Adonis Stevenson : est-ce que le ridicule tue toujours?

Par François Bouchard

En août 2015, j’ai publié un article à propos d’Adonis Stevenson qui en a fait réagir plusieurs. Plusieurs ont aimé, d’autres ont défendu le champion de la WBC. Rappelons-nous qu’à l’époque, il se préparait à affronter à Tommy Karpency. Une défense contre un boxeur de deuxième troisième ordre, qui n’a démontré qu’une chose : le champion désire monnayer sa ceinture le plus possible. Aujourd’hui, je vous offre une mise à jour de l’évolution de sa carrière.

Il en est déjà à la huitième défense du titre! La grogne est encore présente sur les réseaux sociaux et les partisans sont exaspérés de voir le champion effectuer des défenses somme toute faciles. Comme plusieurs fans de boxe, je me suis interrogé à savoir pourquoi cette obstination à refuser d’affronter un adversaire digne de lui poser problème?

En premier lieu, ce qui saute aux yeux, c’est que le champion WBC a 39 ans, et qu’un jour, il fera son âge. Il ne peut repousser éternellement les adversaires de haut calibre.  Les boxeurs ne sont pas tous des Bernard Hopkins, capables de rivaliser dans la cinquantaine (et n’oublions pas qu’Hopkins n’a fait que survivre contre Sergey Kovalev). 

À l’opposé, David Lemieux, l’ex-champion a risqué son titre IBF des moyens contre Gennady Golovkin, le meilleur boxeur de sa division dès la première défense. Pourtant, s’il y avait un boxeur à qui les amateurs auraient pardonné une première défense  optionnelle « facile », c’est bien au toujours jeune ancien monarque des 160 lbs. Lemieux n’a jamais hésité à se placer la tête sous le couperet devant le dangereux Kazakh. De plus, la tenue du duel entre Lemieux et Golovkin nous prouve qu’ il est possible d’organiser un combat opposant deux boxeurs affiliés à des organisations différentes, il suffit que les boxeurs le veuillent vraiment, ce qui ne semble pas le cas de Stevenson.

La rançon de la gloire

Andre Ward et Sergei Kovalev, fatigués d’attendre, s’affrontent entre eux. Jean Pascal, qui ne ménage pas ses critiques envers le champion, avait lui aussi choisi de se mesurer au Krusher et comble du ridicule, il va partager le même ring que l’aspirant obligatoire du champion WBC en Eleider Alvarez, qui aurait dû lui aussi avoir sa chance depuis longtemps. En somme, ces adversaires auraient pu restaurer la crédibilité au boxeur d’origine haïtienne, mais il en a fait fi et a choisi sa voie. Il peut dire autant qu’il voudra que ce soit son gérant Al Haymon qui décide, s’il voulait un combat « à risque », il le demanderait. C’est ce qui démarque les champions des légendes.

Un boxeur professionnel paie ses dus à tout le monde, y compris à ses fans. Adonis Stevenson devrait montrer un peu plus d’humilité en tant que champion. Ses photos et ses vidéos qui se multiplient sur les réseaux sociaux me font inévitablement penser à une vedette de tennis qui en arrachait à l’époque. Dans le cas de Superman, il ne se contente pas que de faire le beau, il y va de beaucoup de prétentions qui ne peuvent être fondées tant qu’il n’aura pas battu les adversaires qui s’imposent.  

Croyez-moi, je ne déteste pas qu’un boxeur se pavane sur les réseaux sociaux avec ses possessions, mais il devrait avant tout s’affairer à battre des adversaires qui ont une valeur au moins égale à celle de ses voitures! Dans ses vidéos, on voit très bien l’attitude qu’il adopte par rapport à l’argent. Ses détracteurs diront qu’il n’a peut-être pas appris de ses erreurs de jeunesse. Ce qui est dangereux pour l’image d’un boxeur au passé trouble. S’il accepte d’affronter le vainqueur d’Alvarez vs Pascal pour un duel de championnat local, cela aidera à restaurer son blason.

Adonis Stevenson possède une puissance divine dans le poing gauche, un jeu de pieds et une technique améliorée par le temps passé avec Javan Hill et le défunt Emmanuel Stewart, du Kronk Gym de Detroit. Il doit à ses partisans un combat d’envergure et de plus, il a la liberté du choix de l’adversaire.

