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Coaching pour enfant : parlons développement

Par Rénald Boisvert et Vincent Auclair

Vous connaissez sans doute le réputé entraîneur de boxe, Robert McCracken. Il a été l’entraîneur de Carl Froch et dirige maintenant la carrière d’Anthony Joshua. Au moment où il était encore boxeur amateur pour l’Angleterre, McCracken considérait le Canada comme étant une puissance de boxe. C’était en 1988. L’équipe canadienne de boxe avait ramené trois médailles des Jeux Olympiques de Séoul. Ce n’était pas rien.

Il y a environ une année, le célèbre entraîneur anglais confiait à l’un de nous (Vincent Auclair) que le Canada n’était plus reconnu comme une menace sérieuse en boxe amateur. Pour McCracken, le Canada doit refaire ses devoirs.

Ces derniers temps, nous avons mis la main sur plusieurs articles mettant en lumière l’évolution du sport et de la science du sport. À leur lecture, nous avons vite compris que la boxe amateur au Québec et au Canada n’était pas au diapason des avancées sur les questions de développement. Ce sujet mérite que nous nous y attardions sérieusement.

Le développement des jeunes boxeurs

Quand les choses vont bien, personne ne veut changer quoi que ce soit. Mais lorsque les choses vont mal, il y a une ouverture au changement. On se demande alors : qu’est-ce qu’on pourrait améliorer?

Contrairement aux USA, le Québec et le Canada forment un petit bassin de jeunes boxeurs. Notre modèle de développement doit donc être différent de celui des américains. Pour être précis, disons que notre approche doit chercher à obtenir plus de rétention chez les enfants et les adolescents que les pays qui sont avantagés démographiquement. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser échapper autant de jeunes talents.

Il y aurait donc lieu que notre approche avec les jeunes s’inspire de pays tout aussi dominants que les États-Unis sur la scène internationale, mais dont le bassin de population est davantage comparable au nôtre. L’objectif serait de compenser notre déficit démographique par un programme de développement plus efficace.

Dans un article récent, le journaliste Martin Leclerc a recueilli sur ce sujet des propos stupéfiants de la part du spécialiste du développement sportif, André Lachance. Voici un extrait :  «…les pays scandinaves détiennent une bonne avance sur les Canadiens en matière de science du sport ou de développement individuel de l’athlète. Dans les faits, les Scandinaves reprennent très souvent les idées des Canadiens.»

N’est-il pas étonnant que le Canada ne mette pas à profit les connaissances de ses propres experts en matière de science du sport? D’autant que les experts canadiens ne sont pas les seuls à développer de nouvelles théories sur ce sujet. En fait, les spécialistes de plusieurs pays contribuent à l’évolution de la science du sport. Leurs travaux tendent tous à établir les mêmes fondements scientifiques. Il est pour nous évident que l’application de ces connaissances pourrait contribuer à rehausser le niveau de la boxe amateur au Québec et au Canada.

Aussi, le présent article sera le premier de trois articles sur ce sujet. Dans chacun d’eux, nous ferons un certain nombre de suggestions à notre fédération sportive dans le but d’adapter à la boxe les recommandations des spécialistes.

Aujourd’hui, notre attention se concentrera sur ce qu’il faut faire pour amener les enfants à utiliser davantage les techniques et tactiques de boxe lors de compétitions, mais tout en tenant compte de leur stade de développement. Nous nous permettrons alors de référer aux enseignements d’André Lachance. En terminant, nous formulerons quelques suggestions que la Fédération Québécoise de Boxe Olympique pourrait appliquer en modifiant les règles de compétition entre enfants en bas âge. Mais d’abord, il importe de faire une certaine mise en garde au sujet de leur développement physique et émotionnel.

Les enfants ne se développent pas tous au même rythme

On n’insistera jamais assez sur le fait que le développement physique et émotionnel des enfants ne se produit pas à la même vitesse pour tous. Prenons l’exemple de deux enfants de 12 ans qui sont dans la même catégorie de poids. L’un d’eux peut avoir la maturité physique d’un enfant de 14 ans. Dans un tel cas, son développement est réputé précoce. L’autre enfant, pourtant du même âge et du même poids, peut au contraire avoir la maturité physique d’un enfant de 10 ans. Son développement est alors considéré comme tardif. Imaginez maintenant ces deux enfants s’affrontant lors d’une compétition. C’est comme si un enfant de 14 ans livrait un combat à un enfant de 10 ans. Ce serait un carnage!

On sait que les enfants veulent tous remporter des combats. C’est normal. Les enfants dont la maturité physique est précoce vont donc utiliser cette supériorité physique pour s’assurer des victoires. Mais en utilisant à outrance leur supériorité physique, ils ne développent pas leurs habiletés athlétiques, techniques et tactiques. Ils gagnent des matchs, mais ils ne s’améliorent pas nécessairement. Lorsqu’ils sont rendus à l’âge adulte, dans un contexte d’une compétition relevée, ces jeunes échoueront faute d’avoir développé les habiletés techniques et tactiques requises. Nous observons trop souvent ce scénario en boxe amateur.

