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Francy Ntetu (encore) face à son destin

Le boxeur de Chicoutimi, Francy Ntetu (17-2-0, 4 KO), affrontera Erik Bazinyan (20-0-0) tsamedi au Casino de Montréal. Il s’agit d’un duel fort important pour le vétéran de 36 ans, qui a la chance d’affronter en Bazinyan un athlète qui figure au 5e rang du classement mondial de la WBO. D’autant qu’il s’est fait stopper dès le premier round par le mi-lourd Marcus Brown lors de son précédent combat, disputé le 20 janvier à Brooklyn.

Pour souligner cet important combat dans la carrière de Francy, nous vous proposons en rappel, un portrait de sa carrière amateur et professionnelle.

Du Congo à champion canadien

Francy Ntêtu est originaire de Kinshasa, au Congo. Sa famille s’est installée au Saguenay alors qu’il était âgé de 7 ans. Francy goûte brièvement à la boxe à l’âge de 12 ans. Cinq ans plus tard, il devient un régulier du Club de boxe de Chicoutimi dirigé par Michel Desgagnés. Le jeune homme se présente au gym après avoir pratiqué le basketball pendant plusieurs années.

Pour Francy, il s’agit d’un avantage important par rapport à un autre boxeur débutant. « Le basketball m’a aidé à développer la coordination entre mes jambes et mes bras, en plus de m’aider à être imaginatif sur le ring. Dès mes débuts, je me suis senti très à l’aise sur un ring. Aujourd’hui, je continue à jouer au basket régulièrement, ça me garde en forme et ça change le mal de place comme on dit », explique le volubile athlète.

Son parcours amateur s’échelonne sur près d’une dizaine d’années. Dès l’âge de 18 ans, il se rend en finale des gants dorés, mais s’incline face à Sébastien Demers, de quatre ans son aîné. Les années passent et Francy fait sa marque dans la Belle Province. Il remporte à quatre reprises la Coupe du Québec et  décroche les gants dorés à deux occasions. À la fin de 2005, il participe aux jeux de la Francophonie au Niger. Après une première victoire face à un boxeur local, il s’incline en quart de finale.

Fort de cette expérience, moins d’un mois plus tard, il se présente aux championnats canadiens de 2006. Dès son premier combat, il doit s’incliner face à Adonis Stevenson, qui a cinq ans de plus que lui et qui remportera le tournoi. Les trois années suivantes, Francy se présente à ce tournoi mal en point. En 2007, il est affaibli par une gastro et l’année suivante, il est affecté par une blessure au pied. Par contre, à chaque occasion, il est quand même en mesure d’obtenir un poste sur l’équipe nationale.

Plus motivé que jamais, Francy se présente à Trois-Rivières en janvier 2009 pour ses quatrièmes championnats canadiens amateurs. Bien qu’il soit affaibli par l’impétigo, il remporte ses quatre combats en quatre jours et devient enfin champion canadien.

Son expérience internationale l’amène au Championnat du monde de 2007. Il s’incline en entrée de tournoi face au Russe Matt Korobov. Celui-ci remportera son deuxième titre mondial à la fin du tournoi. Le gaucher détient actuellement une fiche de 28-1-0 dont 14 par KO chez les pros. La même année, Francy affronte à deux reprises Fernando Guerrero, un autre gaucher que l’on a vu face à David Lemieux en 2014.

« Ces deux adversaires de haut niveau m’ont permis de prendre confiance en moi et d’être conscient que je peux rivaliser avec n’importe qui. Bien que j’aurais aimé participer aux Jeux olympiques de 2008, j’ai perdu en quart de finale lors des qualifications. J’ai ensuite choisi de faire le saut chez les pros en 2009 » explique le Chicoutimien. Après toutes ses années chez les amateurs, il a cumulé une fiche de 75-25.

L’adaptation à la boxe professionnelle

Toujours sous la supervision de Michel Desgagnés, qui est devenu pour lui un deuxième père, un ami et un confident, Francy fait son entrée chez les pros le 21 novembre 2009. C’est au Centre Claude-Robillard et sur une carte organisée par Ali Nestor qu’il se débarrasse en une seule minute de Patrick Tessier (4-11-1, 2 K.O.) après lui avoir envoyé une puissante droite.

Ses trois combats suivants se font sous l’égide d’InterBox. Bien qu’il n’ait pas de contrat exclusif avec eux, Francy est bien apprécié de l’organisation montréalaise. L’amitié entre son entraîneur et Stéphan Larouche n’y est pas pour rien. Comme bien d’autres, Francy apprend progressivement les grandes différences entre la boxe amateur et celle chez les professionnels. Habitué de lancer le plus de coups possibles, il se concentre maintenant pour placer ses coups.

