Boxe québécoise pour tous les amateurs francophones – 12rounds.ca

Il y a 15 ans, c’était l’époque de Lucas VS Beyer

Par Jean-Luc Autret et Richard Cloutier

Dans le cadre de notre chronique historique Souvenons-nous, nous vous offrons un excellent texte de Richard Cloutier publié, il y a déjà longtemps, dans le magazine de La Zone de Boxe (j’en étais le rédacteur en chef à l’époque). Le duel entre Éric Lucas et Markus Beyer est certainement le combat ayant eu lieu à l’extérieur du Québec qui a le plus intéressé les amateurs d’ici. Coïncidence, tout comme aujourd’hui, nous étions en plein période électorale.

Mise en contexte

Devenu, le 10 juillet 2001, champion du monde des super-moyens du World Boxing Council (WBC) en vertu d’une victoire sur le Britannique Glenn Catley (26-4-0), Éric Lucas se présente à l’aréna de Leipzig le 5 avril 2003, après avoir effectué pas moins de trois défenses victorieuses de sa couronne.

Le 30 novembre 2001, Lucas a effectivement défait le Sud-africain Dingaan Thobela (40-8-2) par TKO au 8e engagement. Cette victoire fut suivie de deux gains acquis par décision unanime des juges. Le premier au Foxwoods Resort dans le Connecticut le 1er mars 2002 face à Vinny Pazienza (49-9-0), et le second aux dépens d’Omar Sheika (23-3-0), à Montréal, le 6 septembre 2002.

Éric Lucas a également à son actif d’autres expériences notables en combat de championnat du monde. En janvier 1996, il a fait la limite devant le Français Fabrice Tiozzo dans le cadre d’un affrontement comptant pour la couronne mondiale WBC des mi-lourds, disputé en France.

Puis, en juin 1996, Lucas a tenu tête pendant 11 rounds au pugiliste alors considéré comme étant le meilleur boxeur « livre pour livre » de la planète, Roy Jones Jr. Disputé en Floride, ce combat de championnat du monde IBF des super-moyens, télédiffusé sur HBO, a pris fin en raison d’une blessure à l’arcade sourcilière du boxeur québécois. De l’aveu même d’Éric Lucas, c’est cette défaite qui l’a mené à réellement croire qu’un avenir pouvait se dessiner pour lui dans la boxe professionnelle et, qu’un jour, il pourrait être champion du monde.

Quant à l’Allemand Markus Beyer (26-1-0), il s’agit alors de l’ancien détenteur du titre mondial WBC. Celui-ci a perdu sa ceinture aux mains de Glenn Catley, qui l’avait emporté par TKO dans la première minute du douzième round de leur combat.

Au Québec, l’affrontement Lucas-Beyer est un grand événement et les cotes d’écoute enregistrées le démontrent bien. Diffusé sur les ondes de TVA un samedi après-midi, pas moins de 1 732 000 téléspectateurs, avec une pointe de 1 907 000 entre 17h et 17h30, ont visionné le combat.

Le duel: avant, pendant et après

S’il est vrai que le mot « controverse » est invariablement associé à la décision rendue par les juges à l’issue du combat, il faut également se rappeler que la conclusion de l’enchère décrétée par le WBC a soulevé son lot de questions. De fait, Sauerland Events a remporté le droit d’organiser l’affrontement par un écart de 14 000 $ US.

Selon les informations rendues publiques à l’époque par le promoteur Yvon Michel, alors directeur général du groupe InterBox, les négociations en prévision du combat avaient d’abord amené Sauerland Events à offrir une bourse de 400 000 $, puis de 500 000 $ au clan Lucas. À défaut d’une entente, les deux groupes ont été appelés par le WBC à participer à une enchère afin de déterminer qui organiserait l’affrontement.

Toujours selon Yvon Michel, les deux groupes estimant l’offre rivale à près de 1 million $, une offre bonifiée à 1,150 million fut déposée de part et d’autre. Toutefois, à la dernière minute, Wilfried Sauerland alors président de la firme allemande, évoquant le fait que son chiffre chanceux était le 14, ajouta 14 000 $ de plus à sa mise. Ce montant correspond au bout du compte à la différence lui ayant permis de remporter l’enchère. La date du combat est alors fixée au 7 décembre 2002, à Berlin, endroit qui fut éventuellement changé pour Leipzig.

La période de préparation aurait pu suivre son cours sans histoires, mais elle ne fut pas de tout repos. Alors engagé dans un camp d’entraînement à Altona, dans l’État de New York, Éric Lucas doit revenir d’urgence à Montréal pour se soumettre à des tests médicaux. Frappé par un virus, on lui diagnostique un dérèglement de la glande thyroïde.

La période de convalescence, puis de remise en forme, oblige un report du combat. Il est finalement disputé le 5 avril 2003. Markus Beyer l’emporte par décision partagée des juges avec un pointage de 116-113, 116-113 et 114-115. Nous vous laissons juger par vous-mêmes de la justesse de ces deux premiers scores, qui ont déclenché une colère et une indignation généralisées chez les amateurs québécois :


Eric Lucas vs Markus Beyer 1/3 par sostibo


Eric Lucas vs Markus Beyer 2/3 par sostibo


Eric Lucas vs Markus Beyer 3/3 par sostibo

La controverse qui suit l’annonce de la décision amène le WBC à décréter un combat revanche entre les deux combattants. Avant de ce faire, Beyer effectue toutefois une première défense de son titre, le 16 août 2003 et l’emporte par disqualification au cinquième round face à l’Australien Danny Green. Ce n’est que par la suite qu’Éric Lucas est invité en Allemagne. La date est fixée au 22 novembre 2003.

Cette seconde rencontre n’aura toutefois jamais lieu. Markus Beyer, souffrant d’une infection aux yeux, déclare forfait. La date du 10 janvier 2004 est proposée pour la remise de l’affrontement. Toutefois, en raison d’une situation financière précaire, le groupe InterBox décline l’invitation et choisit plutôt d’engager Éric Lucas dans un duel intérimaire face à Danny Green, alors second aspirant au titre mondial.

Cet affrontement a lieu le 20 décembre 2004 au Centre Bell. Lucas perdra finalement ce duel à dix secondes de la fin de la sixième reprise. On apprendra, par la suite, qu’il souffrait d’une sévère blessure aux côtes.

Une autre occasion manquée

On s’en doute, Éric Lucas a longtemps caressé le désir de remonter dans le ring face à Markus Beyer. Cette occasion est venue bien près de se concrétiser une fois que Lucas eût pris la tête d’InterBox.

Alors que, le 21 avril 2005, InterBox présente un premier gala en Roumanie impliquant Lucian Bute, Éric Lucas profite de sa présence en Europe pour négocier avec Sauerland Events. Une entente serait même survenue afin de tenir un affrontement en septembre. Le combat doit être une défense optionnelle du titre mondial WBC alors détenu par Beyer.

Cette rencontre n’aura toutefois jamais lieu et c’est Omar Sheika qui fera face à Markus Beyer. Selon Stéphan Larouche, une entente avec Sheika existait déjà alors que la négociation avec InterBox se déroulait. C’est donc ainsi que s’évanouit la dernière chance d’assister à un combat revanche qui aurait pu permettre de tourner la page sur un épisode que plusieurs considèrent comme bien sombre de l’histoire de la boxe au Canada.

2 Comments

  1. Pingback: Les boxeurs québécois et l’Allemagne

  2. Pingback: Top 10 Yvon Michel

Laissez un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *