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Ward-Kovalev 2, l’analyse de Rénald Boisvert et François Duguay
- Mis à jour: 16 juin 2017
Par Jean-Luc Autret
Demain soir, nous aurons le plaisir d’assister à la revanche entre Andre Ward et Sergey Kovalev pour déterminer le no 1 chez les 175 livres. En novembre dernier, nos collaborateurs Rénald Boisvert et François Duguay vous ont donnés vers avis avant le premier duel. Ils récidivent aujourd’hui en vous offrant leur opinion sur le premier combat, et ce, à quoi ils s’attendent pour la revanche.
12 Rounds: Avant de parler du combat de samedi, on se doit de revenir sur le duel du 19 novembre dernier. Comment as-tu trouvé ce combat? As-tu eu une ou plusieurs surprises? Le verdict ressemblait-il à ta carte ?
RÉNALD BOISVERT : Le premier combat entre Kovalev et Ward a été pour moi intéressant. Mais je dois reconnaître que c’est loin d’être le combat de la décennie comme je l’avais espéré. La première moitié du combat a été tout à l’avantage de Kovalev et la deuxième partie a été celle de Ward. Les deux boxeurs n’ont pas voulu prendre trop de chances. D’une part, Ward a refusé d’échanger à moyenne portée; car c’est là où Kovalev excelle. D’autre part, Kovalev a voulu éviter de se battre à l’intérieur en accrochant à chaque fois que Ward s’amenait à courte portée. Mon score: j‘avais six rounds pour chacun d’eux. Donc, à cause du knock down, j’aurais donné la victoire à Kovalev par un point. Mais je dois avouer que j’ai été excité par la manière dont le combat s’est déroulé: Ward va au tapis, Kovalev le pourchasse, Ward revient de loin et s’impose graduellement pour remporter les derniers rounds. Ce que plusieurs amateurs contestent au fond, ce n’est pas tant la décision des juges que la façon de Ward de boxer. D’autres amateurs aiment ce style. Voilà tout…
FRANÇOIS DUGUAY : Le premier combat s’est passé comme je m’y attendais. Le ring IQ de Ward a fait la différence. Je n’ai pas eu de surprise durant le combat, Kovalev est puissant, on l’a constaté pleinement au second round, alors que Ward est un boxeur très intelligent et il a su mieux s’adapter. Personnellement, j’avais la même carte que les trois juges.
12 Rounds: Les trois juges ont donnés des cartes de 114-113 en faveur en Ward, c’est quand même assez rare que les 3 juges ont la même carte dans un combat aussi chaudement disputé. Par contre, selon la carte de 63 journalistes, 73% donnaient la victoire à Kovalev ? As-tu une explication pour justifer l’interprétation des journalistes versus les 3 juges ?
RÉNALD BOISVERT : D’abord, disons que le style de Kovalev (très européen) ne plaît pas à tous les juges. Beaucoup d’entre eux n’aiment pas que Kovalev refuse de combattre à l’intérieur, préférant accrocher dans le but de reprendre, à la suite de l’intervention de l’arbitre, la position qui l’avantage : c’est-à-dire la moyenne ou longue portée. Il y a certainement chez les juges un courant dominant qui veut que les combattants poursuivent une guerre de tranchée une fois qu’ils se retrouvent à courte portée. Contrairement à d’autres boxeurs venus de l’étranger, Kovalev ne s’est pas adapté à cette manière de combattre.
Deuxièmement, il y a à mon avis une autre raison. Je crois qu’il faut partir du fait que dans ce combat, les rounds clairement gagnés étaient en faveur de Kovalev, alors que les rounds serrés pouvaient aller d’un coté comme de l’autre. Par conséquent, vu globalement, c’est certain que Kovalev méritait le comba t. Mais si l’on analyse le combat round par round, cela devient beaucoup plus difficile à trancher. Les journalistes ont vu ce combat globalement alors que les juges ont décidé round par round et, somme toute, probablement avec un petit préjugé défavorable au style de Kovalev.
FRANÇOIS DUGUAY : Je dis souvent que l’on doit regarder la boxe et non l’écouter. Il y a bien des amateurs qui sont influencés par les descripteurs et analystes. Je crois aussi que la différence entre les journalistes et les juges, c’est que souvent les journalistes ont été des amateurs de boxe avant de travailler dans le monde des médias et par conséquent leurs préférences va au style de Kovalev. De leur côté, les juges ont fait un travail pour se spécialiser et surtout, ils n’analysent pas un combat dans son ensemble, mais round par round.
