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David Whittom, un guerrier toujours vivant

David Whittom

Par Jean-Luc Autret

NDLR: Pour souligner le fait que David Whittom s’est battu samedi soir à Fredericton au Nouveau-Brunswick pour le titre canadien des lourds-légers, voici un portrait de ce guerrier publié dans le magazine La Zone de Boxe no 34 publié en octobre 2011

C’est sans tambour ni trompette que l’entraîneur François Duguay a annoncé le 10 septembre 2011 à David Whittom qu’il était temps pour lui de mettre un terme à sa carrière. Ce conseil lui a été donné avec tout le respect qu’il a pour l’homme et avec de la considération pour sa santé à long terme. David Whittom (11-17-1, 7 K.-O.) a été un coriace road warrior au cours des sept dernières années. Voici la rétrospective d’une carrière forgée contre travers vents et marées, qui l’a amené à combattre tous ceux qui étaient prêts à l’affronter.

Un entraînement qui devient vite une passion

Né à Saint-Quentin, une petite ville du Nouveau-Brunswick situé au pied du Mont Carleton et au bord de la rivière Restigouche, David Whittom est arrivé à Québec à l’âge de 12 ans, en compagnie de ses parents. Il est aujourd’hui installé à Lac Saint-Charles.

En 2000, David a 19 ans, il joue pour les As de Beauport dans la ligue de hockey semi-pro. Alors qu’il vise à améliorer ses talents de bagarreur sur la glace, David décide de s’inscrire au gymnase d’Andy Mallette pour s’entraîner à la boxe. Il se découvre vite une passion pour le noble art, qui l’amène progressivement à quitter le hockey. Pendant quatre ans, David pratique la boxe amateur. À cette époque, il est aussi fantassin dans l’Armée canadienne, un métier qu’il affectionne beaucoup, bien qu’il n’ait pas effectué de mission à l’étranger. Son employeur le supporte dans le déroulement de sa carrière amateur.

En 2004, David se rend à Winnipeg, au Manitoba, pour les championnats canadiens amateurs : il y remporte la médaille de bronze. « Ce fut ma plus belle expérience en boxe amateur. Je devais finir dans les deux premières positions pour aller aux Jeux panaméricains, mais je n’ai pas été capable de battre le champion en titre, Jason Douglas », raconte celui qui a mis un terme à sa carrière amateur après 26 combats.

Des débuts encourageants en boxe professionnelle

L’arrivée de François Duguay à Québec, en 2003, change beaucoup de choses : David le choisit comme entraîneur et il décide ensuite de devenir boxeur professionnel. L’Armée n’aime pas tellement que David soit maintenant devenu boxeur professionnel et ses employeurs ne se gênent pas pour lui faire savoir : David quitte alors de lui-même l’armée et se trouve un emploi dans le domaine de la construction, ce qui lui permet de travailler l’avant-midi et de se consacrer à l’entraînement le reste de la journée. À cette époque, David a le privilège d’être soutenu par le promoteur Interbox : entre décembre 2004 et juillet 2005, il participe aux cinq premiers galas de la compagnie nouvellement dirigée par Jean Bédard.

Toujours prêt à accepter un combat

En septembre 2005, malgré une mésentente avec son entraîneur, David accepte un combat à Edmonton (Alberta) pour affronter James Cermak. Il s’y rend en compagnie de Sébastien Gauthier. Son adversaire est un cogneur : il a une fiche de 7-0-0, dont six victoires par K.-O. « J’avais comme plan de match de me déplacer face à lui, Sébastien m’a plutôt conseillé d’utiliser ma force de frappe. J’ai échangé avec Cermak, mais je suis passé deuxième. Le combat s’est terminé avant la fin du deuxième round. C’est la seule vraie fois que je me suis fait knocker, j’avais plus de jambes et j’étais mêlé », explique David.