Quant aux enfants dont la maturité physiologique ou émotionnelle est en retard, il faut leur donner le temps de se développer. S’ils sont bien encadrés, ces enfants peuvent rattraper le temps perdu et rejoindre l’élite. Mais la plupart du temps, ces enfants se découragent et abandonnent prématurément la boxe. Car même lorsqu’ils possèdent des habiletés exceptionnelles, ces enfants sont déclassés à cause de ce retard dans leur développement.

Il est malheureux de constater que peu importe le type de maturité physiologique des enfants, qu’elle soit précoce ou tardive, le résultat est le même : les enfants vont souvent abandonner avant l’heure. Les premiers délaissent la boxe dès qu’ils atteignent l’âge adulte après avoir réalisé qu’ils auraient dû mettre l’emphase sur la technique, alors que les autres ont déjà abandonné sans même avoir soupçonné tout le potentiel qu’ils auraient pu réaliser.

Bien sûr, il y a un certain nombre d’enfants qui parviennent à s’épanouir dans le système actuel. Mais ce nombre est nettement insuffisant. Trop de jeunes abandonnent alors que l’application d’un programme de développement adéquat les aurait conduits à poursuivre.

Pour commencer, demandons-nous si le système actuel de compétition remplit bien sa mission à l’égard des jeunes? Pour être plus précis, la question est de savoir si ce système favorise ou non l’amélioration de tous les aspects du développement du jeune boxeur : technique, tactique, physique et mental? La réponse est évidemment négative. Lors des combats entre jeunes boxeurs, les qualités physiques dominent outrageusement. Dans les faits, c’est comme si la compétition servait à améliorer qu’un petit nombre de jeunes boxeurs sur le plan de la technique et de la tactique. Quoi changer?

La solution préconisée par André Lachance

Dans l’article précité, il est question du type de solution qu’il faut envisager dans les circonstances. Ainsi, selon le spécialiste André Lachance, il suffit dans ces cas d’apporter certaines modifications aux règles du jeu pour amener les enfants à développer plus efficacement leurs qualités techniques et tactiques. Il donne l’exemple, entre autres, du hockey.

Lors de matchs entre enfants, nous avons tous déjà observé que ceux-ci veulent uniquement deux choses : marquer des buts et gagner des matchs. Comme conséquence, ce sont seulement les joueurs les plus dominants qui se signalent. Les autres touchent rarement la rondelle. D’autre part, en se signalant, les joueurs dominants mettront tous leurs efforts à vouloir marquer des buts sans égard pour l’amélioration des autres aspects du jeu.

Voici la suggestion d’André Lachance : «…limiter à trois le nombre de buts qu’un même joueur peut marquer au cours d’un match. Ça force les joueurs dominants à développer leur vision du jeu et leurs qualités de passeur.»

Simple et efficace, n’est-ce pas? Permettez-nous d’ajouter que l’application d’une telle règle du jeu peut également amener davantage de joueurs à se signaler sur la glace, étant donné que la rondelle va circuler beaucoup plus et ouvrir le jeu.

L’approche proposée par André Lachance est très intéressante. Elle tient compte de la détermination de l’enfant (et de l’entraîneur) à vouloir gagner des matchs. En limitant le nombre de buts pouvant être marqué individuellement, les enfants et l’entraîneur «…s’ajustent automatiquement afin de pouvoir continuer à remporter des matchs.»

En somme, si nous voulons appliquer la suggestion d’André Lachance dans le but d’améliorer les qualités techniques et tactiques des jeunes boxeurs amateurs, il suffit de modifier «certaines variables dans le cadre compétitif.» Voyons maintenant ce qui pourrait être fait à cet égard.

Nos suggestions

Les modifications que nous entendons proposer visent les catégories Benjamin (11-12 ans) et Cadet (13-14 ans). Dans ces tranches d’âge, lors d’un combat, les enfants utilisent très peu leurs habilités techniques et tactiques. La raison est simple : pour gagner, ils doivent se servir de leur force physique. Pourtant, si l’on tient à développer nos jeunes boxeurs de façon optimale, ne devons-nous pas faire en sorte qu’ils en viennent, au cours de leurs combats, à utiliser et maîtriser davantage les aspects techniques et tactiques?

Dans cette optique, si nous comprenons bien le sens des recommandations du spécialiste André Lachance, il s’agit simplement de modifier certaines règles s’appliquant à un combat afin de développer plus efficacement les habiletés techniques et tactiques chez les jeunes boxeurs.