12 Rounds: Dans le premier duel, Ward est allé au plancher, mais Kovalev a perdu. Quel boxeur est plus avantagé mentalement pour la revanche?
RÉNALD BOISVERT : Au plan mental, je pense que Ward est légèrement avantagé du fait qu’il a terminé «fort» le premier combat. Psychologiquement, un deuxième combat se déroule souvent comme si c’était le premier combat qui se continuait. Ainsi, ce qui s’est passé dans les derniers rounds restent dans la tête des boxeurs au moment de débuter le premier round du combat revanche. Mais ce n’est pas toujours le cas, d’autant plus que ce sont des boxeurs très expérimentés.
FRANÇOIS DUGUAY : Clairement, je donne l’avantage à Ward. L’Américain s’est a quoi s’attendre par rapport à la force de frappe de Kovalev et il a su s’adapter dans la seconde partie au point qu’il l’a emporté. Mentalement, je doute que le protégé de John David Jackson saura s’ajuster dans son style de boxe pour offrir une combat tellement différent de ce que l’on a vu en novembre dernier.
12 Rounds: Les deux clans ont des ajustements à faire en vue de samedi, quel boxeur doit faire les plus gros changements selon toi ?
RÉNALD BOISVERT : Je crois que Kovalev doit apporter un plus grand nombre d’ajustements. Quant à Ward, il les a effectués au cours du premier combat. Plus le combat avançait, plus Ward s’imposait. Il reviendra donc surtout à Kovalev de procéder à des ajustements qui devront ennuyer Ward, notamment en l’empêchant de s’amener aussi facilement à courte portée.
FRANÇOIS DUGUAY : Le perdant du premier combat, n’a pas seulement été vaincu, il a perdu la seconde partie du duel. Souvent, on dit que le 2e combat est la continuité du premier. Bref, Kovalev se doit de faire plusieurs changements pour être en mesure de briser la tendance et redevenir champion du monde.
12 Rounds: Quelles modifications tu demanderais à Andre Ward si tu étais son entraîneur ?
RÉNALD BOISVERT : Je lui demanderais d’utiliser le jab au plexus plus tôt dans le combat qu’il ne l’a fait dans le premier combat. Ce jab au plexus a pour effet de freiner (stopper) les élans de Kovalev vers l’avant. Ce type de jab a aussi l’avantage de faire hésiter l’adversaire et de créer des ouvertures. Dans le premier combat, ce jab au plexus paraît également avoir contribué à ralentir Kovalev et peut-être même à l’affaiblir. Deuxièmement, je lui demanderais de s’amener à courte portée aussi souvent que possible dans le but de travailler au corps de Kovalev, mais d’éviter d’échanger avec lui à moyenne portée. Troisièmement, avec l’âge, Ward a perdu quelque peu de son rebond dans les jambes. Dans le premier combat, c’est pour cette raison qu’il a dû compenser par des manœuvres défensives impliquant davantage le haut de son corps (ex : rouler les coups, se tenir sur la jambe arrière, accrocher d’une main et frapper de l’autre, etc…). Ainsi, je demanderais à Ward d’utiliser ces façons de faire dès le début du combat de manière à ne pas laisser trop d’espace à Kovalev.
FRANÇOIS DUGUAY : Andre Ward ne doit pas rester en face de Kovalev. Le Russe lance ses coups en ligne droite et tout en puissance. Dès le premier round, Ward doit être mobile, autant avec le corps que les jambes. Il l’a bien fait dans la seconde partie du 1er duel, si il applique cette stratégie, Kovalev va trouver la soirée longue.
12 Rounds: Quelles modifications tu demanderai à Sergey Kovalev si tu étais son entraîneur ?
RÉNALD BOISVERT : Je lui demanderais de lancer non seulement à profusion son jab de manière à tenir Ward à moyenne distance, mais je demanderais aussi à Kovalev d’utiliser son bras gauche en le raidissant pour tenir Ward à distance et l’empêcher de s’amener à l’intérieur. Puis, je demanderais à Kovalev de frapper régulièrement Ward à la hauteur de la gorge et de la poitrine dans le but de freiner ses élans. L’objectif serait aussi de forcer Ward, lorsqu’il réussit à s’amener à l’intérieur, à se retrouver dans une position accroupie; dans ces moments, Kovalev pourrait alors appuyer sur la tête et le corps de Ward dans le but de rendre ses tentatives de frapper au corps infructueuses et de l’affaiblir au niveau de ses énergies. Également, tôt dans le combat, je demanderais à Kovalev de couper le ring (tout en feintant énormément) dans le but de forcer Ward à se déplacer le plus possible. L’objectif serait ici d’épuiser Ward en l’obligeant à se déplacer. De cette manière, Kovalev pourrait conserver plus de ses énergies et les réserver pour exploser davantage dans la deuxième partie du combat.