Ce premier combat sur la route marque la fin de sa relation privilégiée avec Interbox. Le fait qu’il ne l’ait pas remporté n’a pas été le facteur clé dans la rupture entre le boxeur et le promoteur : c’est plutôt le rythme de vie de David à l’extérieur du gymnase qui va amener Interbox à prendre ses distances. Maintenant boxeur « agent libre », David accepte tous les combats qui s’offrent à lui : il retournera à trois autres reprises en Alberta, ira deux fois à Porto Rico, trois fois aux États-Unis et même à une occasion à Moscou, en Russie :« Mon voyage le plus marquant, c’est certainement quand je suis allé en Russie. Là-bas, les gens sont vraiment froids, personne ne fait de sourire, ce n’est pas une place pour aller en vacances. La sécurité est présente partout, il fallait payer la police à chaque passage, c’était très dépaysant! » raconte David.

Bien des adversaires connus

Reconnu pour sa résistance, David a affronté des anciens champions du monde, de nombreux aspirants et de probables futurs champions à travers ses sept années de boxe professionnelle. Au Québec, les trois plus connus sont Adrian Diaconu (défaite par décision unanime, huit rounds), Adonis Stevenson (défaite par décision unanime, dix rounds) et Nicholson Poulard (victoire par décision majoritaire, quatre rounds). David s’est incliné face à un ancien champion du monde, Manny Siaca (champion WBA des supermoyens en 2004), et contre des boxeurs qui sont actuellement classés mondialement, tels que Lateef Kayode (premier aspirant WBA, troisième à la WBO, quatrième à la WBC et cinquième à la IBF), Ismayl Sillakh (troisième à la WBC et onzième à la IBF) et Joe Spina (septième à la WBA). Il a aussi mis les gants avec des gars de la relève comme Eleider Alvarez, Oscar Rivas et Lionell Thompson (cinq fois champion des Gants dorés de l’État de New York).

« L’an dernier, j’ai eu une offre pour aller faire du sparring à Moscou avec Denis Lebedev, qui se préparait pour Roy Jones Jr.; mais après mon expérience là-bas en 2006, j’ai préféré refuser, même si c’était bien plus payant que mon salaire dans la construction. C’est beaucoup trop corrompu, je n’avais pas confiance », affirme David. Le boxeur du Lac Saint-Charles a aussi fait du sparring avec l’élite de chez nous. À travers les années, il a notamment mis les gants avec Lucian Bute, Jean Pascal et Troy Ross.

Une carrière hypothéquée par la drogue

Entre 2004 et 2006, David a la chance de concentrer ses énergies uniquement à la boxe, il compte même sur l’appui d’un commanditaire, Nutrition Sport Fitness. De plus en plus connu à Québec, le boxeur commence à faire la fête à partir de 2005… C’est ainsi qu’il perd son commanditaire et aussi le soutien de son promoteur Interbox. Ses problèmes de consommation de drogue affectent sa carrière, mais ne l’empêchent pas d’accepter chacun des défis qu’on lui propose. Il reconnaît aujourd’hui avoir fait quelques combats uniquement pour toucher la bourse.

Particulièrement dépendant à la cocaïne, David a eu besoin de plusieurs cures de désintoxication pour s’en sortir. Il change son entourage, mais c’est surtout le fait de voir grandir son fils qui lui a fait changer son mode de vie. Aujourd’hui, sobre depuis juillet 2010, il travaille depuis deux ans à temps plein comme manœuvre spécialisé pour une entreprise de canalisation souterraine. Sa vie amoureuse est également stable depuis six ans et son garçon, Zack, est âgé de quatre ans.

Une retraite difficile à accepter

« Je suis un fighter, j’aime me battre et même si je ne suis pas le meilleur, je sais que je peux me battre avec eux. C’est difficile d’accepter le fait que c’est fini. Aujourd’hui, je prends conscience que c’est probablement la meilleure chose à faire. J’ai un bon travail, une famille. C’est le bon moment pour arrêter, avant que je ne voie plus clair, que je commence à bégayer, que j’aie des problèmes au cerveau… En plus, mon entraîneur m’a dit que c’était le temps et je lui fais confiance à 100 %. Je travaille avec François depuis 2004, c’est bien plus qu’un entraîneur pour moi », explique David. Depuis environ un an, le boxeur manque de temps pour s’entraîner autant qu’il le souhaiterait. Il ne fait plus de jogging le matin mais passe quotidiennement entre une demi-heure et une heure au gymnase. « J’ai maintenant 32 ans et mes adversaires m’étudient attentivement, alors que moi je n’ai pas le temps de faire ça. Je ne peux plus suivre les gars… » avoue David.

Maintenant retraité, il n’abandonne pas sa passion si facilement. Son entraîneur, François Duguay, l’a invité à être un homme de coin lors du combat de Pier-Olivier Côté, le 5 novembre 2010. De plus, David supervise quotidiennement l’entraînement d’Apou aux poids et haltères dans les semaines précédant ce combat. Son entraîneur a un grand respect pour lui : « David aura marqué le monde de la boxe au Québec, à sa façon, en étant l’un des boxeurs les plus courageux de ce sport. Tout comme Stéphane Tessier, on ne peut qu’avoir de l’admiration pour ces gars-là », affirme François Duguay. Les amateurs ne le verront plus se battre, mais ils continueront à le voir dans bien des galas de boxe. En conclusion, on peut bien retirer les gants des mains d’un boxeur, mais on ne lui enlève pas sa passion pour le noble art.

Sa carrière en rafale

L’adversaire le plus rapide : « Ismayl Sillakh, car il est le seul à m’avoir blessé grièvement : une fracture orbitale m’a forcé à abandonner le combat. »

L’adversaire le plus coriace : « Jason Naugler. Malgré que je l’aie envoyé au plancher au dixième round, il a fini le combat. Ce n’est pas pour rien qu’il a atteint la limite contre David Lemieux. »

L’adversaire qui cogne le plus fort : « Tye Fields. Ce gars-là pesait plus de soixante-quinze livres que moi, un monstre de six pieds, sept pouces! À un poids plus normal, le plus gros cogneur que j’ai affronté, c’est clairement Adonis Stevenson. C’est rare, un boxeur qui frappe si fort. »

L’adversaire le plus salaud : « Manny Siaca. Cet ancien champion du monde m’a lancé de nombreux coups de tête prémédités, j’étais fendu au-dessus des deux yeux. »

L’adversaire le plus talentueux : « Mon dernier adversaire, Lionell Thompson, est vraiment bon, et je ne serais pas surpris qu’il devienne champion du monde dans quelques années. »

Sa plus grosse bourse : « 10 000 $. J’ai fait cette bourse deux fois : contre Adrian Diaconu et Nicholson Poulard. »

Son plus gros vol : « À Moscou, face à Mikhail Nasyrov. Je lui ai cassé le nez au deuxième round et il a échappé son protecteur buccal six fois sans perdre de points! Je me battais contre lui et contre l’arbitre ce jour-là! »

Son verdict le plus injuste : « Ma défaite face à Jason Naugler. Le titre canadien des mi-lourds était en jeu; dans ma tête et dans mon cœur, je sais que j’ai gagné. J’ai perdu un point au neuvième et Naugler est tombé au dixième, ce qui a été déclaré comme une chute. Ce fut une une décision majoritaire (96-94 96-94 95-95). »

Sa plus grande victoire : « Avoir pu faire autant de combats sans l’assistance d’un promoteur. »

Sa plus grande déception : « Devoir arrêter de boxer! »

Ses plus beaux souvenirs : « Mes voyages à Porto Rico et à Moscou, évidemment. Je me souviendrai longtemps d’avoir boxé en sous-carte d’événements majeurs tels que Pascal-Hopkins II, à Montréal, et Dawson-Tarver II, à Las Vegas. » 

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