Premièrement, pour ce qui est de la catégorie Benjamin, nous suggérons qu’au cours d’un combat, seuls les coups droits soient permis. La cible serait autant le corps que la tête. Mais aucun crochet ou uppercut ne serait admis. L’objectif est simplement que nos jeunes boxeurs maîtrisent d’abord les coups droits avant de recourir aux coups plus complexes, lesquels requièrent de longs entraînements en gymnase. Pour un boxeur d’âge Benjamin, la défensive s’en trouverait facilitée. Les coups droits sont plus aisés à bloquer et à esquiver que les crochets et les uppercuts. Ceci permettrait à ces enfants de faire l’apprentissage de la défensive de manière progressive.

Deuxièmement, l’objectif de chacun des boxeurs serait d’atteindre l’adversaire en premier et marquer un point. Ainsi, l’arbitre aurait alors l’obligation de stopper l’action aussitôt que l’un des boxeurs touche la cible. Un seul point serait alors comptabilisé. À ce moment, les juges exerceraient leur discrétion et attribueraient le point à celui qui, selon eux, aurait atteint l’adversaire en premier. Ensuite, l’action reprendrait jusqu’au moment où une autre frappe serait appelée par l’arbitre. Et ainsi de suite jusqu’à la fin du round. De cette manière, le jeune boxeur ne serait pas tenté de vouloir déborder physiquement l’adversaire. Car il risquerait de se faire atteindre en s’approchant. Par conséquent, il n’aurait pas d’autre choix que d’utiliser ses habiletés techniques et tactiques.

Troisièmement, l’arbitre stopperait immédiatement l’action en raison d’une action illégale (bousculade, accrochage, frappes interdites, etc…). Il donnerait un avertissement au fautif, puis dès la seconde offense, il lui enlèverait un point et si nécessaire, le disqualifierait. Dans cette optique, l’arbitre interviendrait hâtivement et avec fermeté pour éviter que l’un des boxeurs utilise sa force physique de façon indue.

Par ailleurs, chez les enfants d’âge Cadet, les règles que nous avons proposées ci-avant pourraient s’appliquer uniquement aux boxeurs de moins de 10 combats. Cependant, les crochets et les uppercuts seraient permis pour ce groupe d’âge.

Quant aux Cadets de 10 combats et plus, nous serions d’avis d’appliquer le système actuel, sauf en ce qui concerne les règles d’arbitrage. L’objectif serait encore ici de requérir des arbitres leur intervention immédiate dans tous les cas où une faute est commise. Cet avertissement serait donné avec fermeté, le cas échéant en utilisant la menace de disqualification. Le rôle de l’arbitre serait de faire changer les comportements des boxeurs qui utilisent les gestes illégaux afin de les avantager.

Conformément à la pensée du spécialiste André Lachance, face à ces modifications, les entraîneurs de boxe s’adapteront parce qu’ils voudront continuer à gagner des matchs. Par conséquent, ceux-ci mettront alors davantage l’accent sur les apprentissages techniques et tactiques de leurs jeunes boxeurs d’âge Benjamin et Cadet.

Conclusion

Notre tout premier objectif était ici de montrer que la boxe amateur au Québec et au Canada pourrait tirer avantage des solutions mises de l’avant par les spécialistes de la science du sport. Ce sera aussi le but que nous poursuivrons au cours de nos deux prochains articles.

La boxe amateur au pays ne va pas très bien. Ce constat est affligeant, mais il s’impose. Or, parmi les solutions soumises par les spécialistes du sport, il n’y pas toujours de recette toute faite. Ce qui est souvent proposé en guise de solution, c’est un cadre général, une matrice dans laquelle il faut en dégager les applications selon la spécificité du sport en cause.

Dans ce premier article, notre constat était simple : La boxe amateur est dans une situation peu enviable. Quant à la matrice tirée de la théorie d’André Lachance : modifier quelques variables dans le cadre compétitif. Enfin, pour ce qui est de choisir une formule applicable à un combat de boxe entre enfants, nous avons exposé celle que nous croyions la plus efficace. Le débat est maintenant ouvert…

Selon nous, en améliorant les habiletés techniques et tactiques des boxeurs d’âge Benjamin et Cadet, c’est tout le processus qui sera amélioré, étant donné que ces changements vont produire, en fin de parcours, de meilleurs boxeurs chez les Seniors.

En second lieu, nous sommes convaincus que ce cadre compétitif serait plus apprécié de la majorité des enfants que le système actuel. Les enfants éprouveraient alors beaucoup plus de plaisir et de satisfaction à participer à des compétitions. Ajoutons qu’il importe que les jeunes boxeurs aiment pratiquer la boxe. Aussi, cela commence à l’entraînement. Notamment, l’enseignement de la boxe aux enfants ne doit pas être calqué sur celui des adultes. Il doit plutôt être conçu et adapté en fonction des intérêts propres aux enfants. Ce sera le sujet de notre prochain article.

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