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Kovalev-Alvarez, la suite des choses à venir

Par Simon Traversy

Après vous avoir présenté hier mon analyse du préambule et du duel Kovalev-Alvarez, je vous présente aujourd’hui mon avis sur ce qui pourrait arriver à l’un et à l’autre dans les prochains mois.

Pari risqué, mais pari gagné

La valeur marchande d’Eleider Alvarez a clairement monté en flèche après avoir mis le «Koncasseur» sur son derrière à trois reprises. Toutefois, il n’est pas le seul à avoir fait bonne augure samedi dernier. La valeur marchande de son entraîneur Marc Ramsay a certainement augmenté également. Écoutez là : c’t’une chose de dire à son poulain juste de même qu’il doit laisser Kovalev se brûler pendant 6 rounds pour ensuite le «pincer» au moment opportun, et c’en est une autre de mettre le plan à exécution devant un tombeur qui non seulement sait boxer, mais peut également t’envoyer aux soins intensifs avec un coup seulement.

Stéphane Lépine, Marc Ramsay, Eleider AlvarezC’est long rondes et il y a bien des choses qui peuvent se passer. Moi aussi j’ai plein de bonnes idées qui me passent par la tête écrasé sur mon divan à regarder Les feux de l’amour ou Le cœur à ses raisons tout en buvant deux grosses molles à 2h de l’après-midi, mais ça ne veut pas nécessairement dire que je passerais à l’acte. Penser et agir sont deux choses différentes. Facile à dire, pas facile à faire. Mais le duo Alvarez-Ramsay a remporté leur pari et avec brio en plus.

Donc chapeau à Team Alvarez et mes compliments à Marc Ramsay qui, mine de rien, vient de voir son 3e poulain (son 4e au total : Jean Pascal, David Lemieux, Artur Beterbiev, Eleider Alvarez)  aspirer aux grands honneurs en seulement deux ans. Certains entraîneurs auraient opté pour un plan de match plus conservateur (sécuritaire), mais ce ne fut pas le cas de Ramsay. Après tout : qui ne risque rien, n’a rien; et à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

Kovalev & la fin de la peur de l’inconnu

C’est bien connu, l’Homme a toujours eu peur de ce qu’il ne comprend pas et l’ignorance, souvent volontaire malheureusement, est souvent à la source de cette incompréhension menant à la peur (et très souvent à la haine). Le racisme et la xénophobie en sont le résultat net de cette réalité.

Dans la boxe, lorsqu’un boxeur «plante» ses adversaires dans les premiers «rounds», ça devient difficile pour le prochain adversaire sur la liste de ne pas faire dans ses culottes à l’idée d’affronter un tombeur qui «fesse» pas rien qu’à peu près. Ce fut le cas pour la vaste majorité des adversaires que Kovalev a affronté. Le Russe a donc profité de la paralysie qui habitait ses adversaires pour se bâtir une réputation de tombeur. L’un de ses adversaires, le regretté Roman Simakov, y a même laissé sa peau. Après avoir été malmené tout au long du combat, un combat qui n’aurait jamais dû durer aussi longtemps, Simakov s’est écroulé après l’arrêt de l’arbitre (trop peu, trop tard) et ne s’est jamais réveillé. Rien pour rassurer les prochains en lice.

D’ailleurs, lorsque Bernard Hopkins est sorti à la verticale après s’être fait tabassé pendant 12 rounds par Kovalev lors de leur combat d’unification (IBF-WBA-WBO) en novembre 2014, j’ai vu cela comme une victoire morale en soi. Hopkins a fêté son 50e anniversaire un mois et demie plus tard. Jusque là, tout un chacun se demandait si Kovalev avait une faiblesse quelconque —une faille dans son armure à exploiter — mais ça ne regardait pas bien pour les aspirants du «Krusher».

Pour revenir à mes moutons, j’ai fait le tour de plusieurs forums de boxe américains suite à la victoire éclatante d’Eleider Alvarez, question de prendre le pouls de nos voisins du sud. Je dois admettre que la «modestie» des AmAricains me fascinera toujours : certes, ils ont été impressionnés par le TKO d’Alvarez, mais plusieurs d’entre eux ont davantage donné crédit à Andre Ward qu’à Alvarez, prétextant que «SOG» est directement responsable de la démystification du boxeur-cogneur russe.