« Au début de ma carrière, Stéphan Larouche est venu me voir juste avant que je monte sur le ring et il m’a dit : relaxe, place bien tes coups et assure-toi d’envoyer une bonne combinaison par round le reste va venir tout seul. Ses paroles m’ont beaucoup aidé », affirme celui qui est devenu un vétéran avec le temps.

À l’approche de son cinquième combat face à Martin Desjardins, Ntêtu choisit de s’entraîner activement à Montréal. Il parle quotidiennement à son entraîneur qui est resté au Saguenay. Dans le gymnase du Centre Claude-Robillard, il suit les conseils de Pierre Bouchard et écoute attentivement Jean-François Bergeron, alors l’entraîneur de Benoit Gaudet.

Sa victoire par décision majoritaire sur Desjardins a peut-être refroidi l’intérêt d’InterBox qui attendra plus de deux ans avant de l’inviter de nouveau sur l’un de ses programmes. Malgré le peu d’invitation à se battre, Francy ajoute deux victoires à sa fiche dont l’une par KO face au coriace David Whittom de Québec.

Ntêtu VS Hyppolite

De nombreux amateurs se rappellent sûrement l’excitant duel entre Schiller Hyppolite et Francy Ntêtu le 3 novembre 2012 en sous-carte de Bute VS Grachev au Centre Bell. D’autres se souviendront encore plus facilement de la pesée entre les deux boxeurs et de la tension qui était à couper au couteau. Le duel de six rounds a été fort serré, se terminant par une décision partagée en faveur de Ntêtu (57-56, 56-57, 57-56). Certes, la chute d’Hyppolite au troisième round a été l’élément qui a fait la différence. « À l’époque, InterBox promettait un contrat de promotion au gagnant et un boni de 5000 $, malheureusement ce ne fut que des paroles. Ni l’un ni l’autre ne s’est matérialisé par la suite », nous révèle celui qui a eu bien des échanges avec le clan Hyppolite dans les années suivantes.

Bien que Ntêtu se soit montré ouvert à offrir un combat revanche à Hyppolite, celui-ci a pris sa retraite à la suite de son revers en Allemagne à l’automne 2016. La bourse et/ou le délai de préparation ont toujours été la cause de leurs différends et ont empêché la tenue d’un combat revanche.

L’aventure ISP

En 2013, Francy Ntetu a le privilège de participer à la création de la compagnie Impact Sport Production (ISP) dirigé par Michel Desgagné et David Grenon, des hommes de boxe qu’il connaît depuis longtemps.

Il fait la finale des deux premiers galas de ISP en passant le KO au Canadien Michael Walchuck, puis il complète son premier huit rounds contre Jaudiel Zepeda. Après avoir sauté son tour pour le 3e gala, une vive chicane contractuelle entre lui et les promoteurs force l’annulation d’un gala prévu le 25 octobre 2014. Il s’agit d’un épisode douloureux pour Francy qui se retrouve privé de l’appui de son entraîneur des quinze dernières années.

« Il s’agissait d’un vieux rêve pour Michel d’organiser des galas à Chicoutimi. Au départ, j’aurai aimé être impliqué encore plus que comme boxeur, en étant associé, mais ce ne fut pas le cas. Nos différends sont apparus parce que Michel était mon gérant et mon entraîneur à la fois. J’étais vraiment sous-payé pour faire la finale et eux, ils étaient incapables de faire des profits lors de chaque gala. Nous étions pris dans un cul-de-sac », souligne celui qui a pu compter sur la présence de son entraîneur de longue date lors de ses deux combats suivants.

Association avec Lou DiBella

Avant de rompre les ponts avec ISP, Francy a pu se battre sur une carte de Lou DiBella en décembre 2013. Alors conseiller par le gérant américain Greg Leon, Ntêtu obtient une victoire à la suite de la disqualification de son rival au troisième round. Mais sa performance ne convainc pas Lou DiBella à l’inviter à se joindre à son organisation.

Sans appui, l’année 2014 est difficile pour Ntetu. Il se bat à deux reprises, d’abord en sous-carte de Schiller Hyppolite à Pointe-Claire, puis trois mois plus tard à Boucherville lors du premier gala des Promotions Coup de Poing. Alors réserviste pour l’armée canadienne, Francy s’entraîne seul en joggant tôt le matin et en frappant dans un sac de sable en fin de journée.

Finalement, c’est à l’automne que Francy Ntetu décroche un contrat à long terme avec le souriant promoteur Newyorkais Lou DiBella. Il monte sur ring en janvier 2015 lors d’une soirée de Shobox, le club-école de Showtime, puis il ajoute deux gains en mai et en novembre 2015.

Le combat avec David Benavidez

Après un printemps 2016 fort occupé au niveau des négociations avec les David Lemieux, rappelons-nous l’épisode De la Rosa, puis une offre pour affronter de nouveau Schiller Hyppolite, Francy a aussi été en pourparlers avec le Danois Patrick Nielsen alors classé 4e IBF, 6e WBO et 11e WBC. Mais c’est finalement avec l’espoir de Phoenix David Benavidez qu’il s’est entendu.

