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Francis Lafrenière, un exemple de résilience

Par David Tétreault

Le 10 juin prochain, la fierté de St-Clet, Francis Lafrenière (15-5-2, 8 KO), est de retour à la Tohu après une absence d’un an. En finale du gala de Rixa Promotions, il va défendre son titre NABO face au Mexicain Oscar Cortez (26-2-0, 14 KO), celui qui devait affronter Custio Clayton samedi dernier. Présentement classé 7e aspirant mondial à la WBO, le protégé des frères Grant a un parcours bien particulier, pour ne pas dire unique. Après m’être entretenu avec lui pour apprendre à le connaître davantage, et j’en suis venu à la conclusion que le mot résilience a maintenant un visage. Portrait de Francis Lafrenière.

Une enfance bien spéciale

Né à Vaudreuil en 1988, Francis a vécu son enfance à Coteau-du-Lac, une petite ville de la Montérégie située aux abords du fleuve St-Laurent. Joueur de hockey honnête dès l’âge de 6 ans, il a également pratiqué le karaté pendant trois années. Une de ses activités préférées était toutefois de regarder la lutte le dimanche matin en compagnie de son père et de son frère. C’est avec eux qu’il encourageait ses lutteurs préférés, soit The Ultimate Warrior, Macho Man et Hulk Hogan. Ses parents étant sourds-muets, Francis est devenu adulte bien avant de souffler ses 18 bougies. Il les accompagnait chaque fois qu’ils avaient besoin d’un interlocuteur. Un rôle que peu de jeunes de son âge doivent camper.

C’est à 16 ans qu’il enfile une paire de gants de boxe pour la première fois. Il enchaînera rapidement les combats amateurs ; il se battra presqu’à chaque fin de semaine. Il aura 76 duels chez les amateurs ; plus de défaites que de victoires. Par son style fougueux et énergique, Francis attirait les foules, si bien que lors de ses derniers combats, on le rémunérait. Peu de boxeurs peuvent se vanter d’avoir été payé pour combattre chez les amateurs. Puis à 22 ans, il décide de faire le grand saut.

Des débuts pros compliqués

Le 3 avril 2010, un combat majeur avait lieu sur la scène internationale. Bernard Hopkins affrontait pour la deuxième fois l’ancien P4P Roy Jones jr. Le combat avait lieu au Mandalay Bay Resort & Casino de Las Vegas. Le combat qui intéressait Francis ce soir-là avait cependant lieu à 4154 kilomètres du Nevada. Il faisait ses débuts professionnels au Casino de Montréal, face à Patrick Tessier. En finale, le jeune prodige invaincu David Lemieux affrontait Walid Smichet; les combats étaient diffusés en direct durant la désormais défunte émission Boxe Rock, animé à l’époque par Patrice L’Heureux et Marie-Claude Savard. Un combat satisfaisant pour The People’s Champ, qui malgré une certitude de victoire, devra se contenter d’un verdict nul.

Les deux boxeurs remettront ça 4 mois plus tard au Métropolis. Après le combat, Patrick félicite Francis pour son beau combat, lui qui semble se diriger vers sa première victoire en carrière. Les juges en décideront autrement ; première défaite pour Lafrenière par décision unanime. Les déceptions s’accumulent mais n’étant pas du genre à s’apitoyer sur son sort, il se retrousse les manches en vue de son prochain combat.

C’est en février 2011 que son troisième combat a lieu. Avec seulement deux semaines d’entrainement, il affronte un jeune boxeur prometteur qui fait ses débuts professionnels ; un certain Brandon Cook. Francis visitera le plancher au premier round. Le reste du combat semble être à son avantage, lui qui gagne clairement les rounds 3 et 4. Il perdra par décision partagée. Après dix combats, dont quatre à l’extérieur de Montréal, le boxeur québécois n’avait que trois victoires. Ce genre de détails peut en décourager plusieurs, pas Francis. Passion et détermination font souvent bon ménage.

En février 2013, au Hilton Lac Leamy, il affronte Pawel Seliga, un boxeur polonais invaincu en 4 combats. Francis récoltera sa deuxième victoire en carrière par KO. Dans l’assistance, Éric Kerub, propriétaire d’une jeune écurie de boxe du nom de Rixa Promotions, observe attentivement celui qui deviendra prochainement sa nouvelle tête d’affiche. La suite allait s’écrire par elle-même. Dans ses rêves les plus fous, Francis se voyait champion du Québec. Trois combats plus tard, il devient champion canadien des mi-moyens en battant Paul Bzdel par décision unanime. Sa première ceinture officielle. Il gagnera ses quatre combats suivants, dont 3 par TKO. Puis le jour J.