Tous les meilleurs boxeurs, toutes générations confondues, sont devenus ce qu’ils sont pour une simple et bonne raison : ils ont affronté et battu les meilleurs. Je crois que s’il avait adopté une approche plus profil bas et fait preuve d’un minimum d’humilité, comme Lucian Bute l’a fait en tant que champion IBF des super-moyens, les partisans ne lui tiendraient pas rigueur de ses défenses de titre douteuses.

Des choix contestables

Je peux comprendre le choix d’un adversaire comme Tavoris Cloud qui était une excellente première défense, puis celui de Tony Bellew, qui était alors l’aspirant obligatoire.  Par contre, au moment de leur entrée sur le ring, Andrej Fonfara et surtout Dimitry Sutkhovsky n’avaient pas leur place sur le même ring que Stevenson pour un titre mondial. Sakio Bika, malgré son statut d’ex-champion WBC des 168 livres, demeure un boxeur limité, qui a mis la main sur un titre vacant.

Ce qui irrite le plus, c’est surtout qu’Adonis se targue de battre et passer le K.-O. à tout le monde et invite les prétendants à faire la file, d’appeler son gérant Al Haymon pendant qu’il affronte des boxeurs de seconde main. En affrontant Fonfara une seconde fois, il sait très bien quelle est la situation actuelle. Ce dernier revient d’une victoire à l’arraché contre un Chad Dawson qui a déjà perdu contre Karpency. Fonfara a subi la défaite par K.O. au premier round contre Joe Smith, qui avait été pressenti pour affronter Stevenson. Oui, il a affronté et battu Nathan Cleverly, Julio Cesar Chavez jr, mais nul doute que Stevenson voit Fonfara comme une proie déjà affaiblie. Enfin, j’espère que le Polonais ne se présentera pas comme tel. De toute façon, c’est Al Haymon qui décide.

Nul doute que la critique s’acharnerait moins sur lui s’il se présentait comme un homme mûr et réfléchi, qui reconnaît qu’être champion est un privilège. J’ajoute qu’il y a eu un peu d’avancement à ce niveau. Donner de l’argent aux sinistrés des récentes inondations lui a valu de la reconnaissance positive. Récemment, il a aussi montré qu’il ne fait pas que des vidéos Facebook où il met en valeur ses possessions ou ses talents de chanteur, il investit dans l’immobilier. Derrière ses frasques se cache aussi une personne. Même si l’opposition de ses adversaires n’est pas à la hauteur de son talent, il faut du travail pour en arriver à ce statut.

Et Alvarez dans tout cela?

Le dindon de la farce, c’est Eleider Alvarez. Pas que son combat contre Jean Pascal ne sera pas intéressant, au contraire! Les fans québécois voient ce combat comme étant la vraie finale de ce gala. Personnellement, je ne vois qu’une chose qui a motivé Eleider à choisir ce combat : la bourse. Il a déjà la réputation d’avoir battu le chouchou des Québécois, soit Lucian Bute. Il a risqué son classement à plusieurs reprises déjà. Sinon, quel intérêt à remettre sa position d’aspirant obligatoire en jeu?

En terminant, j’ai une pensée pour mon ami David Whittom. Quand ma conjointe m’a appris la nouvelle, je me sentais comme un soldat qui venait de perdre un frère d’armes même si nous n’étions pas dans le même bataillon. Je l’ai côtoyé à quelques reprises au club de boxe Empire alors que je m’occupais de la relève de demain. J’avais prédit une victoire par KO technique au 11e round de Bernard Hopkins sur Beibut Shumenov et quelques jours plus tard on se voyait pour voir le combat d’Eric Martel contre Lucas Browne sur écran géant au centre sportif Empire et me dit : « Man, j’ai pensé à toi quand Hopkins l’a envoyé au plancher! » . Quand je l’ai revu au gala de Stevenson vs Bika, il m’a annoncé ses intentions. J’étais sceptique, je me demandais ce que ça lui donnait de plus. La semaine dernière, j’ai vu qu’il réparait maintenant des bains et douches. Ça m’adonnait bien, j’avais un lavabo en céramique qui manquait de lustre. Puis, la fin de semaine suivante, arriva ce qui arriva.

Quand on se met à boxer, la dépendance qui se crée est irréversible. Parfois, il faut canaliser cette drogue autrement. Je l’ai fait par l’écriture et le coaching. J’espère que tu vas te relever David afin que tu puisses lire ces lignes. Il y a beaucoup de gens qui ont besoin d’une job de céramique et surtout, encore plus qui t’aime.

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