De plus, selon leurs dires, Ward aurait livré sur un plateau d’argent la recette gagnante pour vaincre le «Krusher», une recette qu’Alvarez aurait suivie à lettre bien entendu. L’ironie dans tout ça, c’est que ce n’est pas complètement vrai, car un certain Darnell Boone avait donné toute une frousse au puissant Russe six ans avant Ward; ce même Boone qui a envoyé Ward face première au plancher et qui a passé le KO à Adonis Stevenson (je sens que vous souriez en ce moment). Et on se rappellera que Boone est un routier acharné, élevé à la dure dans le ghetto d’une ville ouvrière (Youngstown). Il ne recule donc devant rien, ni personne. Il n’a d’ailleurs pas l’choix : contrairement  à toutes les divas du sport, «Deezol» se bat pour nourrir sa famille et non son égo et son avarice.

sergey Kovalev Darnell BooneEn ce qui concerne Kovalev, Boone a subi une défaite crève-cœur par décision partagée lors de leur premier duel, et ce, malgré avoir envoyé Kovy au plancher  non pas une, pas deux, mais à trois reprises… tout comme Alvarez. Le «hic» dans tout ça, c’est que ce combat est introuvable sur internet ,donc Kovalev a pu préserver (et capitaliser sur) son aura d’invincibilité.  Pour rajouter insulte à l’injure,  Boone a commis une faute au niveau tactique lors de leur combat revanche en se précipitant bêtement vers Kovalev qui l’a accueilli avec son fameux direct arrière. Sonné, Boone a tenté de survivre la ronde mais Kovalev ne l’a pas lâché d’une semelle. Dasvidanya Deezol. Le monde entier a donc dû attendre la renommée d’un combat de championnat du monde avec plusieurs titres en jeu pour se rendre compte  à l’échelle planétaire que Kovalev n’était pas invincible.

Plusieurs prétendent que Kovalev  a perdu confiance suite à ses deux défaites contre Ward, mais je n’en crois pas un mot. On se souviendra d’ailleurs que les deux combats se sont terminés dans la controverse (décision partagée à l’arrachée et coups dans les bijoux de famille). Ward n’a donc pas enlevé la confiance à Kovalev; cependant, il a donné confiance à tous les futures adversaires du Russe. Alvarez pour sa part a sûrement jeté un sérieux doute dans son esprit; il lui a peut-être même enlevé son âme (œil du tigre). Fait à noter : la plus grosse bourse en carrière de Darnell Boone : $20 000 USD (avant taxes bien entendu et sans avoir payé son gérant). Maudite boxe.

Le chant du cygne pour Kovalev

Est-ce la fin pour Kovalev? Bonne question. Sur papier, Kovalev demeure toujours un boxeur d’élite pertinent et dangereux. Au risque de me répéter : Il n’est pas qu’un simple cogneur empoté possédant un Q.I. du ring déficient. Il comprend bien les subtilités du «noble art» telles que la distance, le timing et la précision. Il est patient, calculé et méticuleux et à l’offensive, il possède une très bonne biomécanique. C’est plutôt sa garde et sa défensive qui laisse à désirer : boxer les mains basses et le menton sorti, c’est le meilleur moyen de se magasiner une commotion cérébrale (à propos, je vous conseille fortement de visionner les capsules éducatives présentées par Ariane Fortin).

Kovalev Kovalev peut donc modifier sa garde un brin et travailler davantage sur sa défensive, mais soyons honnêtes : ce n’est pas à 35 ans qu’il se réinventera. Toutefois, le vrai bémol, c’est que Kovalev a deux faiblesses qui ne font qu’empirer au fur-à-mesure que le temps passe et que les coups en pleine gueule s’accumulent. Je parle ici bien sûr de sa condition physique et de sa durabilité qui lui dont défaut, car appelons les choses par leurs noms : sa condition physique ne s’améliorera pas avec le temps et plus il prendra de coups, plus sa durabilité se détériorera. Donc Kovalev demeure toujours une menace légitime, mais n’importe quel boxeur d’élite avec un peu de «punch» et une paire de «baloches» sait désormais qu’il a une chance raisonnable de le vaincre. Et Kovalev le sait aussi et c’est ça qui est démotivant pour lui.

Justement, au moment où l’on se parle, Kovalev doit vivre une mauvaise passe, pour ne pas dire un moment «dark»; tout fier compétiteur déteste perdre. Mais c’est comme ça le sport. C’est donc à lui seul de décider s’il veut tenter une dernière fois le tout pour le tout en tentant de redevenir champion du monde,  ou jouer «safe» et accrocher ses gants pour de bon et profiter ainsi de la vie en bonne santé.

