Oscar Rivas, David Lemieux et Christian Mbilli.

« Selon le style du boxeur, on a plus ou moins d’ajustements à faire. Ma méthode est d’aiguiser ses forces et de couvrir ses lacunes. Un entraîneur peut passer trop de temps à essayer de corriger des lacunes …tout en restant conscient de ces faiblesses et tenter de les corriger , je préfère m’attarder à perfectionner les forces et imposer le style de mon boxeur , ça me permet d’être toujours pro- actif et non réactif dans une stratégie », ajoute-t-il.

Comment vivre avec une défaite?

À travers les années, c’est inévitable que l’un ses protégés doit faire face à une défaite, une réalité beaucoup plus présente chez les amateurs que chez les professionnels. Comment Marc Ramsay accompagne ses boxeurs dans ces moments difficiles à vivre ?

« Heureusement, ça n’arrive pas trop souvent. Il y a plusieurs aspects, autant technique que psychologique, comment récupérer d’une défaite et en retirer des informations pour en faire quelque chose de positif. Si la structure, la méthode que l’on utilise est toujours la même, la réaction du boxeur elle n’est jamais la même. Donc, on doit s’adapter à lui, selon comment il vit ça, selon le type de défaite aussi », affirme-t-il.

Sa relation avec ses boxeurs

Dans l’histoire de la boxe, nous avons vu bien des entraîneurs être très proches de leurs boxeurs au point de parfois remplacer leur père en devenant leur tuteur ou encore être effectivement leur géniteur. Quel type d’approche Marc Ramsay favorise-t-il avec ses boxeurs?

« Je déteste le concept de relation paternaliste en boxe, ce n’est pas sain. Personnellement, je suis engagé par eux pour l’atteinte d’objectifs bien précis, il y a une ligne très précise à ne pas franchir. On peut rigoler et s’amuser, mais il y a une limite et j’ai mon éthique professionnelle. Et pour ce qui est de la relation Père-entraineur c’est en général pas très concluant il y a des exemples qui ont réussis, comme les pères Trinidad ou Calzaghe, mais ils savaient tracer une ligne entre le rôle d’entraîneur et de paternel », affirme-t-il.

« Quand j’étais plus jeune, c’était plus difficile dû au fait que j’avais un âge plus semblable aux athlètes. Avec le temps, j’ai senti le besoin de m’imposer ma propre discipline », ajoute Marc Ramsay.

« Les boxeurs comprennent que je suis toujours là pour eux. La porte est toujours ouverte que ce soit pour des petits détails ou des gros problèmes personnels. Je les accompagne à leur rythme, certains s’adaptent rapidement, d’autres c’est plus long », souligne celui qui a aidé plusieurs boxeurs à s’intégrer au Québec.

Le coup de la baguette magique

Le monde de la boxe est souvent décrié comme un univers très conservateur, peu ouvert aux changements. Si Marc Ramsay avait le pouvoir de changer un règlement, que ferait-il comme changement ?

« J’aime mon sport tel qu’il est, mais je suis conscient que les grands passionnés de la boxe sont minoritaires comparativement à l’amateur moyen. Pour améliorer le spectacle, je rendrai uniforme la dimension des rings, ils seraient tous de seize pieds par seize pieds. Je suis convaincu que ce changement augmenterait la qualité du spectacle, je crois que ça sauverait la boxe. L’amateur moyen veut voir des Arturo Gatti, pas des boxeurs qui se sauvent », affirme-t-il.

Qui aurais-tu aimé entraîné?

Comme entraîneur, il y a parfois des opportunités inattendues qui se présentent et qui lui permettent de s’occuper de certains athlètes. Si Marc Ramsay a le privilège de choisir un boxeur, peu importe son origine et son époque, qui choisirait-il ?

« Je dirais Felix Trinidad ou Georges Foreman. Au Québec, j‘en ai souvent parlé avec Russ Anber, j’aurai adoré entraîner Adrian Diaconu. C’est le style de boxeur et la personnalité, pour ce que je connais de lui, avec qui j’ai le plus d’affinités. J’aime ce style de personnalité très carré, c’est noir ou c’est blanc. C’est le genre de boxeurs qui ne donnent pas de demi-mesure », conclut-il.

 

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