FRANÇOIS DUGUAY : Kovalev doit être plus patient et changer son utilisation de son jab. On le sait, son jab est reconnu pour sa puissance, mais celà à des conséquences et il perd beaucoup d’énergie. Je lui demanderais de varier sa puissance et sa cible. En changeant sa puissance, il va pouvoir conserver de la puissance bien plus longtemps. En variant la direction de ses coups, il va forcer Ward à modifier sa défensive et ça devrait créer des ouvertures. Donc, moins de jabs de puissance à la tête et plus de jabs au corps tout en variant la puissance de ces coups. De plus, en utilisant mieux son jab, Kovalev obtiendra plus d’efficacité avec sa main arrière.
12 Rounds: Pour ce combat revanche, les 4 officiels ont tous été remplacés, crois-tu que ça peut influencer la préparation ou le déroulement du combat?
RÉNALD BOISVERT : Je ne le crois pas. On a sûrement cru bon de remplacer les officiels pour faire taire les critiques. Mais dans les faits, la question est quelque peu idéologique au sens où il faut s’interroger sur l’appartenance des officiels à l’un ou l’autre des styles qui domine actuellement la boxe. L’influence du style de boxe de type américain est très grande, bien évidemment ici dans les Amériques, mais aussi de plus en plus dans le monde. Je crois que les boxeurs étrangers doivent ajuster leur style s’ils veulent plaire aux officiels de cette allégeance (qui composent certainement la majorité des juges). Kovalev semble refuser de faire ces ajustements, contrairement par exemple à Golovkin.
FRANÇOIS DUGUAY :
12 Rounds: Le gagnant deviendra le champion The Ring, qui a été retiré à Adonis Stevenson parce qu’il n’a pas affronté de rivaux dans le top 5 pendant plus de deux ans. Crois-tu que le gagnant va aussi être considéré comme le numéro 1 livre pour livre au monde?
RÉNALD BOISVERT : Je ne le pense pas. Sauf surprise, aucun des deux boxeurs ne voudra prendre énormément de risque dans le combat. Alors que Kovalev a terminé le premier combat en ayant énormément ralenti dans la deuxième partie, quant à Ward, il n’a plus cette vigueur dans les jambes qui lui a déjà permis d’être le numéro 1. Je pense qu’aucun des deux boxeurs ne sera suffisamment dominant au cours du prochain combat pour être éventuellement considéré comme le meilleur livre pour livre. Ceci dit, ce match revanche demeure très intéressant.
FRANÇOIS DUGUAY : Ces changements n’ont aucune conséquence selon moi. Les deux clans se préparent en considérant l’autre boxeur dans le ring. Peu importe qui est l’arbitre et les juges, il s’agit d’élément hors du contrôle du boxeur et de son équipe. Par contre, avant le combat, lors de la visite de l’arbitre, l’entraîneur a intérêt à mettre le doute dans la tête de l’officiel en lui parlant des habitudes du rival comme l’accrochage ou les coups derrière la tête.
12 Rounds : Crois-tu que Kovalev était surentraîné pour le premier combat ? Trouves-tu normal que son entraîneur, John David Jackson, ait choisi de ne pas intervenir, même s’il lui semblait que le préparateur physique lui faisait faire des choses inutiles ?
RÉNALD BOISVERT : Ceci est très difficile à dire. Kovalev a connu une baisse de régime dans la deuxième moitié du combat. Est-ce la conséquence d’un surentraînement? C’est possible, mais ce n’est pas certain. Kovalev a été frappé au corps comme jamais il ne l’avait été jusqu’alors. Il est donc possible que ce soit plutôt ce facteur qui soit à l’origine de sa baisse de régime. Ce qui est sûr, c’est que l’équipe doit identifier le problème précis et s’ajuster en prévision du match revanche. Mais il se peut également que ces deux facteurs (surentraînement et coups reçus au corps) aient tous deux contribué à cette baisse de régime.
Vu de l’extérieur, le comportement de l’entraîneur John David Jackson a de quoi nous laisser perplexe. Cela s’ajoute aux rumeurs à l’effet que Kovalev ne suit pas les recommandations de son entraîneur. Si l’on s’en tient au contenu de l’article ci-avant mentionné, Kovalev aurait effectué une préparation physique démesurée et n’aurait pas fait suffisamment de rounds de sparring (combat d’entraînement). Or, ce serait étonnant que John David Jackson n’ait pas sonné l’alarme. Un entraîneur »old school » comme l’est Jackson ne pouvait pas laisser passer ceci. Dites-vous bien qu’il était absolument nécessaire d’effectuer un grand nombre de rounds de sparring en prévision d’un tel combat. Il me paraît assez évident que le fautif n’était pas Jackson, mais Kovalev lui-même.
FRANÇOIS DUGUAY : J’ai bien de la misère à juger le rythme d’entraînement lors du premier camp, puisque je n’y étais pas. Par contre, j’ai l’impression que la relation entre Jackson et Kovalev n’est pas très profonde pour ne pas dire faible. Les ajustements à faire durant un combat, c’est la responsabilité de l’entraîneur et non celle du responsable du conditionnement physique cinq semaines avant l’affrontement. J’ai l’impression que c’est plus une façon de rejeter le blâme de la défaite sur quelqu’un d’autres que soi-même.
12 Rounds : Puisque Ward a su faire des ajustements gagnants dans la seconde partie du premier combat, crois-tu qu’il est vraiment avantagé pour le second duel ?
RÉNALD BOISVERT : Oui, en effectuant ces ajustements dans la dernière partie du combat, Ward a pu déceler certaines faiblesses et limites chez Kovalev. Ainsi, Ward se trouve dans une position avantageuse au sens où il n’a pas à anticiper, à présumer ce que Kovalev fait de moins bien. Ce travail est déjà fait. Au contraire, pour Kovalev, tout le travail reste à faire; il doit chercher et trouver où sont les failles que Ward ne saura pas remédier en cours de combat. D’où l’importance d’un travail d’équipe préalable et efficace! Espérons que Kovalev ne sous-estime pas cet aspect de sa préparation!
FRANÇOIS DUGUAY : Effectivement, je crois que Ward est avantagé. Il sera probablement prudent dans la première partie du combat et après plus ou moins quatre rounds, il va y aller tout en finesse.Si Kovalev trouve les bons ajustements nous pourrions avoir un combat complètement différent. Le Russe doit utiliser la puissance comme un outil, plutôt que comme une stratégie. Il doit varier sa puissance et la sortir au bon moment. La clé pour lui sera de faire des changements de rythmes pour surprendre Ward.
12 Rounds : À quoi t’attends-tu comme combat samedi soir ?
RÉNALD BOISVERT : Je m’attends à un combat dans lequel chacun voudra s’imposer dès le départ, mais pas nécessairement pour surprendre l’adversaire, mais plutôt pour dicter son rythme. Par ailleurs, je crois que Kovalev et Ward vont demeurer plutôt prudents. Il me paraît évident que Kovalev voudra de temps à autres mettre une certaine pression sur Ward; or, il est très possible qu’il ait des doutes sur sa capacité de tenir une forte cadence pendant 12 rounds. Si c’est le cas, Kovalev devra chasser ses doutes s’il veut remporter ce combat. Car je ne crois pas qu’il peut vaincre Ward sans cette pression qu’il doit appliquer. Quant à Ward, c’est son intelligence et sa concentration qui vont lui dicter la manière d’entreprendre le combat. Je ne crois pas que Ward s’en tienne à un plan de match prédéterminé. Ward est plutôt ce genre de boxeur qui préfère s’ajuster à l’adversaire et ne rien prendre pour acquis.
FRANÇOIS DUGUAY : Considérant la relation tendue entre Kovalev et Jackson, je ne m’attend pas à ce qu’il trouve comment faire pour s’ajuster à Andre Ward. Et même s’il s’adapte, le ring IQ de Ward va l’amener trouver de nouvelles solutions au nouveau Kovalev. Bref, je crois que Ward va l’emporter en dominant 8 des 12 rounds.