Dénouement hollywoodien & victoire pleinement méritée

Eleider «Storm» Alvarez mérite pleinement tout ce qui lui arrive depuis samedi dernier.  Je croyais en ses chances, mais je voyais Alvarez gagné aux points et non aux poings. Au moment même où je commençais à m’inquiéter : Pow! Kovalev était sur le derrière. Et Alvarez en a remis deux fois de plus. Quel dénouement hollywoodien. Chapeau Eleider.

Unification Stevenson Jack AlvarezOn va appeler les choses par leurs noms : le nouveau champion WBO des mi-lourds s’est fait «niaiser» depuis plus de 2 ans et demi par le clan Stevenson, qui s’est payé sa tête depuis le tout début. Et à cause du manque de respect de Stevenson envers son aspirant (et collègue), envers son sport, envers ses fans et envers lui-même, Alvarez a été contraint de manger de la vache maigre et de jouer ainsi les seconds couteaux. Et puisque les deux boxeurs font partie de la même écurie (GYM), Yvon Michel fut constamment pris en l’arbre et l’écorce.

D’une part, tu ne veux pas te mettre ton champion à dos et d’une autre, tu ne veux pas insulter l’intelligence du boxeur qui a toujours été loyal  envers toi, et qui mérite sa chance. Pas toujours «jo-jo» d’être patron. Mine de rien et dans un tout autre ordre d’idées, le grand patron de GYM a désormais en sa possession 3 des 4 champions des mi-lourds : soit Adonis Stevenson (WBC), Artur Beterbiev (IBF) et Eleider Alvarez (WBO).  Ce n’est pas rien.

Toutefois les deux premiers viennent avec plusieurs astérisques : Stevenson est devenu la risée de sa division depuis qu’il s’est joint à Al Haymon, il fêtera son 41e anniversaire le mois prochain, et il a eu la peur de sa vie en mai dernier après avoir fait match nul contre le Suédois Badou Jack, donc pas certain qu’on le reverra dans un ring de si tôt.

Beterbiev JohnsonPour ce qui est d’Artur Beterbiev, il veut boxer, il a faim, il est une perle à regarder dans le ring, mais aussi spectaculaire qu’il puisse être dans un ring, il ne sait tout simplement pas se vendre (ou plutôt son interprète ne sait pas le vendre). S’il apprenait la langue et qu’il s’intégrait un peu, il serait déjà plus avancé dans sa carrière professionnelle. L’athlète qui gagne la foule, gagne le reste. Oh et lui et Yvon Michel s’aiment autant que j’aime le goût du sirop Buckley.

Alvarez, par contre, ne vient avec aucune note en bas de page et aucun frais caché. Contrairement aux deux autres champions des mi-lourds de GYM, Alvarez n’a pas peur de relevés des défis et il est actuellement la coqueluche du Québec. De plus, le nouvel enfant-chéri du Québec parle notre langue, il s’est intégré à la culture québécoise, et enfin, il semble entretenir une bonne relation avec le «big boss» de GYM. Il mérite donc d’être heureux et d’ailleurs, tout le Québec est heureux pour lui. Il mérite l’accueil héroïque et triomphal qu’il a reçu à son retour à l’aéroport Pierre-Elliott Trudeau. Il mérite désormais les bourses à sept chiffres. Il mérite le respect et la renommée  qu’il n’a jamais eus depuis près de trois ans. Mais surtout, il mérite tout le succès qui lui revient et une attention particulière de la part de son promoteur qui doit sûrement mieux dormir la nuit.

Stéphane Lépine, Eleider Alvarez, Yvon MichelEn parlant du loup, Yvon Michel était au septième ciel, pour ne pas dire euphorique, suite à la victoire fracassante d’Alvarez. On peut très bien le comprendre : GYM avait connu une année plutôt en montagnes russes avant le combat de samedi dernier. Steve Bossé a été la tête d’affiche de deux galas qui n’ont pas suscité un grand intérêt chez les amateurs. Pas surprenant étant donné que l’ancien homme fort de la LNAH compte, à l’heure actuelle, que deux combats professionnels (1-1-0) à sa fiche. Le grand manitou de GYM avait donc grandement besoin d’une bonne nouvelle et il l’a eue gracieuseté du Colombien.

Outre la victoire et le titre en poche, les 3 trois knockdowns furent tout simplement la cerise sur le sundae. On comprend d’ailleurs un peu mieux maintenant pourquoi l’bon Adonis n’a jamais rien voulu savoir d’Alvarez depuis qu’il est devenu son aspirant obligatoire.

Bref, j’espère que tu comptes visiter la cathédrale Marie-Reine-du-Monde (en passant, l’une des plus belles en Amérique du Nord) pour y allumer quelques lampions pour ton nouveau champion mon Yvon !!!

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