David Benavidez est le jeune frère de Jose qui a détenu le titre intérimaire de la WBA des super légers en 2014. Provenant d’une famille de boxe, David est entraîné par son père. Devenu professionnel le jour de ses 17 ans, Benavidez a fait ses sept premiers combats au Mexique contre des débutants. Puis en décembre 2014, il débute sa carrière aux États-Unis. À son second combat à Phoenix, il remporte le titre NABF junior et en octobre 2015 « El Bandera Roja » signe avec le promoteur Sampson Lewkowich. Comparé à Pacquiao ou à Sergio Martinez par son promoteur, Benavidez a eu le privilège de servir de partenaire d’entraînement à Gennady Golovkin à l’automne 2014.

Sa victoire contre Ntêtu reste controversée selon plusieurs, à la suite d’un arrêt de l’arbitre un peu rapide. Présent sur les lieux, Yvon Michel a déclaré à propos de ce duel : « C’était un bon combat, un combat compétitif, Francy était inspiré réellement. Au septième round c’était le meilleur round de Francy. Sans qu’on s’y attende, l’arbitre a décidé d’arrêter le combat parce que l’un de ses yeux était tuméfié. Personne n’a compris pourquoi le combat était arrêté. Ntêtu n’était pas ébranlé, il dominait l’échange lors de l’arrêt du combat. L’arbitre l’a raté».   

Au final, Ntêtu a fait cinq combats avec Lou DiBella dont le dernier, le 9 juin 2017 alors qu’il a vaincu en quatre rounds Brian Holstein (12-6-1). L’entente qui devait permettre à Francy de se propulser dans les classements mondiaux s’est terminée en décembre 2017. Depuis, le boxeur du Saguenay est agent libre et a pu s’entendre plus aisément avec le clan de Marcus Brown (20-0-0, 15 KO). 

Si le combat avec Benavidez était un défi sérieux, mais atteignable pour Ntêtu, la pente avec Marcus Browne s’est révélée encore plus abrupte. Toutefois, en cas de victoire, ses chances d’entrer dans l’un des tops 15 étaient proportionnelles au risque puisque l’Américain de 27 ans était alors classé par les quatre grandes associations (3e WBC, 4e WBO, 6e IBF et 7e WBA).

Disputé en sous-carte de Spence VS Peterson à Brooklyn, Francy Ntêtu n’a pas fait long feu devant le mi-lourd gaucher qui a mis seulement 2:15 a clore la rencontre.

Un partenaire d’entraînement fort occupé

Les abonnés de sa page Facebook sont bien au courant de ses nombreuses séances d’entraînement. Installé en permanence à Montréal depuis deux ans et demi, Francy Ntêtu a régulièrement été invité par Marc Ramsay à participer au camp d’entraînement de l’un ou l’autre de ses protégés.

« Francy est vraiment un boxeur idéal pour moi. Il n’a pas un style conventionnel, il est surprenant et complexe. Ça force les Beterbiev, Alvarez et Lemieux à être réveillés en tout temps et à être imaginatifs. Il est présent à presque tous mes camps d’entraînement. Je l’utilise à toutes les sauces, dans les premières semaines ou, plus tard, en alternance avec des partenaires spécifiques. C’est une peste sur le ring, il est compétitif avec eux et il les emmerde régulièrement », affirme Marc Ramsay.

En vue de son duel avec Erik Bazinyan, Ntetu s’est rendu à Vegas pour faire un camp d’entraînement là-bas d’un durée de six semaines. Il a pu compter sur les conseils de l’entraîneur de Jose Benavidez et il a été le partenaire d’entraînement de celui qui affrontera Terence Crawford ce samedi. En plus de mettre les gants avec Benavidez, il a pu rivaliser avec Joel Casamayor, un ancien champion olympique et ancien champion du monde, l’Anglais Chris Eubanks Jr qui est classé 4e à WBC, 5e à la WBA et 10e à la WBO, ainsi que le gaucher Denis Douglin qui a déjà affronté les Jermell Charlo, David Benavidez et Anthony Dirrell.

Le défi Bazinyan

« Nous sommes tous deux considérés comme de bons boxeurs. Ça va être un combat où tu ne sais pas vraiment qui va gagner. Mis à part les spéculations des amateurs, c’est vraiment sur le terrain qu’on va voir qui est le meilleur et va en donner plus pour gagner », a déclaré Francy Ntêtu au sujet de son duel contre Erik Bazinyan, dans un entretien avec Le Quotidien de Chicoutimi.

« Les amateurs pensent qu’il bat tout le monde facilement, mais il n’a pas vraiment encore affronté de boxeur comme moi alors que moi j’ai affronté des boxeurs comme lui », a-t-il ajouté.

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