Un tremplin nommé Renan St-Juste

30 janvier 2016. Le combat entre Renan St-Juste et Francis Lafrenière est présenté en demi-finale du deuxième combat entre Jean pascal et Sergey Kovalev. St-Juste avait été clair dans ses propos d’avant combat, il voulait lui éteindre les lumières. Le combat commencera sur les chapeaux de roues et ne ralentira jamais. Les deux pugilistes, complètement exténués, compléteront le dixième round sous les applaudissement nourris. C’est l’ovation lors du dernier son de cloche. Francis l’emporte par décision unanime des juges. Le réputé Dan Rafael parle d’un des combats de l’année, l’icône des poids lourds Mike Tyson partage la vidéo du combat sur sa page Facebook. Un nouveau visage apparaît dans le domaine de la boxe au Québec. The People’s champ vient de se mettre au monde.

Ce combat changera également le quotidien pour Francis. Déjà propriétaire d’un club de boxe à 10 minutes de chez lui, dans la petite municipalité de St-Clet, le boxeur de Rixa Promotions peut maintenant engager des entraîneurs pour l’aider lors des cours de groupe et des cours privés. Il peut désormais privilégier davantage son entraînement à lui. Il s’entraîne maintenant 5 jours par semaine, 3 fois par jour, se laissant deux journées sans entraînement pour pouvoir s’occuper de son club de boxe, qu’il voit comme son fonds de retraite. Et dans cette rigide routine, il doit aussi se concentrer sur ce qu’il considère comme le plus important dans sa vie, sa famille. L’équilibre fut difficile à gérer au début de sa carrière mais avec sa nouvelle notoriété et son gym qui fonctionne très bien, il peut maintenant se permettre de consacrer le temps nécessaire à ses deux garçons, respectivement âgé de 4 et 5 ans.

« J’aimerais être le prochain Éric Lucas »
Francis Lafrenière

Maintenant classé mondialement

Francis a trébuché quelques fois en début de carrière, ce qui ne l’a jamais découragé. Fort de 12 victoires consécutives, il est maintenant rendu à défendre son titre nord-américain obtenu en février. Son entrée dans le top 15 mondial lui ouvre les portes vers un potentiel combat de championnat du monde. Sans vouloir sauter les étapes, il sait qu’un jour il recevra l’appel d’un champion. Celui qu’il vise est Billy Joe Saunders, champion WBO des 160 livres, un gaucher, tout comme St-Juste. L’autre détenteur des ceintures est nul autre que GGG. Tôt ou tard, Golovkin fera le saut chez les 168 livres, laissant par le fait même plusieurs ceintures vacantes. Un scénario de rêve pour Francis ; s’il peut continuer à grimper dans les classements, il pourrait se voir offrir un combat pour un de ces titres vacants. D’ici là, il est conscient qu’il doit continuer à faire ce qu’il a toujours fait, c’est-à-dire travailler très fort et accepter les défis qu’on lui propose.

Dans les autres défis personnels, il aimerait bien avoir un deuxième combat avec le tombeur de Steven Butler, Brandon Cook. Le combat pourrait avoir lieu à 154 livres; il aurait néanmoins besoin d’un combat de préparation. Le plan initial était d’affronter Butler mais depuis sa défaite, le clan Lafrenière préfère viser le boxeur ontarien. Également dans les possibles combats locaux, il est convaincu qu’un jour il croisera le fer avec le seul autre 160 notoire au Québec présentement, son ancien partenaire de sparring, l’ancien champion IBF des poids moyens David Lemieux. Quel choc de titans ce serait !

L’homme derrière le boxeur

Francis Lafrenière est une personne que tout le monde apprécie. Il est généreux de son temps, facile d’approche, terre à terre, authentique bref, il est une bonne personne avec qui tu aimes échanger. Il représente beaucoup pour les boxeurs québécois ; c’est un des plus beaux exemples de persévérance que j’ai eu la chance de voir en boxe. Très rare sont les boxeurs qui accumulent les défaites aussi rapidement en début de carrière, qui mettent les bouchées doubles et qui deviennent champion canadien puis éventuellement un top 15 mondial. Il n’y a pas que la technique, l’entraînement et les victoires ; il y a aussi le cœur.

À l’intérieur comme à l’extérieur du ring, celui qui se compare un peu à Gabriel Rosado ne prend rien pour acquis et savoure chaque instant, sachant que sa carrière ne sera pas éternelle. Le jeune entrepreneur, boxeur et père de famille montera donc dans l’arène de la Tohu samedi prochain avec une seule idée en tête, battre le Mexicain Oscar Cortez et revenir dans son petit coin de paradis en conservant sa ceinture autour de la taille. Je ne suis pas inquiet. Let’s go champ !

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